Figures et trajectoires de conversions dans l’Écriture Sainte

« Jésus s’approche de cette femme, l’interpelle. Il avait sa petite idée puisqu’il vient, à midi, lui demande de l’eau. Il va l’aider à découvrir sa soif intérieure. De quoi a‐t‐elle soif ? »

Avec cette intervention, il s’agissait d’entrer dans la problématique de la conversion par la porte de l’Écriture : qu’en disent l’Ancien et le Nouveau Testament ? Que se passe-t-il dans les récits de conversion ? Comment Dieu, qui a l’initiative première, s’y prend ? Et les croyants, quel est leur rôle ? Conversion ou vocation ? En alternant apports et travaux en ateliers, Christophe Raimbault nous invite à découvrir quelques figures bibliques et récits de conversion par une lecture plénière des Écritures, et nous interpelle dans nos pratiques en catéchèse et en catéchuménat.

Les rencontres d’été du SNCC Se convertir au Christ : Regards sur la conversion et les convertis ont eu lieu du 30 juin au 2 juillet 2015 à Paris. « Que dit l’Écriture sainte ? Le Christianisme, une vocation universelle » : c’est autour de cette thématique que le père Christophe Raimbault, Enseignant au Theologicum, Institut Catholique de Paris est intervenu le 1er juillet 2015. Voici la transcription littérale de sa conférence.

Introduction

Rappelons‐nous qu’il y a un paradoxe fondamental en ce qui concerne la conversion. Peut‐on dire un jour : je suis converti ? J’ai vécu une conversion ? Y a‐t‐il un moment de conversion qui soit définitif, une fois pour toutes ? N’y a‐t‐il pas plutôt à découvrir que, dans la foi, je passe par plusieurs évènements fondateurs pour ma vie ? Ne suis‐je pas sur un chemin constitué de plusieurs moments de conversion, même si certains sont plus marqués que d’autres. Je vais jusqu’à parler de pléonasme : la vie de foi est automatiquement un chemin de conversion.

L’Eglise n’est pas ni club, ni un groupe dans lequel j’entre avec une carte d’adhésion, ni un groupe qui fonctionne uniquement par la délimitation de marqueurs d’identité. L’Ecclésia est un lieu qui regroupe ceux qui se reconnaissent appelés, convoqués… Je ne suis pas appelé tout seul. L’Ecclésia est donc déjà par elle‐même un lieu de conversion ou tout au moins un lieu de questions. Comment et à quoi suis‐je appelé ? S’il y a appel, est‐ce un appel une fois pour toutes ou est‐ce une succession d’appels ?

D’ailleurs la démarche baptismale est parlante de ce point de vue. On parle de chemin de type catéchuménal ou de modèle catéchuménal. Il y a une démarche à travers laquelle j’ai à découvrir que j’ai reçu plusieurs appels, que j’ai toujours à entrer dans le mystère pascal, à y consentir à nouveau, à le vivre. C’était déjà l’intuition du TNOC, il y a 10 ans, quand il nous présentait la pédagogie d’initiation de façon très claire. « Pastorale d’initiation et pédagogie d’initiation » : nous sommes inscrits dans une dynamique, un chemin d’initiation au cours duquel j’ai à découvrir une pédagogie à tous les âges de la vie. Cette notion d’adaptation permanente est intégrée dans la pédagogie d’initiation pour que je découvre l’actualité et la récurrence du mystère pascal pour moi. Nous avons ici tout un chemin qui se donne.

Appelés à quoi ?…. S’il s’agit de l’Ecclésia, d’entrer dans une pédagogie d’initiation, de me laisser façonner par ces multiples appels, alors il faut y répondre parce que je suis appelé à la rencontre du Christ qui est une invitation à me laisser conformer à Lui. Il s’agit d’une implication de moi‐même. Lorsque nous parlons de conversion, il y a bel et bien cet enjeu d’une transformation de moi‐même, d’une conformation de moi‐même au Christ.

Dans la Bible, il y a deux familles de mots pour dire la conversion : celle de la metanoia et celle de l’epistrophe, sachant que les occurrences sont plus nombreuses pour la famille de la metanoia.

