Handicaps : le point sur… le polyhandicap

23 avril 2011 : « Paris d'Avenir », rassemblement international des compagnons, Scouts de France, au 104, Paris (75), France.

23 avril 2011 : « Paris d’Avenir », rassemblement international des compagnons, Scouts de France, au 104, Paris (75), France.

Qu’appelle-t-on polyhandicap ? Comment se comporter avec un jeune polyhandicapé lors des activités de catéchèse et catéchuménat ?

La définition du polyhandicap est assez récente.

Dans les années 1960 les pédiatres prennent conscience que les enfants appelés « encéphalopathes » ne bénéficient ni de soins particuliers, ni de structures d’accueil. Pour ces enfants les pronostics d’évolution étaient considérés comme quasi nuls et ils étaient qualifiés « d’inéducables ».

« N’oublie jamais que j’ai un cœur aimant dans mon pauvre corps souffrant. » Natacha

Comment définir le polyhandicap ?

C’est en 1989 qu’une définition officielle est adoptée.

La définition du polyhandicap selon l’annexe 24 ter du 29 octobre 1989 est celle-ci :

« Handicap grave à expression multiple avec déficience mentale sévère ou profonde, entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation. »

Cette définition, après de nombreux tâtonnements, continue d’évoluer pour prendre en compte les multiples réalités du polyhandicap :

« Personnes polyhandicapées, présentant un dysfonctionnement cérébral précoce ou survenu au cours du développement, ayant pour conséquence de graves perturbations à expressions multiples et évolutives de l’efficience motrice, perceptive, cognitive et de la construction des relations avec l’environnement physique et humain, et une situation évolutive d’extrême vulnérabilité physique, psychique et sociale au cours de laquelle certaines de ces personnes peuvent présenter, de manière transitoire ou durable, des signes de la série autistique. »(Décret n°2017-982 du 9 mai 2017, Art D.312-0-3.- I. 5°)

Les différentes déficiences peuvent s’associer de manière diverse selon les enfants, et leurs effets fonctionnels peuvent évidemment varier avec le développement de l’enfant.

Quelles sont les causes du polyhandicap ?

Dans la majorité des cas, le polyhandicap est dû à une atteinte cérébrale précoce grave.

Pour un enfant sur deux, les causes sont fréquemment d’origine prénatale, et sont dues à des malformations, des accidents vasculaires cérébraux prénataux, le virus du sida, des maladies génétiques…

Les causes périnatales (c’est-à-dire au moment de l’accouchement), existent dans des proportions moindres et généralement dues à une grande prématurité.
Les causes postnatales (traumatismes, arrêts cardiaques, maladies évolutives) sont plus rares.

On distingue habituellement :

  • polyhandicap : handicap grave à expressions multiples avec restriction extrême de l’autonomie et déficience mentale profonde.
  • plurihandicap : association circonstancielle de deux ou plusieurs handicaps avec conservation des facultés intellectuelles
  • surhandicap : surcharge par des troubles du comportement sur un handicap grave préexistant

Quelles sont les conséquences sur le développement de l’enfant et au quotidien ?

Le petit enfant polyhandicapé est perturbé dans ses acquisitions du fait de difficultés de communication : majoritairement, les personnes polyhandicapées ne possèdent pas ou peu de langage verbal. L’accès au symbolisme est très restreint et les capacités de raisonnement très limitées. Les acquisitions par mémorisation sont très fragiles. La mise en relation de situations entre elles est souvent impossible. Les repères spatio-temporels sont difficilement acquis voire très perturbés.

Les personnes polyhandicapées ont des capacités d’expression singulières qui nécessitent une observation fine afin d’être décodées et ne peuvent être comprises que par l’entourage proche.
Les enfants expriment leurs émotions et leurs besoins par des attitudes corporelles, des cris, des somatisations qui requièrent de la part des accompagnateurs de réelles compétences et une grande disponibilité.
Ces personnes peuvent présenter des troubles du comportement (replis psychotiques, auto-agressivité…) qui se rapprochent de certaines formes d’autisme.

Le plus souvent, le contact avec l’environnement est préservé, et des acquisitions d’autonomie se font chez tous les enfants bien pris en charge lorsqu’on s’appuie sur les compétences et non sur les manques.

Presque toujours, l’enfant progressera si une dynamique de développement et de stimulation l’entourent.

Les troubles moteurs sont constants, divers et de gravité variable. Les principaux troubles moteurs sont dus à un défaut de régulation du tonus musculaire et entraînent rigidité, paralysies, hypotonie. En conséquence, ces personnes peuvent présenter des déformations de membres, des déformations de la colonne vertébrale. Tout cela astreint les personnes à un appareillage volumineux.

L’épilepsie atteint presque la moitié des jeunes polyhandicapés avec des niveaux de gravité divers et plus ou moins faciles à équilibrer.

Les troubles de la vision sont très fréquents, les troubles de l’audition peuvent exister.

Les personnes polyhandicapées ont de fréquents troubles du sommeil liés à de multiples facteurs (difficultés de repérage dans le temps, angoisses, rythmes perturbés, douleurs liées aux positions, etc.).

Ces personnes ont de graves difficultés de déglutition et de ce fait sont souvent sous-alimentées et sous-hydratées. Des techniques particulières existent pour faciliter les prises de repas.

Les « fausses routes » alimentaires à répétition provoquent des encombrements bronchiques et contribuent à l’installation d’insuffisances respiratoires.

Comment se comporter avec un jeune polyhandicapé ?

L’accompagnement d’une personne polyhandicapée nécessite de la part de l’entourage une présence exigeante et des compétences multiples pour comprendre ses besoins, déceler ses envies. Pour ces personnes, il est nécessaire d’envisager un environnement spécifique et de qualité qui leur accorde toutes les chances d’exploiter leurs potentiels.

