La créativité en catéchèse

« Le catéchiste comme toute l’Eglise qui évangélise n’est pas installé et cherche en permanence, à trouver de nouveaux chemins. Mais la créativité doit se conjuguer avec la fidélité à l’Evangile. Dans une même phrase aux catéchistes, le pape François affirme que « Dieu est toujours fidèle, il est créatif » comme si ces deux termes étaient identiques. »

Audace, innovation des acteurs de la pastorale catéchétique : quelle place pour la créativité en catéchèse et catéchuménat ? Quel discernement pour une juste créativité au service de la transmission de la foi ? S’appuyant sur les textes du Magistère de l’Eglise, en particulier le Directoire pour la Catéchèse, et sur leurs expériences respectives comme catéchistes, Pauline Dawance, directrice du SNCC, et le père Christophe Sperissen, membre du SNCC, sont intervenus sur ce sujet dans le cadre de la session Perspectives catéchétiques, « Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises » (Ap 2,17a).

En guise d’introduction …

S’il y a un bien un lieu parmi les activités de l’Eglise où se vit la créativité, c’est celui de la catéchèse.

En effet, de par son lien très étroit avec la pédagogie la catéchèse sait faire appel à des champs de compétences divers, comme les techniques d’animation, le chant, les jeux, le théâtre, les mimes, … et qui font d’elle un laboratoire d’imaginations, de créations, de propositions. Le concept de créativité est donc parfois utilisé positivement pour évoquer une certaine vitalité de l’activité catéchétique : ça bouge, c’est vivant, c’est dynamique !

Cela est bien sûr lié aussi et d’abord à la diversité de ses destinataires. (On parle plus volontiers d’interlocuteurs dans le nouveau Directoire pour la catéchèse (DpC) de 2020 que de destinataires, très présent dans le DGC de 1997). L’activité catéchétique s’adresse à tous les âges de la vie, de la petite enfance à l’âge adulte, en passant par l’enfance et l’adolescence, et à des situations extrêmement diverses sans prétendre être exhaustif.

Il nous faudrait ici ouvrir un dossier autour de la manière dont la créativité en catéchèse a pu bénéficier de tout le courant des pédagogies nouvelles, des pédagogies actives depuis Pestalozzi à Marie Fargues, en passant par Freinet, Dewey, Montessori … mais nous n’en avons pas le temps. Comment ne pas penser ici également à ces belles figures spirituelles que sont Philippe Neri ou Jean Bosco …

Notons dès à présent – et nous le verrons un peu plus tard – le mot « créativité » est bien présent dans le DpC ; à 13 reprises !

Mais cette capacité de la catéchèse, ce « savoir-faire », ce « savoir » et ce « savoir-être avec » comme le propose le nouveau DpC, en matière de créativité, ne lui vaut pas toujours de bénéficier d’une bonne réputation. En effet, on a vite fait de cantonner la créativité aux activités d’appropriation caricaturant la catéchèse qui serait d’abord une sorte d’atelier manuel, lieu d’activité de bricolage, de dessin, de découpage, … bref comme une sorte d’atelier manuel pour occuper et passer le temps, surtout quand il s’agit de catéchèse de l’enfance. « La dame caté » qui arrive avec son attirail de matériel à bricoler … C’est bien connu, en catéchèse on découpe et on bricole. Il faut dire avec humilité, que la catéchèse est responsable de sa propre image. Quand elle met la Parole de Dieu au rang d’une activité alors qu’elle est sa première médiation, quand elle utilise le récit biblique pour aller vers une conclusion prédéterminée sans passer par les étapes de la réception, de la rumination, de l’expression personnelle, elle ne sert pas la créativité. Elle étouffe le souffle de l’Esprit dans le Parole. (Cette question fera entre autres l’objet de notre Session de juin prochain sur la Parole de Dieu en catéchèse).

Là encore le temps nous manque, mais il serait tellement intéressant d’aller relire quand nous pensons à la catéchèse en France, tous les travaux de Joseph Colomb et de nous en inspirer sur cette question du rapport entre catéchèse et Parole de Dieu. (et tout particulièrement ce qu’il écrit sur le chant en catéchèse dans Le service de l’Evangile1)

Pour introduire notre intervention nous avons repéré un passage tout à fait éclairant du pape François lors de son intervention au Congrès mondial des catéchistes du 27 septembre 2013 s’adressait ainsi :

« Dieu est toujours créatif, il est créatif. Mais s’il vous plaît, on ne comprend pas un catéchiste qui ne soit pas créatif. Et la créativité est comme la colonne du fait d’être catéchiste. Dieu est créatif, il ne s’enferme pas, et pour cela il n’est jamais rigide ! Il nous accueille, il vient à notre rencontre, il nous comprend. Pour être fidèles, pour être créatifs, il faut savoir changer. Savoir changer. Et pourquoi je dois changer ? Pour m’adapter aux circonstances dans lesquelles je dois annoncer l’Evangile2 ».