  • L’epistrophe signifie se tourner, se laisser retourner ou revenir. C’est presque physique, beaucoup plus que la metanoia. En Actes 15, par exemple, lorsqu’on parle de la conversion des païens, on emploie epistrophe, non metanoia, parce que les païens sont invités à se détourner de leur chemin et à se laisser retourner vers le Christ (Ac 15,3). C’est la seule occurrence du substantif epistrophe dans tout le Nouveau Testament.
  • La metanoia est une conversion qui nécessite une transformation intérieure à la suite d’une prise de conscience provoquée par quelque chose, par un évènement, une réflexion. J’ai rencontré quelqu’un, j’ai entendu une parole, un appel, cela a provoqué une transformation intérieure. C’est celle dont parle Marc 1, 4 : le baptême de conversion. Ou en Marc 1,15 lorsque Jésus dit : « Convertissez‐vous, croyez à l’Evangile. Le Royaume de Dieu s’est approché ». Laissez‐vous transformer de l’intérieur parce que le Royaume de Dieu s’est approché. C’est découvrir qu’il s’agit de faire un travail intérieur d’introspection – c’est ce qui est dit dans – pour entrer en soi‐même, réfléchir au fond de soi‐même, intérioriser pour se laisser transformer (Lc 15,7). Voilà le sens de la metanoia, son enjeu, sa condition. Il s’agit d’adopter une posture de réponse à une rencontre ou à un appel. J’insiste : il ne peut y avoir de conversion sans posture, sans attitude attentive à un appel qui va provoquer en moi une transformation et une réponse de ma part.

Ce schéma appel/réponse est au cœur du processus de conversion. Je ne peux pas vivre une conversion si je n’ai pas au fond de moi cette posture, cette attitude qui consiste à écouter un appel et à me laisser transformer pour prévoir ou adopter une réponse. Réponse à quoi ? Il s’agit de répondre à l’annonce de l’approche du Royaume. C’est Dieu qui prend l’initiative. C’est le Christ qui prend l’initiative de venir annoncer que le Royaume s’est approché. Trop souvent nous avons la conception d’un Royaume à bâtir, d’un monde nouveau à bâtir. Oui, bien sûr, mais n’oublions pas que c’est parce que le Royaume s’est d’abord approché que nous allons pouvoir nous laisser convertir et que nous allons pouvoir contribuer à bâtir ce Royaume. Il faut d’abord reconnaître que le premier mouvement c’est le Royaume qui s’est approché. C’est ce que nous disons à chaque entrée en Carême :

« Convertissez‐vous, le Royaume de Dieu s’est approché » (Mc.1,15). Il y a une posture d’accueil dans la conversion. J’accueille cet évènement qui m’est révélé du Royaume qui s’est approché de moi (l’initiative ne vient pas de moi) Je suis dans une attitude d’accueil, d’action de grâce puisque cette initiative du Royaume qui s’approche a été prise par un Autre. Et voilà pourquoi je parle de l’impromptu d’une rencontre : rencontre du Christ, rencontre du Royaume qui s’est approché. Il y a toujours un élément de surprise qui va provoquer la conversion. D’où l’importance d’être en état de veille permanent pour pouvoir répondre à l’impromptu de la venue du Royaume jusqu’à nous. La conversion est une vraie rencontre, une transformation à laquelle il s’agit de nous préparer.

Conversion/Vocation

Devons‐nous parler de vocation ou de conversion sachant qu’il n’y a pas de conversion sans dynamique d’appel/réponse ?

Le concile Vatican II est très clair : c’est Dieu qui prend l’initiative de la rencontre et qui souhaite entrer en relation avec les hommes. Le projet de Dieu est magnifiquement exprimé en Dei verbum : « Dieu a voulu se communiquer aux hommes, il a pris l’initiative de se communiquer aux hommes pour entrer en conversation, comme un échange (cf. Dei Verbum chap2, §2) Cette initiative de Dieu est comme un appel qui va provoquer une réponse. Dans la Bible, c’est déjà présent : Dieu prend l’initiative de se révéler au cœur même de sa Révélation. Il est le Dieu qui appelle l’homme, qui s’intéresse à lui et qui se préoccupe de lui au point de venir le rejoindre.

Vous avez tous en tête le deuxième récit de la Création en Gn 2 et 3. Lorsque l’homme est aux prises avec l’actualité terrestre de la rencontre du serpent dans le jardin. Dieu ne reste pas en dehors en disant : « Ecoute, maintenant je t’ai tout donné. Débrouille‐toi donc ! » Non, Il vient dans le jardin (le jardin n’étant pas le Paradis sur terre puisque c’est la Mésopotamie). Dieu est là, présent sur terre, et il se met en quête de l’homme : « Homme où es‐tu ? » C’est la préoccupation de Dieu qui ne peut laisser l’homme face à l’adversité du Mal représenté par le serpent. Son mode de question signifie que Dieu se préoccupe du devenir de l’homme et ne veut pas le laisser seul, démuni face au mal, au Malin, au serpent. Lorsqu’Il entre en relation, Il entre en conversation, dans un questionnement. Le Royaume de Dieu s’est approché. Dieu lui‐même s’est approché pour lui donner les moyens de lutter contre le mal, là précisément, dans la situation terrestre où il est à présent. C’est un Dieu de la rencontre qui donne à l’homme une parole dans toute son altérité. Dieu ne va pas prendre la place de l’homme. Il vient et interroge l’homme. Il ne peut y avoir conversation, échange, si on n’est pas deux. C’est ce dialogue qui va provoquer la réponse. Il faut accepter cette altérité dans son âpreté parce que je dois me confronter à la parole de l’autre ; nous ne sommes ni dans la fusion ni dans la confusion. Voilà un Dieu
qui se révèle comme « appelant ». Il appelle l’homme, se soucie de lui, l’appelle et l’interpelle, entre en conversation. C’est toute la révélation de Dieu : il continue d’appeler. Dans la pastorale des vocations, gardons toujours cela en tête. On dit aujourd’hui qu’il n’y a plus de vocations parce qu’il n’y a plus de réponses, parce qu’on oublie que Dieu continue d’appeler. La question est du côté de l’écoute…et de la réponse.