La prise en charge de la douleur est une priorité

Les soins du quotidien (alimentation, soins du corps) représentent une charge de travail conséquente pour ceux qui les accompagnent. Souvent toute la famille est impliquée, nuit et jour, et il est très difficile de se faire remplacer ou de quitter la maison, quand le jeune y réside.

La prise en charge de la douleur est une priorité. Elle fait partie du quotidien de l’enfant du fait de la multiplicité de ses troubles. La douleur peut entraver une relation interpersonnelle déjà délicate. La rencontre avec un jeune polyhandicapé se fait au niveau du corps : il faut toucher l’enfant, le mobiliser, tout en respectant sa vulnérabilité et sa fragilité. Tout cela exige précautions, douceur, tendresse, attention, bienveillance. L’accompagnement d’une personne polyhandicapée nécessite une approche sensible pour respecter ses fragilités et ses limites, mais aussi pour prendre en considération ses possibilités d’évolution.

Il est bon de savoir que pour certains enfants, le contact avec les membres supérieurs, surtout avec les mains, est vécu comme une agression.

Si on attend une réponse, il est nécessaire d’être patient

Avec les enfants n’ayant pas accès au langage, le mode de communication parait toujours difficile à établir. Il faut continuer à utiliser le langage parlé, car beaucoup de personnes polyhandicapées comprennent au moins en partie ce qui leur est dit.

La manière de s’adresser directement au jeune, les intonations de voix, les gestes qui accompagnent la parole doivent être soignés. Si on attend une réponse, il est nécessaire d’être patient. Toute personne trop pressée risque d’être déjà occupée ailleurs au moment où le jeune ébauchera un signe qui pourrait montrer une compréhension et permettre de continuer l’échange.

Les codes imagés, les pictogrammes sont parfois utilisables, lorsque la personne a acquis une façon d’exprimer le oui et le non. Différents systèmes de « désignation par balayage d’images » ou sur ordinateur, et les synthèses de paroles utilisées pour les personnes ayant une IMC (Infirmité Motrice Cérébrale) progressent et peuvent trouver leur utilité avec les personnes polyhandicapées à condition que les accompagnateurs se forment à leur utilisation.

Ces dernières années sont apparues des méthodes faisant appel à des niveaux beaucoup plus archaïques de  » communication basale  » par les canaux du toucher, du mouvement et surtout de la respiration.

Quand les jeunes polyhandicapés avancent en âge, ils ont les mêmes espoirs, traversent les mêmes questions et les mêmes angoisses que les autres adolescents. Même si la plupart d’entre eux sont confrontés à renoncer à l’espoir d’autonomie, et au désir d’être parent, beaucoup peuvent exprimer leurs joies ou leurs inquiétudes quand nous savons à force de patience et de précision décoder leurs modes d’expressions infra verbaux.

Les personnes polyhandicapées ont un parcours de vie très difficile, marqué par la difficulté à communiquer avec le monde, la nécessité d’une assistance constante, une prise en charge médicale lourde. Cependant leur patience, leur ténacité, leur courage sont révélateurs de leur grande dignité et provoquent la reconnaissance de ceux qui les entourent, quand ceux-ci leur permettent de donner le meilleur d’eux-mêmes.

Pour aller plus loin :

A lire

  • Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Polyhandicap sans jamais oser le demander, Sylvie Evrard et Françoise Viennot, illustré par Emmanuel Chaunu, Editions Charles Corlet, 2008.
  • Mon enfant est Polyhandicapé, Guide Déclic, 28euros, https://hizy.org/fr/boutique
  • Accompagner les personnes polyhandicapées, Ed. du CTNERHI, col. Etudes et recherches, 2000
  • Lien Social, n°562, 1 février 2001 : Comment travailler avec les enfants polyhandicapés ? et Les jeunes polyhandicapés ont les mêmes espoirs que tous les jeunes. Entretien avec Élisabeth Zucman.
  • La spécificité de la prise en charge médicale des personnes polyhandicapées en institution. Premier séminaire 1989 – 1990, 2ème séminaire 1993. CESAP, 81 rue Saint Lazare, 75009 Paris.
  • Le polyhandicap : Journées organisées par le Service de Neuropédiatrie de l’Hôpital Saint Vincent de Paul. Paris : 18, 19, 20 juin l992, Actes du Colloque. Disponibles auprès du CTNERHI, 236bis rue de Tolbiac, 75013 Paris.
  • Le polyhandicap au quotidien (3ème édition) guide à l’usage des professionnels, de Catherine Derouette, ESF Editeur, parution 05-07-2017.

A voir

  • Les êtres humains naissent dépendants, de Luc ESPIE Collectif Polyhandicap , Citymage , 1998
    Contact: G.P.F. (Groupe polyhandicap France), 11bis rue Théodore de Banville, 75017 Paris
    tél : 09 53 66 97 39- www.gpf.asso.fr

Approfondir votre lecture

  • Quelques distinctions et points de vigilance pour aborder le handicap en catéchèse

    Pour aller à la rencontre, pour aimer ceux que nous sommes amenés à accompagner en « handicatéchèse » (PCS), il faut s’adapter aux personnes, à leurs capacités et à leurs attentes. Ce dossier réalisé en nous appuyant sur les travaux du Dr Marie-Jeanne Mattlinger, du Conseil national de la pastorale des personnes handicapées (pph), voudrait vous aider à apprendre à mieux connaître ces personnes et donc à connaître quelques données de leur(s) handicap(s). La bonne volonté ne suffit pas.