La pédagogie de la foi dans le Directoire pour la Catéchèse

Dans une approche à deux voix, Isabelle Perrier et Joëlle Eluard échangent sur la pédagogie de la foi, telle qu’elle est travaillée au chapitre 5 du Directoire pour la Catéchèse (articles 157 à 178).

Cette intervention a été donnée dans le cadre de la session Perspectives catéchétiques, « Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises » (Ap 2,17a).

Mise en route :

  • Dis Isa, tu sais j’ai lu le DpC …
  • Ah bon, tu m’étonnes, surprenant pour un membre du SNCC !
  • Le paragraphe 30 dit que l’évangélisation a pour but ultime l’accomplissement de la vie humaine. C’est pour cela que Dieu s’est fait homme ?
  • Dieu c’est fait homme pour nous sauver !
  • Moi au caté, j’ai appris que Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu et j’aime bien ça.
  • Mais dis-moi tu n’es pas d’ici, toi ! Les chrétiens d’Orient ont travaillé autour de cette pensée, nous, en occident, nous avons utilisé une autre expression mais les deux se rejoignent. C’est en consentant à devenir pleinement à l’image de Dieu que nous sommes sauvés mais c’est aussi un long processus que de prendre conscience que nous sommes sauvés et d’apprendre à vivre de ce salut.

Un long processus :

  • Un processus, tu veux dire que ça ne se fait ni en une séance de caté, ni en deux ans de catéchuménat, ni en ayant suivi tous les chapitres du parcours, ni de 7 à 12 ans, ni …
  • Arrête avec tes « ni », un processus ça veut dire que cela prend du temps, que nous allons vivre des transformations tout au long de notre vie, des étapes, des conversions. Il n’y a pas un âge pour le caté mais c’est plutôt du caté à tout âge. Tu sais le pape François nous le dit déjà dans Evangelii Gaudium (au numéro 223) quand il affirme avec force que le temps est supérieur à l’espace : « Donner la priorité au temps, c’est s’occuper d’initier des processus plutôt que de posséder des espaces. […] Il s’agit de privilégier les actions qui génèrent les dynamismes nouveaux dans la société et impliquent d’autres personnes et groupes qui les développeront, jusqu’à ce qu’ils fructifient en événements historiques importants. » Il en parle quand il évoque la paix sociale mais cette tension est également valable quand on pense la catéchèse qui est une étape privilégiée du processus d’évangélisation (DpC 56).
  • Un processus cela veut dire que comme un enfant grandit, un chrétien grandit, tout est en lui par le baptême, tout son ADN chrétien est présent mais il faut du temps pour tout découvrir. Quels caractères génétiques nous donnent l’ADN du chrétien ?
  • Attends, on va demander à ceux qui nous écoutent : nous vous proposons de voter pour certaines caractéristiques, à vos souris : Choisissez 3 mots qui font partie de notre ADN pour un sondage : charité, dialogue, témoignage, espérance, foi, proclamation, conversion, mission, communion, formation permanente, mais ce qui est sûr c’est que tout est lié !

La pédagogie de la foi :