Jésus le Christ vient révéler Dieu qui appelle et qui souhaite entrer en conversation avec les hommes.

Il va jusqu’au bout de son projet. Jésus Christ est Parole de Dieu, Verbe fait chair, Dieu de la rencontre, Dieu‐Emmanuel, Dieu avec nous. Nous l’avions déjà dans l’Ancien Testament. Voir Michée 6,8 « Je ne te demande rien d’autre que de marcher avec ton Dieu, de pratiquer et d’aimer la justice et le droit. » Voilà il n’est rien demandé d’autre à l’homme que d’aimer la justice et le droit et de marcher avec Dieu.

Le but et la modalité pour vivre le Royaume de Dieu qui s’est approché ici et maintenant, c’est d’y consentir et c’est ce que Jésus Christ, le Dieu Emmanuel est venu nous révéler. C’est vraiment important de resituer la question de la conversion par rapport à ce projet de Dieu.

Un processus d’appel qui va susciter une réponse de la part de l’homme

De fait si Dieu se révèle comme appelant jusqu’à s’incarner dans le Verbe fait chair, il s’agit de repérer qu’il y a tout un processus d’appel qui va susciter une réponse de la part de l’homme. Et la conversion va se loger là, au milieu de ce processus d’appel (réponse ou vocation au cœur de la conversion).

Rappelons‐nous quelques récits de vocation dans la Bible où l’on va voir comment cela provoque une conversion. Notons que Dieu appelle nominativement : « Adam, homme, où es‐tu ? » Il appelle Abraham par son nom ainsi que Moïse. Jésus appelle nommément aussi tel ou tel apôtre ou disciple :

« Viens et suis‐moi ! » Pareil pour Saül : « Pourquoi me persécutes‐tu ? » C’est donc un rapport personnel qui s’établit dans le processus d’appel.

Tout appel arrive de façon impromptue, quand on ne s’y attend pas. Quand on accompagne des catéchumènes ou des jeunes en catéchèse qui se préparent à un sacrement, on leur dit de temps en temps : « Prends le temps de la prière, mets‐toi un peu en retrait, la vie intérieure est importante. Va faire une retraite, écoute l’appel du Seigneur… » Alors que Dieu l’a déjà appelé bien avant ! En fait c’est pour se rendre disponible et entendre en quoi consiste cet appel et se convertir.

Amos était derrière ses bœufs : « J’étais bouvier et c’est là que le Seigneur est venu me chercher ». Le Seigneur est venu chercher David par l’intermédiaire du prophète quand il était à garder les troupeaux. Il ne s’y attendait pas. Quand Jésus appelle Pierre, Jacques et Jean, ils ne s’y attendaient pas, ils étaient en train de réparer leurs filets, ils avaient les mains toutes sales, dans le poisson. Et Saül, ça n’était pas le moment non plus où il pouvait s’y attendre alors qu’il allait persécuter les chrétiens. Le processus d’appel nous prend par surprise et c’est là que la conversion va se jouer. Si je me prépare tranquillement, me mets en retraite pour vivre ma conversion, c’est un peu guindé, artificiel. Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire de retraite mais se rendre disponible et toujours prêt pour la conversion qui arrivera toujours quand je ne l’attends pas.

Quand on regarde bien les textes bibliques, ce sont des récits types de vocation. La preuve en est que saint Paul lui‐même rapporte le récit de sa conversion sous mode de vocation. « J’ai été appelé dès le sein de ma mère. Le Seigneur m’avait mis à part », dans l’épitre aux Romains. Il le redira dans l’épitre aux Galates et rapporte, comme Isaïe, comment il a été mis à part dès sa naissance. C’est important de nous redire que le Seigneur nous appelle dès le sein de notre mère.