Nous nous intéresserons donc à la question du statut de la créativité en catéchèse : quelle est la finalité de l’acte de créativité en catéchèse ? Si le but de la catéchèse est de mettre « non seulement en contact, mais également en communion et en intimité avec le Christ » comme l’écrivait saint Jean-Paul II3, si la catéchèse doit être aujourd’hui toujours plus kérygmatique et plus mystagogique comme nous y invite le nouveau Directoire pour la Catéchèse, comment la créativité est-elle un espace à explorer et dans quel but ?

Nous explorerons pour commencer la sémantique de ce mot pour en dégager une première conclusion théologique.

Ensuite, nous enquêterons dans le Magistère de l’Eglise pour y repérer la manière dont la créativité est pensée, proposée et recommandée, particulièrement pour l’annonce de la foi.

Enfin, nous poserons quelques jalons pour un discernement de la créativité en catéchèse avant de proposer une conclusion.

Autour du mot créativité : un attribut de Dieu lui-même

La fréquence des mots créativité et créatif dans le domaine de la catéchèse est très variable selon les époques dans les documents du Magistère.

Je vous propose de faire un détour par l’étymologie et l’évolution de la famille de mots dont fait partie le terme créativité.

Le verbe créer vient du latin creare qui signifie créer dont les origines indo-européennes ont aussi le sens de croître, faire pousser, faire grandir, produire.

Dans le langage biblique, le verbe créer qui signifie « tirer du néant » est réservé à Dieu qui en est toujours le sujet. Lui seul peut faire exister quelque chose à partir de rien en créant « ex nihilo » tous les éléments qui constituent l’Univers. Il est à l’origine de tout comme nous l’entendons dans la Genèse dans les répétitions du verbe hébreu « bara » : créer, former, façonner.

Dans son action de création, Dieu qui est amour fait surgir par amour, non pas de lui-même incréé et permanent, mais du néant, quelque chose de radicalement différent de lui. Ses créatures, elles, ont un commencement, une progression, une corruption.

Le verbe hébreu « bara », créer, a la même racine que « dabar » (davar), la parole, le Verbe par lequel Dieu crée. Et Dieu ne cesse de parler aux hommes et Dieu ne cesse de créer. Il crée au présent. Dans le premier chapitre de la Genèse, le verbe bara est employé dans un temps qui exprime la continuité de l’action pour signifier qu’Il est perpétuellement créateur. Tous ses actes sont créateurs car ils donnent ou redonnent vie. Pour Dieu créer et sauver ont la même source, la même dynamique de vie.

Les premiers mots de la Genèse, traduits en français par « au commencement », disent plus que le début de l’histoire. Ils disent l’être créateur de Dieu. On pourrait traduire ce verset par « dans le principe, Dieu crée et continue de créer ».

Et une fois le monde sorti de rien dans une dynamique de vie, il ne l’abandonne pas, mais veut y associer l’humanité. Il va le confier à l’homme et la femme pour qu’ils le gardent, le cultivent, le façonnent, non pas pour y exercer un pouvoir mais pour le protéger et le faire croître vers toujours plus de vie.

Le pape François dans Laudato si‘ (LS 80) dit qu’ « Il a voulu se limiter lui-même, en créant un monde qui a besoin de développement, où beaucoup de choses que nous considérons mauvaises, dangereuses ou sources de souffrances, font en réalité partie des douleurs de l’enfantement qui nous stimulent à collaborer avec le Créateur ». Dieu veut agir avec nous et compte sur la coopération de l’homme et la femme, faits à son image et à sa ressemblance, capables d’agir pour la vie. « Dieu qui t’a créé sans toi, ne veut pas te sauver sans toi »4 dit Saint Augustin. A son image et à sa ressemblance, mais pas égaux à Dieu, ils ne peuvent pas créer ex-nihilo mais ils ont la capacité de générer la vie par la procréation. A son image et à sa ressemblance, Dieu les dote de parole, capacité divine créatrice. Que Dieu nous associe ainsi à sa puissance créatrice apparaît alors vertigineux.