  • Tu vois Joëlle, l’ADN du chrétien est vraiment riche et comprend de nombreux caractères qui vont sembler, parfois, plus importants à certains moments de la vie et moindres à d’autres. Mais ce que le DpC nous rappelle (car il n’est pas le premier document à le faire), c’est que l’on ne peut comprendre qui nous sommes et ce à quoi nous sommes appelés qu’en remontant à l’origine de ce qui nous fait chrétien. Tu connais cette phrase tellement belle de Benoît XVI dans Deus caritas est ?
  • Bien sûr, elle est gravée en moi et souvent je me la redis : « À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon, et par là son orientation décisive. »
  • Oui c’est cela ! Mais nous le savons, cette rencontre n’est rendue possible uniquement parce que c’est Dieu lui-même qui a pris l’initiative, gratuite, dans son infinie bonté d’entrer en dialogue avec l’homme, pour l’appeler à partager sa vie divine, pour se laisser réconcilier avec lui, pour apprendre à vivre de son salut. Et bien je crois que le DpC veut précisément nous emmener là, en nous rappelant que la vocation de l’Église « puise ses racines dans le mystère de Dieu qui, en Jésus, entre en dialogue intime avec l’homme et prend forme précisément à partir de ce dialogue, en assumant ses caractéristiques ». Si donc l’Église se fait conversation (c’est Paul VI qui nous dit cela avec force dans son encyclique Ecclesiam suam au numéro 67 notamment), la catéchèse, pour accomplir sa part à la nouvelle évangélisation, doit, elle aussi se concevoir, comme un « laboratoire » de dialogue.
  • Excuse-moi Isa mais, toi et moi, en ce moment-même, dialoguons et j’essaie de comprendre comment la catéchèse, le catéchuménat doivent être un dialogue… Il doit quand même y avoir un contenu, des choses à apprendre…
  • Je comprends ta remarque. Dire, avec le DpC, que la catéchèse doit mettre l’accent sur le style dialogal, c’est se redire avec force qu’elle obéit à une pédagogie.
  • Et cette pédagogie, nous pourrions la décrire de quelle manière ?
  • En entrant spirituellement dans la compréhension de la catéchèse ; en accueillant le fait que la catéchèse découle de la Révélation divine et tire d’elle sa nature, alors on peut dire qu’elle obéit à la même pédagogie dont Dieu a fait preuve dans l’histoire. Une pédagogie qui mise sur la progressivité, sur la patience, en mettant de côté toute velléité de réussite mais en assumant sa part, sa collaboration à l’œuvre de Dieu. Une pédagogie qui se révèle en plénitude dans l’Incarnation du Verbe, en Jésus Christ.
  • Tu peux donner des exemples de cette pédagogie ? Cela consiste en quoi ?
  • Le DpC nous présente ces caractéristiques à partir du numéro 166, il serait bon de les regarder en détail mais déjà on peut se dire qu’il s’agit :
    • D’affirmer avant toute chose l’initiative de l’amour gratuit de Dieu : elle est première, elle nous précède ;
      C’est la primauté de la grâce !
    • De redire avec force que le salut est offert à tous ; Paul dans sa première lettre à Timothée le dit bien : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1Tm 2, 4).
      L’universalité de l’offre de salut est à ne jamais oublier.
    • Mais pour que ce salut, offert à tous, advienne, il faut que l’homme se convertisse et parvienne à l’obéissance de la foi. Tu sais, c’est une formule de Dei Verbum et souvent on s’irrite en lisant le mot obéissance. Mais en fait il est plein de la richesse que saint Paul lui donne : obéir par la foi, c’est se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu et, librement et avec tout ce que nous sommes, répondre à son cadeau par la foi. Lui offrir notre vie en réponse à l’offrande de la sienne.
      La foi comme réponse au don que Dieu fait de lui-même !
    • Mais je te vois venir, ce salut n’advient pas comme cela, instantanément. Il demande à être accueilli, consenti, tout au long de la vie. Quand on regarde comment Dieu a agi envers son peuple, on voit qu’il a pris son temps, qu’il l’a rendu possible en parlant par ses prophètes, en accomplissant des gestes puissants. Mais vraiment c’est en regardant Jésus que nous comprenons le sens de cette progressivité de la Révélation qui, par lui, atteint sa plénitude parce que le regarder, c’est voir le Père vraiment. Mais dans toutes ses rencontres, il a d’abord pris soin d’accueillir la personne là où elle en était, sans présumer de là où elle aurait dû être. Il s’est adressé à elle dans un langage et par des gestes qui étaient compréhensibles pour elle. Il l’a fait avec toute la richesse de sa culture juive.
      Progressivité, un dialogue qui prend son temps et qui se repropose sans cesse.
    • Et cela nous conduit à redire qu’au centre il y a Jésus-Christ, la Parole de Dieu qui s’est faite chair et qui nous appelle à être une catéchèse de l’incarnation, non pas une somme de choses à savoir mais comme ce qui conduit à la rencontre de Dieu qui s’est fait homme pour que nous devenions Dieu.
      C’est la pédagogie de l’incarnation.
    • Mais si, chaque fois, le Seigneur s’adresse à chacun de manière personnelle, c’est bien dans la communauté que nous célébrons ce mystère et c’est elle qui nous permet d’être des catéchistes, d’être des accompagnateurs de catéchumènes. Elle est notre force, notre lieu de ressourcement et c’est vers elle que nous accompagnons les personnes.
      Importance de la communauté dont la catéchèse tire sa force et vers laquelle elle conduit.
    • Alors oui, cela nous mobilise encore plus pour ne pas enfermer notre conception de la catéchèse dans une seule compréhension mais à mobiliser toute notre créativité, à mettre ensemble aussi bien des paroles que des gestes signifiants, que des attitudes qui témoignent de ce dialogue pour voir que tous ensemble, ils se répondent et œuvrent à une même finalité. Créativité de la catéchèse… il faudra sûrement s’en expliquer davantage.
    • Je te l’accorde, on peut être saisi d’un certain vertige face à tout cela mais nous trouvons notre assurance dans le fait que c’est toujours l’amour inépuisable de Dieu qui est la raison ultime de toutes choses. C’est lui qui rend toutes choses possibles, à Dieu rien n’est impossible comme nous le dit saint Luc au tout début de son évangile.