Comment et quand vais‐je écouter cet appel ? La conversion se met en place quand je vais me rendre plus disponible à l’écoute de cet appel qui était là avant, qui précède ma prise de conscience. Regardez les trois récits de conversion dans lesquels Paul rapporte son expérience de Damas avec des nuances très importantes (Ac 9, Ac 22, Ac 26). Relisez‐le sur le mode synoptique et vous verrez que les trois récits disent des choses très différentes. Il y a des médiations humaines ou ecclésiales qui disparaissent petit à petit jusqu’à Ac.26 où sont négligés le rôle d’Ananie et de ses compagnons. Il a une vision directe et il sait tout de suite quelle est sa mission, ce qui n’était pas le cas dans Ac 9. Plus Paul relit l’histoire de sa conversion, plus il réalise qu’il s’agissait en fait d’une vocation à laquelle il n’avait pas accordé suffisamment d’attention ni ne s’était suffisamment préparé. La mise en forme du récit par Luc, l’auteur des Actes, nous fait comprendre cela.

Relisons la manière dont le Seigneur appelle pour découvrir qu’au total en fait de conversion c’est la vocation qui peu à peu se déroule et plus je me rends disponible aux appels du Seigneur plus je me rends compte que je suis en mouvement de conversion permanente. Il s’agit pour moi d’y consentir et de répondre à ces multiples appels que le Seigneur m’adresse et en fait m’a adressés depuis fort longtemps mais auxquels j’étais plus ou moins sourd ou inattentif. D’où l’intérêt de ce parcours à travers les textes bibliques. Il s’agit de se laisser façonner au fur et à mesure que j’accueille les paroles du Seigneur.

La conversion : réponse à un appel

Il s’agit d’entendre l’appel mais surtout d’accepter d’y répondre.

Tout d’abord il y a une radicalité attendue de la réponse. Le Seigneur n’attend pas que nous répondions de façon tiède ou à moitié. Il attend une réponse totale, entière, radicale. C’est l’appel des premiers disciples « Laissant tout, ils le suivirent » C’est l’appel de Lévi‐Mathieu ; il se lève tout de suite en plantant là son service public des douanes. Il part et suit le Christ tout de suite. C’est Marie Madeleine au tombeau. Elle est là, elle vient chercher le corps : « Non, non, surtout ne me touche pas. Va dire à mes frères… » Elle y va. Elle part tout de suite. Terminée la quête du corps, c’est tout de suite qu’il faut y aller. Voilà un exemple de conversion, de réponse à un appel.

C’est ce passage énigmatique dans Luc 9, 57‐61 où Jésus répond bizarrement à la question : Que faut‐il faire pour te suivre ? Jésus prend trois exemples. C’est comme un homme qui voulait suivre Jésus et qui dit : « Attends, laisse‐moi d’abord aller enterrer mon père, laisse‐moi d’abord aller dire au revoir à ma famille, laisse‐moi d’abord aller essayer les bœufs que je viens d’acheter et terminer mon activité. » Toutes ces raisons sont extrêmement légitimes et Jésus ne les condamne pas. On ne sait absolument pas comment l’histoire se termine. Et c’est complètement anonyme : ces hommes n’ont ni nom ni visage dans le récit. Vont‐ils finalement suivre Jésus ou aller terminer leurs occupations légitimes ? On ne sait pas.

Je trouve très important que ces occupations soient légitimes parce que tous, vous comme moi, nous sommes devant cet appel et avons tous une bonne raison, en conscience et même moralement, de ne pas répondre tout de suite au Seigneur. Alors la radicalité, qu’est‐ce qu’on en fait ? Où est‐ce que je me situe par rapport à cette légitimité qui met un frein ou qui m’incite à retarder un peu ma réponse à l’appel du Seigneur ? Et encore une fois, dans le passage de Luc, il n’y a ni condamnation ni réponse toute faite. C’est là que la retraite, le discernement, l’écoute intérieure du Seigneur sont importants. C’est à chacun de bâtir sa réponse en écoutant le Seigneur, selon ce qu’il dit. Le Seigneur est bien trop respectueux pour s’imposer et nous violenter mais il nous provoque quand même.