Revenons au vocabulaire. Beaucoup plus tard, à la fin du XVIII° siècle, l’emploi du mot créateur réservé jusque-là à Dieu, va glisser pour désigner l’auteur d’une chose nouvelle. Là où l’on parlait d’un artiste inspiré, animé par un souffle, on commence à lui attribuer le nom de créateur et la nouvelle qualité d’être créatif. Au XX° siècle le créateur est un styliste et aujourd’hui toutes les agences de pub ont leur « créa » qui a gagné les métiers de la communication.

Enfin, le mot créativité, dérivé de l’anglais « creativity » apparaît dans la seconde moitié du XX° siècle. Il est introduit par les sciences humaines. En psychologie pour désigner la capacité de réaction de l’intelligence face à un problème inédit. En pédagogie, il vise l’initiative personnelle et l’imagination créatrice. Appliqué d’abord à la traduction, le terme de créativité implique la capacité d’adaptation à une culture ou à une situation, avec le défi de ne pas trahir l’original. Le traducteur doué de créativité fait œuvre de « passeur ».

Voilà qui peut inspirer pour nos réflexions sur la catéchèse.

Quand le Magistère parle de créativité

Comment le Magistère intègre-t-il le terme contemporain de créativité ? Il est tout à fait absent du Concile Vatican II et très présent chez le pape François. Entre les deux, il y a une réelle évolution qui montre l’approfondissement du Concile quant au rôle des catéchistes de plus en plus actifs et en dialogue pastoral. On peut dire aujourd’hui que l’on voit poindre la figure du disciple-missionnaire dont l’action s’inscrira de façon croissante dans une dynamique d’évangélisation.

Le premier Directoire de catéchèse de saint Paul VI en 1971 mentionne la créativité, non pas du catéchiste mais du catéchisé. Au catéchiste, on assigne les limites de son action qui consiste à choisir et créer « les conditions favorables … L’action des catéchistes va jusque-là, mais elle s’arrête là. » précise le texte (DCG n°71). Car, poursuit-il, l’adhésion du catéchisé est le fruit de la grâce et de la liberté et ne dépend pas finalement du catéchiste. On sera attentif à éveiller la « créativité » chez le catéchisé. En effet, dans une conception active de la catéchèse, la réponse de foi des destinataires est sollicitée, favorisée, conformément à l’économie de la Révélation et du salut. C’est ce que le texte entend par « créativité des catéchisés » à éveiller.

Dans le DGC de saint Jean-Paul II en 1997, il est toujours question de la « créativité des catéchisés » qui sont, comme en 1971, appelés à répondre activement au don de Dieu et qui pourront contribuer activement au progrès de la catéchèse en indiquant les voies les plus adaptées à son but. (DGC 157)

Le rôle du catéchiste, lui, évolue et apparaît « sa créativité originale » qui caractérise son rapport personnel avec le catéchisé (n°156). Sa « créativité personnelle » (169) est présente et sa propre formation est « créative » car l’idéal est qu’il soit l’artisan de son apprentissage (245).

Dans le DGC, ce sont aussi les Eglises locales qui doivent faire preuve de créativité dans l’élaboration des catéchismes. Ils doivent être adaptés pour que le message évangélique soit inculturé (134 et 135).

Lorsque le pape Benoit XVI, s’adresse aux artistes, la catéchèse peut s’en inspirer. Il lance aux artistes « un appel amical et passionné » pour que la créativité artistique ne soit jamais séparée de la vérité et de la charité. Les artistes, selon le pape, par la richesse de leur génie et de leur élan créatif, doivent toujours être, avec courage, des chercheurs de la vérité et des témoins de la charité.

Créativité, beauté et vérité, courage et charité. Voilà des associations de termes qui rejoignent la voie de la beauté (via pulchritudinis) mise en avant par le Magistère comme chemin d’évangélisation pour l’activité catéchétique.

C’est avec le pape François que le mot créativité est le plus représenté. Les champs et association de mots, nous aideront à approcher la créativité en catéchèse.

Alors que l’on parle habituellement plutôt de Dieu créateur, le pape François évoque en plusieurs endroits la créativité de Dieu : il parle de la « constante créativité divine », « infinie », de « l’incomparable et surprenante créativité de Dieu ». Et aux catéchistes spécialement, il dit qu’ils doivent être créatifs car « Dieu est créatif ».