C’est en définitive un chemin qui s’ouvre à nous, celui de Dieu qui offre son salut et celui de l’Eglise qui va lui donner un relief à chaque fois unique qui devient la source du modèle de la pédagogie de la foi. Être engagé sur ce chemin, c’est s’engager dans un processus qui prend son temps, qui va d’étapes en étapes, qui conduit vers une maturité de plus en plus forte de la foi et ce processus pourra user à la fois d’initiation, d’éducation mais également d’enseignement. Un savoir-faire, un savoir et surtout un savoir-être avec les personnes.

Je crois que l’insistance renouvelée sur la pédagogie nous invite à entrer dans une démarche spirituelle vis-à-vis de la catéchèse et du catéchuménat. Comprendre cette démarche comme des étapes privilégiées du processus d’évangélisation mais qui ne sont pas les seules. Il nous faut aussi envisager les personnes auxquelles elle s’adresse dans tout ce qui fait leur vie, en sachant qu’elle est précédée par l’Esprit Saint qui œuvre déjà, mystérieusement, dans le cœur des personnes. Nous sommes appelés à être des passeurs d’Evangile.

Bon, on vient de se redire qu’en plongeant dans la Révélation divine qui nous fait chrétien, qui nous configure en quelque sorte, nous découvrons que nous sommes également invités à prendre en charge la pédagogie avec laquelle Dieu lui-même a procédé. Si cela peut sembler nouveau, il me semble pourtant que tout cela, nous l’avons déjà entendu et que nous en vivons, nous le mettons en pratique.

« Pour vous quels sont les mots, les aspects les plus significatifs de la pédagogie divine ? »

Les critères pour l’annonce du message évangélique :