Je prends l’exemple de la marche sur la mer. La radicalité attendue de la réponse suppose d’écouter la Parole du Seigneur même si je n’y crois qu’à moitié. Si nous prenons cet épisode de la marche sur la mer dans Mathieu où il y a un passage qui n’est pas rapporté par les autres évangélistes, à savoir que Pierre, lui aussi, marche sur la mer. D’abord ils ont tous peur et on les comprend ; on aurait peur, nous aussi. On a tous des peurs. Ce qui est intéressant c’est que Pierre dit à Jésus : « Si vraiment c’est toi, dis‐moi de venir ». Jésus lui répond : « D’accord, viens ». Et Pierre répond tout de suite. Il y va, il saute le pas et marche sur la mer. Je trouve que ce passage est le prototype de toute réponse à l’appel du Seigneur. Il fallait en avoir du courage et de la foi. Mais il peut arriver que cette foi vacille. Tant que Pierre écoute la parole du Seigneur, il marche sur la mer, symbole de mort. Tant qu’il se fie à cette parole, il peut surmonter toutes ses peurs et toutes les forces de la mort. Mais dès qu’il prend conscience de sa situation, complètement extraordinaire, au point de baisser son attention par rapport à ce que le Christ lui a dit, alors la peur prend le dessus et il coule. On voit bien la radicalité de la réponse. La foi peut vaciller quand même dès qu’on se détourne de cette parole. Le Seigneur ne laisse pas Pierre couler.

La question au cœur de la conversion, de la vocation, de l’appel‐réponse, c’est : « Est‐ce que j’ai assez de foi pour y répondre ? » C’est une question de foi et dans la foi tout s’agrandit. La foi ce n’est pas je l’ai ou je l’ai pas mais j’ai tout pour laisser le Seigneur affermir ma foi. La clé de cette foi c’est l’écoute de la parole que le Seigneur me donne et si je me fie à cette parole je n’ai plus de peur à avoir. Il faut que je reste connecté, attentif à cette parole. C’est comme ça que la radicalité de ma réponse va pouvoir se vivre : quand je me fie à cette parole.

La radicalité de la réponse ne dit rien de l’immédiateté ni du rejet du passé

Si le Seigneur attend la radicalité de notre réponse, il sait aussi prendre son temps. La preuve avec saint Paul qu’il avait mis à part dès le sein de sa mère. Si on pense à l’appel de Moïse, aux cinq objections ou réticences de Moïse, ses cinq bonnes raisons de ne pas répondre à l’appel alors qu’on sait l’importance qu’il a dans la foi juive et la foi chrétienne. Malgré l’expression de ses objections, jamais Dieu ne lui fait de reproche. A la fin seulement il est dit que Dieu se mit en colère. Lors des quatre premières objections, Dieu a répondu à Moïse en lui disant qu’il lui donnerait les moyens d’y arriver, de remédier à ses faiblesses. Mais Moïse n’est pas convaincu et finit par dire : « Prends‐en un autre ». C’est là que Dieu se met en colère. Il y a comme une montée en pression dans le texte parce que le Seigneur y tient et a de la suite dans les idées. Un Seigneur comme ça me rassure plus qu’un Seigneur qui changerait d’avis ! S’il appelle c’est qu’il croit en l’autre, en la mission qu’il donne à l’autre. C’est vrai pour Moïse et pour chacun de nous. Ecoutons la manière dont le Seigneur entend, accueille, accompagne et demande quand même une réponse de notre part. Et il n’attend pas à moitié mais vraiment fermement. C’est pour ça qu’il est aussi capable de piquer une colère et c’est tant mieux. On a la même chose chez Jérémie : « Je suis trop jeune, ils ne vont pas me croire. »

Mais cela ne dit ni immédiateté ni rejet du passé. Souvent, dans le processus de réponse à l’appel, on entend : « Je ne suis pas digne de… Avec ce que j’ai fait avant…Parce que je ne suis pas assez comme ci ou comme ça… Et parce que je n’ai pas une histoire assez claire. » On va toujours trouver des contre‐ arguments dans notre passé pour justifier une non‐réponse à l’appel de Dieu. Ce sont autant de raisons de ne pas vivre la conversion et donc la réponse à l’appel du Seigneur.

Dans les textes bibliques, on nous dit que le Seigneur dépasse cela. Cela ne veut pas dire qu’il l’oublie, qu’il est dans le registre disant « du passé faisons table rase ». Il vient montrer que son appel est plus fort que le passé auquel on aurait pu imaginer être astreint. C’est le cas de saint Paul. La preuve en est que les apôtres ont eu du mal à reconnaître comme l’un d’eux celui qui persécutait les chrétiens ; ils n’ont pas accepté tout de suite de l’intégrer dans leur groupe. Mais Dieu croit en l’homme, en notre capacité à répondre à son appel. Pensons à Marie Madeleine et à toute son histoire : c’est elle qu’il choisit. Ca nous libère de tous nos freins. Si j’intègre cela alors je me rends plus disponible et peux vivre une conversion en accueillant et écoutant l’appel du Seigneur. Le processus de conversion est là : je me convertis en acceptant de me libérer par rapport à mon passé dans lequel je ne suis pas enfermé même si j’ai des raisons d’en avoir honte, parce qu’il contient des zones d’ombre. Le Seigneur m’ouvre à un avenir, à une mission qu’il me donne. C’est ça la conversion au cœur du processus appel‐réponse.