On retrouve particulièrement ces termes dans un autre registre que nous connaissons depuis la Joie de l’évangile, c’est le champ lexical qui oppose tout ce qui est rigide, fixe, paralysé, ce qui stagne, est enfermé, tranquille …. Il l’oppose à l’adaptation, à la nouveauté, à l’inconfort, au mouvement.

Le catéchiste doit savoir s’adapter, sortir. L’évangélisation se traduit par le mouvement : Aller vers l’autre, montrer une confiance active et créative, le catéchiste marche vers le Christ. Nous sommes invités à sortir de nous-mêmes dans le mouvement du cœur de diastole – systole, à favoriser les chemins toujours nouveaux du ressuscité, à marcher ensemble avec les pauvres.

Ce qui est nouveau, renouvelé, transformé habite les disciples-missionnaires. Il s’agit d’initier des processus « créatifs et transformants », par exemple avec le pacte éducatif mondial.

Il faut « rompre les schémas ennuyeux », « revenir à la fraîcheur originale de l’évangile » d’où « surgissent des voies nouvelles. » (EG 11)

Souvenons-nous des propos du pape sur les tentations des agents pastoraux et sur la pastorale de conversion des communautés chrétiennes. Il s’agit « d’abandonner le confortable critère pastoral du “on a toujours fait ainsi” (EG 33) pour retrouver une « plasticité pastorale » (EG 28)

Il est question « de ne pas se transformer en musée folklorique d’ »ermites » renfermés, condamnés à répéter toujours les mêmes choses, incapables de se laisser interpeller par ce qui est différent » (EG 234).

Il nous met en garde contre une annonce transmise « toujours par des formules déterminées et figées, ou avec des paroles précises qui expriment un contenu absolument invariable » ; « les formes sont très diverses, impossible à décrire ou à cataloguer. » (EG 129) Il s’agit de chercher différents styles, expressions, moyens, formes.

L’exigence de l’inculturation de l’évangile est souvent citée en particulier par l’activité artistique comme nouveau chemin d’expression de l’évangile.

Bref, le catéchiste comme toute l’Eglise qui évangélise n’est pas installé et cherche en permanence, à trouver de nouveaux chemins. Mais la créativité doit se conjuguer avec la fidélité à l’Evangile. Dans une même phrase aux catéchistes, le pape François affirme que « Dieu est toujours fidèle, il est créatif » comme si ces deux termes étaient identiques. « Pour être créatif, dit-il, il faut savoir changer pour m’adapter aux circonstances dans lesquelles je dois annoncer l’Evangile » (27/09/2013). On peut comprendre dans cette fidélité créative qu’il faut tenir en catéchèse à la fois la fidélité à Dieu et la fidélité à l’homme (DpC 181).

Le mot créativité est associé dans les propos du pape François à l’audace, au courage, à la parresia, cette audace que donne l’Esprit Saint pour annoncer la Bonne Nouvelle (1 fois 27/9/2013).

Nos doutes et nos peurs sont des obstacles « qui peuvent étouffer toute audace, il est possible qu’au lieu d’être créatifs, nous restions simplement tranquilles sans provoquer aucune avancée et, dans ce cas, nous ne serons pas participants aux processus historiques par notre coopération, mais nous serons simplement spectateurs d’une stagnation stérile de l’Église. » (EG 129)

On compte une dizaine de fois le rapprochement du courage avec la créativité particulièrement en 2020, dans les textes relatifs à la pandémie d’abord :

  • En mai 2020, le pape évoque la créativité dans l’épreuve de la pandémie lorsqu’il médite en mars sur l’évangile de la tempête apaisée ou en invitant à prier pour les familles afin qu’elles poursuivent en paix avec créativité et patience le confinement. « La famille, enfermée à la maison, dit-il, essaie de faire beaucoup de choses nouvelles et montre tant de créativité avec les enfants, avec tous, pour aller de l’avant.» (Homélie 4/5/2020).
  • C’est à notre « esprit créatif et renouvelé» qu’il fait appel en deux occasions en août dernier pour « transformer les racines de nos maladies physiques, spirituelles et sociales » et « guérir en profondeur les structures injustes et les pratiques destructrices qui nous séparent les uns des autres, en menaçant la famille humaine et notre planète. »