  • La pédagogie c’est bien mais quand même il faut du contenu !
  • C’est toi qui dis ça Joëlle !
  • Ben oui, il faut bien quelques repères, quelques critères, pour s’en rappeler je te propose de penser aux jeux olympiques.
  • C’est quoi le rapport ? Sur quoi tu t’appuies ?
  • Suis ma pensée dans ma tête : Saint Paul (dans sa 1ère lettre au Co au chapitre 9) compare le croyant à un sportif, il parle du stade, des coureurs, des athlètes, du coup ça m’a fait penser aux jeux olympiques, aux anneaux, les anneaux de couleur reliés entre eux, chacun représentant un continent mais tous liés. En lisant le nouveau directoire, les articles 167 et suivants, ils parlaient de 5 critères, 5 anneaux, tous liés et voilà, tu sais bien tout est lié !
  • Oui, tout est lié ne cesse de nous rappeler le pape François, ça me rappelle quelque chose !
  • Liés pour nous par la Parole de Dieu : Alors commençons par le rouge, comme le cœur car le cœur de la catéchèse est le Christ, il est au centre de toute catéchèse. Lui au milieu et tout le reste en lien avec lui. Nous nous engageons à parler de lui, à vivre de lui, à le raconter lui, sa vie, son histoire, ses rencontres, ses paroles dans chacune de nos rencontres. Il est la clé qui permet à chacun de s’inscrire dans l’histoire du peuple de Dieu et le fondement de notre liturgie. Mais bien sûr il ne faut pas non plus oublier que notre foi est… est …
  • Trinitaire, au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, donc 1er critère « trinitaire et Christologique et si maintenant je choisis la couleur verte, tu me dis quoi ?
  • Je te dis vert comme l’espérance : Rappelle-toi, Dieu sauve ! C’est le nom de Jésus et on a déjà évoqué l’importance du Salut. La catéchèse en faisant mémoire de tous les évènements passés de l’histoire du peuple de Dieu, en les racontant, en les interprétants, nous fait vivre de ce don du Salut. Dieu s’inscrit dans l’histoire de chaque croyant et chaque croyant porte en lui l’espérance contenue dans l’évangile. La lecture d’hier avec Hébreux 6 (He 6, 19-20) nous donnait une image, celle de l’ancre, l’espérance une ancre sûre et solide. Cette parole que nous avons à transmettre en tant que catéchiste éclaire la vie de chacun et lui donne sens. Elle l’oriente dans toutes ses composantes qu’elles soient culturelles, politiques, sociales, économiques, familiales, elle requiert l’attention aux plus petits, aux plus pauvres. Elle ouvre un avenir. Vaste programme avec les enfants, les jeunes, les adultes …
  • Donc critère historico-salvifique.
  • J’aime bien quand c’est toi qui dis ces mots compliqués ! Passons au bleu, B comme le B de beauté et grâce. Toute la catéchèse doit être une catéchèse de la grâce et de la beauté. Je crois que c’est un critère que nous oublions souvent. Englués dans nos manuels, nos connaissances, notre pédagogie, nos inquiétudes, nous oublions ce don essentiel. Tu l’as rappelé tout à l’heure, l’initiative aimante de Dieu est première et sa grâce nous permet d’entrer en dialogue. Dieu est non seulement grand mais il est beau et bon et il a fait toutes choses belles, à commencer par nous qui sommes ses merveilles. Comment l’oublier ? Grâce et beauté, miséricorde et gratuité, c’est cela qui doit jaillir du cœur de chacun chaque fois que nous rencontrons quelqu’un, que nous accueillons un enfant, un adulte. A l’image de Dieu et de son Fils, mort et ressuscité par amour pour nous.

Si tu veux je peux parler un peu latin c’est la via pulchritudinis….

  • Le kérygme quoi ! c’est ce qui transforme notre vie.
  • Oui mais pas nous tout seuls, c’est là qu’il faut rajouter une couleur : le noir.
  • Bof, ce n’est pas une couleur !
  • C’est la couleur du bitume, de la route sur laquelle nous nous trouvons avec tous ceux qui nous ont précédés et ceux qui nous suivront. On n’est pas chrétien tout seul, c’est en Eglise et avec l’Eglise que nous annonçons la foi en Christ. Nous sommes portés par les apôtres, les martyrs, les saints, les Pères et docteurs de l’Eglise, les théologiens mais pas seulement ! Il y a aussi toutes les communautés de croyants et la nôtre, le caté ce n’est pas un truc à part, c’est l’affaire de tous, porté par tous. C’est le critère de l’ecclésialité.
  • Il reste le jaune, jaune soleil, jaune poussin ?
  • Jaune comme … ben là je ne sais pas ! Jaune pour le dernier critère : unité et intégrité de la foi. Le catéchiste où qu’il soit, quel qu’il soit, transmet la même foi. Une seule foi, un seul baptême, un seul message dans son intégralité. On n’arrange pas les choses à sa sauce ! On ne retire pas les textes qui nous gênent, il n’y a pas de choses secrètes ou de messages que certains ne devraient pas ou ne seraient pas capables d’entendre. Même si tout n’a pas la même importance et que tout n’est pas relié de la même manière au cœur de la foi, cela ne veut pas dire que certaines vérités soient moins vraies que d’autres. Nous pouvons catéchiser graduellement, et de manière adaptée mais la catéchèse reste une et avec son caractère organique, c’est-à-dire que les différentes vérités s’articulent entre elles et s’éclairent mutuellement.
  • Donc rouge comme le cœur du Christ au cœur du message catéchétique.
  • Vert comme l’espérance, espérance du Salut inscrite dans notre histoire.
  • Bleu comme Beauté et grâce.
  • Noir comme le bitume où nous sommes tous en marche en Eglise.
  • Jaune comme … unité et intégrité !

Et maintenant nous vous écoutons !

Joëlle Eluard (SNCC) et Isabelle Perrier (SNCC)

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