Dieu me demande de me laisser convertir de telle sorte que mes objections ne soient pas un frein, ne m’empêchent pas de me convertir.

La conversion, c’est dépasser cela. Il y a une dimension de metanoia intérieure quand je travaille au fond de moi mes résistances et entend le Seigneur m’appeler au‐delà de celles‐ci. Il ne s’agit pas de gommer mais de dépasser. Nous sommes dans un chemin de libération qui n’est autre que le mystère pascal. Je passe par la mort à moi‐même, à ce que je pense être, enfermé dans mon passé et mes faiblesses. Je meurs à cela, aux images de moi‐même pour renaître à une vie nouvelle. C’est le mystère pascal que le Seigneur m’invite à vivre au cœur de la conversion et le processus appel‐réponse me permet de le comprendre. Quand on dit vivre le mystère pascal dans le processus de conversion, il est là tout entier. J’ai à mourir à moi‐même, à mes peurs, à mes freins, à mes réticences et à aller de l’avant, à vivre d’une manière renouvelée, re‐suscitée.

C’est un Dieu qui se révèle patient, il a son temps, il ne nous violente pas, il est respectueux mais déterminé. Il est prêt à toutes mes réticences et c’est un Dieu qui, en Jésus Christ, me donnera de toute façon la force de dépasser tout cela. Non seulement avec la parole du Christ comme il l’a fait pour Pierre marchant sur les eaux, mais également parce qu’il nous a envoyé son Esprit. Avec l’Esprit, j’aime mettre en parallèle le Paraclet, celui qui prendra ma défense quand mes peurs auront le dessus et que j’aurai besoin d’être soutenu et défendu. Le mot Paraclet signifie l’avocat, celui qui prend la défense ou celui qui m’interpelle toujours, qui m’exhorte. C’est la même racine qu’ecclésia ; c’est dans l’ecclésia que je peux vivre le Paraclet. On est dans le vocabulaire de l’appel. Le Paraclet me donne la force de répondre à l’appel.

L’impromptu de la rencontre : être prêt et consentir à se convertir

S’il y a un processus de conversion dont nous voyons les différentes dimensions et dynamiques au cœur de la structure appel‐réponse, rappelons‐nous que le Seigneur vient toujours nous rejoindre ou nous appeler sur le mode de la surprise ou de l’impromptu. Et c’est sur l’impromptu de la rencontre que je voudrais revenir. Nous avons parlé de tout ce processus de conversion, d’appel‐réponse, de mort à moi‐même pour renaître à une mission nouvelle mais encore faut‐il que j’accepte le côté impromptu de cet appel. Cela demande que je sois toujours prêt à me convertir et consentir à me tourner vers Celui qui m’appelle. Je le redis, c’est le rêve de Dieu qui s’est approché en Jésus. Il s’agit d’accueillir ce qui est déjà là. Dans sa présence, le Seigneur est pour moi comme un appel qui demande réponse et conversion. A quoi ? A la vérité de moi‐même. Dans la metanoia, j’ai à me convertir à la vérité de ce que je suis.

Le Règne de Dieu s’est approché

La rencontre entre Jésus et Zachée est une opération vérité. C’est Zachée lui‐même qui s’est mis dans la situation déplorable de détourner l’argent des autres mais il voulait voir qui était Jésus. Jésus ne lui fait pas la leçon, n’est pas moralisateur. Il a vu l’attention du cœur‐metanoia de Zachée qui a mis son amour‐propre dans sa poche… Monter dans un arbre devant tout le monde… à son âge…. Il a un peu passé l’âge de l’acro‐branche ! Donc il avait déjà manifesté son désir, la metanoia avait déjà travaillé en son cœur et le choix du sycomore – l’arbre du rachat ‐ signifie la manifestation de son désir de se racheter. Jésus répond par une opération‐vérité : « Aujourd’hui il faut que je sois chez toi. Vite, descends ». Et alors que Jésus ne lui a rien dit, par sa seule présence et parce que Zachée a accepté de se rendre proche de Jésus (on dit bien que Zachée s’approche de Jésus), ce même Zachée dit alors :

« Ce que j’ai volé, je vais le rendre ». La seule présence de Jésus permet à Zachée de se remettre

debout ; on est dans le vocabulaire de la résurrection. Cet homme qui avait cassé sa relation aux autres est re‐suscité. Il était comme mort dans sa relation sociale et est maintenant remis debout devant Jésus. Voilà la conversion qui a commencé par une metanoia et la présence du Seigneur l’a aidé à prendre conscience de ce qui ne va pas dans sa vie et ce qu’il doit faire pour retrouver un chemin.