La préférence de l’Eglise pour les pauvres « implique de marcher ensemble, de se laisser évangéliser par eux, qui connaissent bien le Christ souffrant, de se laisser « contaminer » par leur expérience de salut, par leur sagesse et par leur créativité. Partager avec les pauvres signifie s’enrichir réciproquement », dit le pape dans ce que l’on peut appeler le témoignage kérygmatique des pauvres. (Audience générale 19/8/2020)

C’est dans la Lettre apostolique pour l’année saint Joseph5 que créativité et courage sont le plus souvent liés. Un § entier évoque St Joseph comme « un père au courage créatif » sur lequel Dieu s’appuie pour surmonter les obstacles qui marquent les débuts de la vie du sauveur. Dans cette lettre donnée pour les temps troublés que nous traversons, le pape insiste sur le fait que Dieu réussit toujours à nous sauver à condition que nous ayons le « courage créatif » du charpentier de Nazareth. Lui, sait « transformer un problème en opportunité, faisant toujours confiance à la Providence. » « Si quelquefois Dieu semble ne pas nous aider, cela ne signifie pas qu’il nous a abandonnés, mais qu’il nous fait confiance, qu’il fait confiance en ce que nous pouvons projeter, inventer, trouver. » Le pape rapproche le courage créatif de Joseph de celui démontré par les amis du paralytique dont la difficulté n’a pas arrêté l’audace et l’obstination. C’est voyant leur foi que Jésus dit : “Homme, tes péchés te sont remis” ». Jésus reconnaît la foi créative avec laquelle ces hommes ont cherché à lui amener leur ami malade.

Chez le pape François, la créativité missionnaire et pastorale est liée de façon significative à l’évangélisation conduite par l’Esprit Saint.

Seul l’Esprit Saint rend actif et créatif, il donne les mots que lui seul peut susciter à qui se laisse posséder par lui. La confiance dans l’Esprit Saint n’est pas passive, elle est elle-même active et créative (EG 145).

Il ouvre à la contemplation de Dieu, de son œuvre et du génie de la créativité humaine. Il nous conduit comme il a conduit les apôtres dans leur l’annonce de l’évangile. Dans les Actes, « tandis que Pierre parle, l’Esprit Saint se répand sur Corneille et sur sa maison. (…) Pierre a cru à la volonté de Dieu dans l’action de l’Esprit Saint. (…) Nous apprenons de Pierre, nous dit le Pape, qu’un évangélisateur ne peut pas être un obstacle à l’œuvre créative de Dieu. » Et le pape nous interroge : « Sommes-nous un obstacle à la rencontre de nos frères avec Dieu ou favorisons-nous des chemins toujours nouveaux ? » (17/10/2019)

L’Esprit Saint nous rend libre, liberté et créativité dans le travail, dans la participation à la mission.

Temps personnel :

Et pour nous ? Comment ce qui a été dit sur le vocabulaire autour de la créativité et son emploi dans le Magistère peut nous inspirer pour la catéchèse ?

Vous proposerez les deux ou trois mots qui pour vous sont intimement liés à la créativité en catéchèse.

Quelques critères pour penser et habiter la créativité en catéchèse

4 critères du pape François dans Admirabile Signum

Pour entrer dans cette troisième partie qui voudrait dégager quelques critères pour la créativité en catéchèse il nous a paru intéressant évident de faire écho à ce que le pape a écrit dans sa lettre Admirabile Signum de 2019[1].

Méditant sur l’invention de la crèche par saint François d’Assise, le pape François dans sa lettre Admirabile Signum de 2019 souligne l’effet de cet acte de création, de créativité pour les contemporains du saint : « rendre le mystère du Christ plus proche de notre vie quotidienne ». (n.2).

La créativité du poverello d’Assise leur a permis d’entrer dans le mystère de la nativité à leur époque, en leur temps, avec les manières d’être et de faire de ce siècle. Une entrée dans le mystère qui n’était pas extérieure à eux, de manière intellectuelle mais qui va susciter et permettre une rencontre personnelle.

Pour cela, notons quelques verbes soulignés par le pape François et quatre critères dans le domaine de la créativité ; qui peuvent nous aider à penser les critères en créativité catéchétique :

  1. Aider à imaginer ;
  2. Stimuler l’affection ;
  3. Inviter à se sentir impliqué dans l’histoire du salut ;
  4. Rendre contemporain et actuel le mystère dans les contextes historiques les plus variés.

