La politique, une belle occasion de service

L'Assemblée nationale siège au Palais Bourbon dans le 7ème arrondissement de Paris sur la rive gauche de la Seine.

L’Assemblée nationale siège au Palais Bourbon dans le 7ème arrondissement de Paris sur la rive gauche de la Seine.

Parole d’expert Initiales 224 : La politique, une bonne nouvelle

Pour le numéro de décembre 2011 d’Initiales sur le thème « La politique, une bonne nouvelle » le père Matthieu Rougé, aumônier des parlementaires, directeur du Service Pastoral d’Études Politiques (SPEP, lire ci-dessous), éclaire sur l’attitude du chrétien en politique et insiste sur l’importance de l’éducation à la citoyenneté et à la morale en politique, auprès des adolescents.

Interview du père Matthieu Rougé, aumônier des parlementaires

D’après votre expérience de directeur du SPEP, en quoi la doctrine sociale de l’Eglise peut-elle être ressource pour le monde politique ?

Pour les personnes engagées en politique, l’Eglise est ressource de deux manières : elle les invite à servir de façon inconditionnelle la dignité de toute personne humaine. Elle leur donne aussi le chemin spirituel pour un engagement à la fois droit, courageux et cohérent.

La doctrine sociale de l’Eglise est une réflexion de l’Eglise menée depuis des siècles, pour montrer comment la foi chrétienne éclaire le rapport à la société. Cette réflexion approfondie est à la mesure de la complexité de la vie sociale, elle prend en compte la difficulté de faire vivre ensemble un grand nombre de personnes, les mécanismes de la décision politique, les mécanismes économiques…

La doctrine sociale de l’Eglise est-elle toujours d’actualité ?

Oui, elle est sans cesse enrichie par les prises de positions du pape et des évêques, comme la dernière encyclique de Benoît XVI, « L’Amour dans la vérité », ou encore la récente déclaration des évêques pour l’année électorale1. On peut aussi se référer au Compendium2.La doctrine sociale de l’Eglise n’est donc pas un corpus clos.

Quelle devrait être l’attitude du chrétien engagé en politique ?

Signalons deux écueils possibles : tout d’abord, la survalorisation de la politique. Une tentation humaine universelle serait de l’idolâtrer, de s’imaginer que l’on va changer le monde par la politique… Non ! On change le monde par la conversion des cœurs, par l’amour. La politique, elle, permet au monde de vivre aussi justement et paisiblement que possible, pour que, plus largement, par l’évangélisation mais aussi par la culture, le monde puisse se développer.

Autre écueil : la dévalorisation de la politique. Ces deux écueils sont lié : trop souvent, on dévalorise la politique parce qu’on la survalorise. On demande aux politiques de satisfaire tous les besoins de l’humanité, et comme ils ne le font pas, (mais par définition ils ne peuvent pas le faire), on trouve que la politique est inutile et inefficace. Or, c’est très important que les chrétiens prennent au sérieux cette dimension de la vie en société, et s’impliquent pour qu’elle s’organise de manière juste et respectueuse de la dignité de chacun.

En quoi la politique est-elle une « bonne nouvelle » ?

Attention, la Bonne Nouvelle, c’est l’Évangile ! La Bonne Nouvelle, c’est Jésus ! La politique est une réalité positive qui permet à la charité chrétienne de s’exercer ; mais l’Evangile est beaucoup plus large et plus profond. Nous ne sommes pas sur le même registre. La politique est une belle occasion de service.

Jésus n’a pas voulu être un leader politique : il a passé son temps à dire qu’il ne voulait pas qu’on le fasse roi.

Aussi, la politique est le service de la cité terrestre, et comme le dit de manière très pertinente le pape Benoît XVI, elle n’est pas l’instrument de l’avènement du royaume de Dieu. Elle est au service du royaume des hommes.

L’hypermédiatisation actuelle de la politique peut faire perdre de vue, notamment chez les jeunes, cette réalité que vous décrivez de la politique. Quel est alors l’intérêt de l’éducation à la citoyenneté et à la morale en politique, surtout dans un contexte de crise économique, politique et morale ?

Puisque nous vivons en société, nous ne pouvons nous désintéresser de la vie de la cité. Il nous faut donc nous y investir. Pour les jeunes, je crois à la politique plus sensible, les conseils municipaux, le travail de proximité, qui est un bel engagement politique. C’est bien de les éveiller à cette dimension. L’important, pour eux, c’est de se former humainement, professionnellement et spirituellement, pour être le jour venu capables d’agir vraiment.

Quant à la morale en politique, elle n’inclut pas seulement une dimension collective (veiller au respect de la dignité de la personne humaine), mais aussi une dimension personnelle. Les deux sont plus reliées qu’on ne le dit. La morale personnelle invite à être évidemment honnête, vrai, courageux, et à chercher à cultiver la cohérence, mais aussi la compétence.

Le SPEP, l’« aumônerie » des Parlementaires

Présence d’Eglise pour les responsables politiques, le Service Pastoral d’Études Politiques (SPEP) a été créé en 1992 par le Cardinal Lustiger, archevêque de Paris. Il s’adresse aux parlementaires de l’Assemblée et du Sénat, à leurs collaborateurs ainsi qu’aux différents acteurs de la vie politique.

Service Pastoral d’Études Politiques – 12 rue de Martignac 75007 Paris – 01 45 50 33 86 – spep@sainte-clotilde.com

1. Déclaration du 3 octobre 2011, « Élections : un vote pour quelle société ? ».

2. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, Conseil pontifical « Justice et paix », Bayard-Centurion, Fleurus-Mame, décembre 2005.

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