Voilà une conversion due à la seule présence du Seigneur, sans un mot, sans leçon, qui a permis à

Zachée de faire une opération vérité avec lui‐même et avec les autres.

En Jean 4, pour la Samaritaine c’est pareil. Jésus s’approche de cette femme, l’interpelle. Il avait sa petite idée puisqu’il vient, à midi, lui demande de l’eau. Il va l’aider à découvrir sa soif intérieure. De quoi a‐t‐elle soif ? Sans doute de vérité avec elle‐même. La situation est anormale et donc à lire au deuxième degré. Midi n’est pas l’heure à laquelle on va chercher de l’eau, on le fait à la fraîche donc il y a quelque chose à comprendre là. Midi c’est l’heure où le soleil est au zénith et où les ombres disparaissent. Jésus va aider cette femme à faire disparaître les ombres de sa vie. Jésus lui dit d’aller chercher son mari et c’est là qu’il y a un problème. Jésus aide cette femme à faire la clarté. Elle en est tellement heureuse qu’elle va le dire à tout le monde. Elle est libérée, en vérité avec elle‐même et peut‐être aussi avec les autres.

Le Royaume de Dieu s’est approché pour permettre à chacun d’être en vérité. Mais ça ne marche pas à tous les coups. Voyez le Jeune homme riche. Le Seigneur lui donne son amour avant même qu’il le suive, un amour gratuit. Mais l’autre tourne les talons et s’en va tout triste parce qu’il était riche. Jésus ne l’a pas rattrapé et l’a laissé aller à son rythme. Le Seigneur est beaucoup plus respectueux qu’on ne le pense. Le début d’un compagnonnage n’est pas la rencontre d’un moment. Si le Seigneur appelle et aide chacun à vivre cette conversion avec lui‐même et avec les autres, Il invite à le suivre par un compagnonnage sur la route. Il le dit à tous les premiers disciples : Viens et suis‐moi.

C’est une rencontre qui est toujours impromptue

Voyez Luc 5, l’appel des premiers disciples quand le Seigneur débarque dans leur vie ou Mathieu 25 –

« Vous m’avez donné à boire… Vous m’avez visité… ‐ Quand cela Seigneur ?…. ‐ A chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits. Et à chaque fois que vous ne l’avez pas fait (actes manqués), c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. » Pourtant l’autre avait soif, il avait besoin de moi et son besoin était comme un appel. Je ne me suis pas converti, je n’ai pas pris le temps d’écouter cet appel, je ne me suis pas retourné, je n’ai pas intériorisé que ce manque vécu par l’autre était pour moi comme un appel, je n’ai pas vécu cette metanoia intérieure. Si je ne l’ai pas fait à l’autre alors c’est au Christ que je ne l’ai pas fait. C’est ça que j’appelle l’impromptu de la rencontre, un appel ‐permanent au moment où on ne l’attend pas comme dans les récits de vocation. Ce n’est pas seulement l’appel de Moïse, d’Amos…. C’est à chaque instant, quand l’autre est dans le besoin, que le Seigneur m’appelle – processus appel‐ réponse. Vais‐je me convertir, écouter l’appel de l’autre, me rendre disponible aux besoins de l’autre et prendre les moyens d’y répondre ? Ça tombe toujours au mauvais moment, quand je ne m’y attends pas, quand j’ai une raison légitime de ne pas le faire, une urgence ailleurs, je n’ai pas le temps, j’ai telle ou telle préoccupation, on m’attend ailleurs : c’est l’impromptu. Dans Mathieu 25, nous retrouvons tous ces ingrédients des bonnes raisons pour ne pas répondre. Le Seigneur m’invite à prendre un peu de recul et à découvrir qu’il ne suffit pas de répondre aux seuls appels du Seigneur car c’est aussi à travers les appels des autres que le Seigneur m’appelle. Et c’est dans ces appels impromptus que la conversion est à vivre au fond de moi en me rendant disponible aux appels et en y adaptant ma réponse. N’oublions pas en Mathieu 25 la réitération de l’adverbe « Quand ? » ‐ Quand t’avons‐nous vu… ?

Dans le récit des jeunes filles sages et des insensées qui commence le chapitre 25 de Mathieu, c’est la même chose. Quand le fiancé arrive, elles sont toutes endormies mais pas prêtes de la même manière. Est‐ce que je suis prêt à répondre au quart de tour aux appels qui surgissent quand je ne les attends pas ?