A partir de ces quatre critères, deux questions peuvent déjà habiter notre pratique créative en catéchèse :

Questions

  • Comment ce qui est proposé à vivre, à voir, à réaliser tient compte de la réalité du quotidien des personnes, de ce qu’elles sont, de ce qu’elles vivent ? L’activité, le temps, le moment proposé sont-ils « en phase », « parlant », « stimulant » pour les personnes ? (quid du texte à trous ???, du mandala pour se concentrer, se recentrer, ou pour entrer en relation avec le Christ ? ) …

La créativité s’inspire de l’autre, elle part de l’autre, l’accueille, l’écoute, le respecte …

  • Comment la créativité mise en œuvre en catéchèse vise-t-elle à rendre accessible le mystère ? Nous réentendons ici la mise en œuvre d’une catéchèse mystagogique qui donne à entrer en chemin à partir de l’expérience, comme nous y invite le nouveau DpC.

Que mettons-nous en œuvre pour permettre que la Parole puisse résonner / raisonner et conduire, ouvrir à une parole ?

Il nous faudrait ici aller travailler toute la question de la narrativité en catéchèse à l’aune du nouveau DpC … mais également les développements autour de la voie de la beauté, la via pulchritudinis.

Et c’est précisément à partir de ce DpC que nous poursuivons notre enquête sur la question de la créativité en catéchèse. Il insiste sur ces trois axes structurants : la forme kérygmatique de la catéchèse, le cheminement catéchuménal et le déploiement d’une catéchèse mystagogique.

Une créativité dont la finalité est christocentrée

Conscients que nous sommes appelés à déployer une catéchèse kérygmatique, nous pouvons nous demander si notre créativité permet de mettre en œuvre un processus de cheminement ; un processus favorisant la croissance spirituelle des personnes … : qu’est-ce que je vais donner à voir, à vivre ? Et pourquoi ? Cela participe-t-il à permettre la rencontre, à faciliter, à créer les conditions de la rencontre avec le Christ ?

Quand le mot créativité arrive pour la première fois dans le Directoire, il vient souligner le service de l’Evangélisation et de la mission (cf n.40)

Question : Ce que je vais proposer en catéchèse poursuit-il un objectif missionnaire d’Evangélisation, c’est-à-dire celui de la mise en contact, en communion et en intimité avec le Christ ? Où est-ce une activité d’occupation ?

C’est ainsi qu’avec Cécile Eon nous concevons le jeu de la rencontre animateurs dans la revue L’Oasis. Nous essayons de conduire à une relecture des pratiques mais qui doit permettre le temps et donner du temps pour le ressourcement, la prière …

La question est vraiment importance puisqu’à partir de là, si je mets la personne en situation de rencontrer le Christ (sa grâce précède toujours toutes nos actions et toutes nos intentions), je participe également à la capacité de cette personne de raconter sa foi et donc à dire le kérygme. C’est d’être capable de formuler sa foi qui fait grandir la foi. Une catéchèse créative en ce sens est bien une catéchèse kérygmatique.

Jean Caron nous parlait de ce « kairos » favorable. Au sujet de la catéchèse kérygmatique, je m’interroge sur les points positifs de ce « kairos » qui permettent de recevoir avec une certaine forme d’unanimité et d’urgence le principe d’une catéchèse kérygmatique à la manière dont l’envisageait Josef Jungmann ?

En PCS, j’aime dire que nous avons souvent une longueur d’avance et que nous sommes « modélisant » pour l’ensemble de l’activité catéchétique quand nous pensons la proposition catéchétique qui part de la personne où elle en est, avec ses attentes, ses besoins, avec ses capacités réelles, dans un cheminement qui est processus … dans un « projet personnalisé », et donc un travail de créativité permanent, individualisé tout en permettant le lien avec la communauté et même en cherchant à faciliter ce lien …

Une créativité de l’ordre du « savoir-être avec »

La créativité est invitée à promouvoir (« à aider à …) à impulser le « style » catéchuménal, qui, par essence est processus. (n.64) Qui dit processus dit étapes, mouvement, cheminement. C’est bien ce que traduit le terme pédagogie (gogein : conduire sur un chemin). On pourra donc faire appel à la créativité pour, selon les âges et les visées des temps de catéchèse, « inventer », proposer, organiser, mettre en œuvre des outils et des temps pour aller à l’objectif. Voilà un mot important quand on pense la créativité : quel est l’objectif poursuivi ? En pédagogie la vérification de l’objectif (est-il atteint ou non) se décline en « être capable de … ». Que souhaitons-nous à travers notre créativité atteindre comme objectif et en vue de l’acquisition de quelle(s) capacité(s) ?

Il ne s’agit pas d’être créatifs pour réussir une activité bien planifiée, maitrisée, sans « surprise » possible, mais bien pour y laisser l’inattendu de Dieu s’y glisser et surtout laisser Dieu prendre l’initiative. (qu’il a de toute manière !)

En Services diocésains, nous passons beaucoup de temps à construire et proposer des formations de ce type. Nous sommes très créatifs dans ce domaine parce que nous portons la préoccupation de répondre aux attentes du terrain mais aussi d’impulser une dynamique missionnaire renouvelée. Cette formation du catéchiste nous dit le Directoire « tend à faire mûrir en lui » 5 aptitudes. La 5ème évoque « la capacité de préparer un itinéraire de foi qui consiste à considérer les circonstances socioculturelles ; à élaborer un plan d’action réaliste ; à utiliser les langages et les outils avec créativité ; à évaluer le tout » (n.148)

Nos formations en direction du terrain et donc toute l’énergie créative que nous déployons, poursuivent-elle cet objectif de « tendre à faire mûrir » ? Cette expression montre bien que, d’une part le résultat ne nous appartient pas (« tendre à ») et que d’un point de vue spirituel, faut-il le rappeler, l’Esprit nous précède toujours ; et que, d’autre part, qu’il s’agit d’envisager les choses en termes de « processus à initier (cf. Joie de l’Evangile) puisqu’il s’agit de tendre à « faire mûrir ».

On peut d’ailleurs définir la créativité comme un processus, c’est-à-dire une démarche intérieure par laquelle un individu va pouvoir associer les idées, les outils, les matériaux d’une façon nouvelle, différente pour créer quelque chose de nouveau. Je vous renvoie ici très volontiers au livre de Catherine SABA « Jouer au caté c’est sérieux ! » dans la collection Points de Repères page 9 sur sa définition et la manière d’envisager le jeu qui va jusqu’à permettre non seulement d’aller à la prière ; mais d’y trouver les éléments de la prière7.

2 Questions / 2 interpellations :

  • Comment sommes-nous attentifs à tenir compte « des publics » et à proposer un itinéraire avec des étapes qui articulent bien connaissance / ressourcement / action et qui, dans le cas de la catéchèse des adultes et le catéchuménat partent des attentes et du vécu des personnes ?
  • Comment avons-nous assez de souplesse, dans un itinéraire qui se veut de type catéchuménal, que nous avons bâti (de l’ordre du projet), lorsqu’il y a le surgissement d’un événement dans le cœur d’une personne accompagnée ? Comment faisons-nous preuve de « souplesse » créative (tenir à la fois le projet donc l’objectif tout en sachant accepter l’irruption des signes de l’Esprit) ?

La créativité en catéchèse est donc le lieu où s’exerce de manière toute efficace la question de l’inculturation. Cette créativité cherche à incarner le message de la Bonne Nouvelle dans toutes les situations de vie.

Il est intéressant d’aller regarder comment durant la période difficile que nous traversons, la créativité catéchétique a en quelque sorte « explosé » afin de rejoindre les personnes là où elles sont, dans ce qu’elles vivent. Cela n’est pas étonnant puisqu’il s’agit en fait d’un mouvement ontologique à l’activité catéchétique qui s’enracine dans le mouvement d’évangélisation ; du prendre soin de la personne à la suite du Christ (on se rapporte à ces rencontres avec la Samaritaine, Nathanaël, Nicodème, …). Une évangélisation qui sait qu’inculturation et créativité sont les deux poumons de sa respiration divine.

Piste/ouverture : Une créativité portée par la jeunesse

Le n.129 du Directoie pour la Catéchèse rappelle l’importance de la place des jeunes dans la catéchèse, non pas simplement comme des sujets à catéchiser mais comme catéchistes : « Ils apportent une contribution particulière pleine d’enthousiasme, de créativité et d’espérance, tout à fait appréciable ». (Cf Christus Vivit) Ici, aussi dans leur manière d’envisager la foi, le rapport au monde, la manière de croire, les jeunes ont tant à nous apporter et nous devons nous interroger sur l’audace et le courage que nous avons à leur laisser une place dans l’activité catéchétique de l’Eglise.