Vous avez un troisième récit, celui des talents où l’on retrouve la même chose. Quand le maître revient, il demande ce que sont devenus ses talents. La question du « quand ? » traverse tout Mathieu 25.

Il s’agit de vivre cet appel, ce commandement d’amour qui m’invite à changer mon regard sur l’autre afin qu’il soit pour moi comme un appel auquel je suis invité à répondre. Une rencontre qui va tout changer et c’est pourquoi certains textes évoquent des changements de nom. Abram devient Abraham, Simon devient Pierre et Saül devient Paul. Ca change quelque chose en moi chaque fois que je vis une conversion. Changement de condition pour Bartimée qui, d’aveugle‐mendiant devient membre à part entière de ceux qui suivent Jésus. Idem pour Paul qui se laisse peu à peu façonner par les communautés auxquelles il est envoyé. Mais n’oublions pas que dans toutes ces occasions de conversion, ces réponses aux appels du Seigneur sont la joie de Dieu. Ce n’est pas seulement contrainte ou devoir, c’est la paix du cœur. Luc 1,7 : « Il y a de la joie dans le Ciel pour tout pécheur qui se convertit » (qui vit la metanoia).

Conclusion

Il y a un processus permanent de conversion même s’il y a des moments plus marquants, privilégiés. Il s’agit de les honorer, mais nous ne pouvons limiter la conversion à ces moments forts. Il y a toujours le jeu appel‐réponse où la réponse m’implique, me change, me transforme, me conforme à l’image du Christ. Et le Seigneur me dit que c’est un chemin sur lequel je m’accomplis petit à petit et deviens encore plus moi‐même. Le modèle de l’humain totalement accompli c’est Dieu lui‐même, à l’image duquel j’ai été créé (Gn 1)

Dans Mathieu 5,48, Jésus dit dans son Sermon sur la montagne – Soyez pleinement accomplis comme votre Père céleste – à l’image de votre Père céleste. C’est aussi la notion que Paul utilise quand il parle de l’Homme nouveau qui est à l’image de l’Adam des temps derniers, l’homme pleinement arrivé à son accomplissement. Le Christ est l’Adam de l’eschaton. Trois figures dans saint Jean nous aident à repérer le modèle de disciple que nous sommes. Il y a Jean, le disciple bien‐aimé, parfaitement converti et à l’opposé, Judas, celui qui a trahi Jésus et enfin celui qui est toujours sur un chemin de conversion, Simon‐Pierre. Ces figures de conversion nous sont données avec un critère, celui de l’agapè. Le seul critère que retient Jésus pour confier son Eglise à Simon‐Pierre ce n’est ni la foi, ni la fidélité, c’est le « M’aimes‐tu plus que ceux‐ci ? » de l’agapè. Es‐tu capable de vivre avec moi un chemin d’agapè, d’amour divin, à l’image du bien‐aimé dont l’identité est celle de l’agapè ? Voilà pourquoi nous avons aussi à nous rappeler que le baptême nous a mis sur un chemin de conversion permanent, initialisé par ce baptême, plongeon et émergence des eaux du baptême. C’est pourquoi on parle d’initiation parce que nous sommes sur un chemin sur lequel nous serons initiés, convertis, conformés par l’agapè.

P. Christophe Raimbault, bibliste
Vicaire général du diocèse de Tours
Professeur à l’Institut catholique de Paris

Atelier sur la conversion dans la Bible

Après cette conférence, les participants étaient invités à un travail de lecture plénière en petits groupes.

Ancien Testament : La vocation/conversion de Moïse

Lire Exode 3,1 à 4,17.

  1. En quoi pouvons‐nous parler de « conversion » de Moïse ? Est‐ce qu’il s’agit d’une « conversion » ? Quels liens pouvons‐nous repérer entre conversion et appel/vocation ?
  2. Observez le processus d’appel et de réponse entre le Seigneur et Moïse. Pour cela proposez un plan de cet ensemble. Comment qualifiez‐vous les objections de Moïse ? Comment Dieu y répond‐il ?
  3. En quoi ce récit éclaire‐t‐il justement votre appréciation sur la conversion ? Sur votre propre conversion ?

Nouveau Testament : Les conversions de saint Pierre

Lire les extraits suivants : Jn 1,40‐42 ; 6,66‐71 ; 13,4‐9 ; 13,36‐38 et 18,25‐27 ; 20,1‐10 ; 21,15‐22.

  1. Tenter de caractériser la ou les conversions de Pierre. Quels liens faites‐vous avec sa vocation ?
  2. Peut‐on parler d’une conversion d’un moment ou bien d’un processus de conversion ?
  3. Quels sont les points d’attention pour vous‐mêmes ? Pour notre mission ?

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