La crise que nous traversons aujourd’hui et les premiers bilans effectués pour la catéchèse montre d’un côté la nécessité de tirer la sonnette d’alarme devant le décrochage, la chute des effectifs, la difficulté de rejoindre les familles et les catéchisés, le recrutement de catéchistes ; d’un autre côté nous pouvons dire que la catéchèse en France n’a pas à rougir de la manière dont elle a su rebondir suite aux confinements et depuis presque un an. Le point d’étape de juin dernier avec les responsables de la catéchèse nous l’a montré. Oserai-je dire que, pour beaucoup d’entre nous, ce fut l’occasion de prendre « un vrai coup de jeune » puisqu’il a fallu nous familiariser avec des outils dénommés ZOOM, TEAMS, SKYPE et autres spécimens de la famille des visios, mais aussi les réseaux sociaux. … En même temps que nous apprivoisons ces techniques de communication, nous prenons conscience de leurs limites et du fait qu’elles transforment l’acte et la relation catéchétique. C’est ce dont nous parlera Joël Molinario tout à l’heure.

Pour ma part, à ce stade de la réflexion, j’aime bien reprendre cette expression que j’utilisais souvent comme curé. Notre pèlerinage sur cette terre, comme disciple-missionnaire est une invitation à entrer et intégrer revêtir la « Christ-attitude » … Dans un passage d’Evangile on signale que Jésus « allait et venait ». Il n’est pas passif, inactif (…hyperactif ?) ; il circule, il avance, il ne fait pas sur place … il marche, il rencontre, il converse … il s’adapte, il ose, il interroge, il écoute, il se tait, … il mange, il fait la fête, il prie, il enseigne … il est créatif.

Et je termine avec cette citation de Mario MAILLOUX : « Finalement, ce qu’il reste à nous souhaiter est cette liberté intérieure qui permet d’aller explorer l’inédit, oser sortir de notre zone de confort : comme si le Créateur avait besoin de nous pour faire toutes choses nouvelles … 8».

En conclusion : La créativité en catéchèse est liée à la spiritualité

Dieu le Père nous associe à son œuvre de salut en nous faisant non pas créateurs comme Lui mais en nous dotant de créativité à son image et à sa ressemblance, en particulier en nous dotant de la parole.

Agir avec créativité c’est donc participer à l’œuvre de salut de Dieu pour que nos frères bénéficient de toujours plus de vie.

Cette activité créatrice est caractérisée par le mouvement que donne l’Esprit Saint sans s’arc-bouter sur « ce qui s’est toujours fait » mais en cherchant à s’adapter aux conditions, par l’inculturation, la recherche de nouveaux moyens et de nouveaux langages. Les qualificatifs relevés sur la créativité : dynamisme, souplesse, courage, adaptabilité, nouveauté, courage, audace, charité, patience, humilité, miséricorde, … renvoient à l’Esprit Saint, à ses qualités dont il fait don aux disciples-missionnaire que sont les baptisés catéchistes qui œuvrent en sous son inspiration.

Pour innover tout en restant fidèle au Christ, c’est sur lui qu’il faut s’appuyer. Lui qui est le seul à faire toute chose nouvelle et qui se rend présent dans la rencontre catéchétique quand deux ou trois sont réunis en son nom.

Sans l’Esprit Saint nous ne pourrons rien faire et c’est lui qui nous donnera les dons nécessaires pour témoigner et annoncer l’évangile. Viens Esprit Saint !

Pauline Dawance (SNCC) et le P. Christophe Sperissen (SNCC)

1. Joseph COLOMB, Le Service de l’Evangile, manuels catéchétiques, tome 2, Paris, Desclée, 1968.

2. Pape François, Congrès mondial des catéchistes, 2013

3. Voir Jean-Paul II, exhortation apostolique Catechesi Tradendae

4. Saint Augustin, Sermon 169, 13

5. Pape François, Lettre Apostolique Patris Corde

6. Pape François, Lettre Apostolique Admirabile Signum

7. Catherine SABA, Jouer au caté, c’est sérieux, collection Points de Repère, CRER Bayard, 2020.

8. Mario MAILLOUX, La créativité en catéchèse, Possible ? Et comment !, Passages, Printemps 2013 Volume 12, numéro 2, office de catéchèse du Québec.

Perspectives catéchétiques (2021)

« Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises » (Ap 2,17a) Retour sur la session de formation organisée en visioconférence par le Service national de la catéchèse et du catéchuménat de la Conférence des évêques de France mercredi 20 et jeudi 21 janvier 2021.

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