Un mannequin « illuminé » ?
Cet article est paru dans Initiales n°250, Chemins de beauté, étincelles d’espérance
Ekaterina Skliarova-Richard est mannequin et chemine vers le baptême. Elle s’est confié à Joëlle Eluard dans ce numéro d’Initiales (n°250, Chemins de beauté, étincelles d’espérance). « Il y a la beauté physique, éphémère, qui décroît lentement avec l’âge mais il y a plus important, une beauté intérieure, qui, elle grandit au fur et à mesure et que l’on découvre en faisant silence. »
Votre travail, c’est d’être belle ?
Mon travail n’est pas d’être belle mais de correspondre à une image que l’on me demande de livrer. Chaque créateur a une image particulière en tête, le mannequin doit s’y ajuster le plus possible. Yves Saint Laurent n’avait pas la même représentation que Givenchy, par exemple. De même, chaque marque de cosmétique a son ADN et les mannequins travaillant pour eux doivent correspondre à cet ADN. La beauté est enfermée dans le regard du créateur.
Comment gérez-vous cela au quotidien ?
La beauté nous est donnée par la naissance, je ne peux pas agir là-dessus ; mon travail est plus sur l’apparence que je donne et particulièrement l’apparence vestimentaire qui doit correspondre aux tendances d’aujourd’hui. Quand je suis arrivée de Russie en France à 18 ans, mon agence voulait que je change, que je sois plus mince mais j’ai refusé. Je ne voulais pas entrer dans cette démarche. Certaine filles se mettent en danger pour cela. Mais, depuis un peu plus d’un an, il y a un vrai suivi médical pour vérifier, certificat médical à l’appui, les correspondances taille/poids. Pour ma part, j’ai opté pour être mannequin d’essayage, je ne suis pas dans la lumière et les défilés. Je dois garder mes mensurations, bien sûr, mais j’ai fait de mes défauts physiques des atouts. Et puis, avoir de la personnalité, cela compte et permet de durer.
Quelles sont les difficultés de ce métier ?
La plus grande difficulté est que nous sommes jugées sur notre apparence extérieure en permanence. Dans n’importe quel travail on peut s’améliorer, faire des stages, des formations, pas dans le mannequinat. Lors d’un casting, une fille fait deux pas et peut entendre : « merci, au revoir ». Et cela se répète plusieurs fois par jour. C’est très déstabilisant, le jugement est rapide, sur un seul regard, de la part de quelqu’un qu’on connait à peine. Il faut pouvoir se détacher et se dire que c’est l’image que je renvoie qui est jugée et non ma personne.
Quels sont les canons de la beauté actuellement ?
Il y a quelques années, on recherchait de vraies belles femmes, par exemple, comme Cindy Crawford ou Claudia Schiffer. Elles devaient être souriantes, lumineuses. Mais aujourd’hui cela a changé. Les phénomènes de société impactent la mode. Je pense à trois critères. Actuellement, les différences hommes/femmes cherchent à être gommées. On recherche des mannequins androgynes et filiformes. Sur certains podiums, on peut se demander si c’est un homme ou une femme qui défile. D’autre part, il faut que la beauté dérange, avoir une « gueule », une particularité, plutôt qu’une beauté « classique ». Enfin, on va rechercher un certain côté sombre, il ne faut rien dégager.
Comment votre cheminement actuel vers le baptême a transformé votre regard ?
Pendant longtemps, j’ai pris ce qui m’était donné me disant que je ne devais rien à personne. Mais tout cet amour qui m’est donné vient bien de quelque part … J’ai découvert au fond de moi autre chose. Il y a la beauté physique, éphémère, qui décroit lentement avec l’âge mais il y a plus important, une beauté intérieure qui, elle, grandit au fur et à mesure qu’on la découvre en faisant silence, en se mettant à l’écart, à l’écoute de soi-même. Et cette découverte de ce que j’appelle mon « âme » a tout changé. L’âme est le souffle de Dieu en moi et, plus je lui laisse de place, plus je rayonne. Une personne m’a dit récemment : « en toi, je vois de la lumière ». Cette lumière m’a permis de changer et de faire évoluer mon regard sur les autres. Je cherche leur beauté intérieure, celle qui attire et qui fait grandir. Et celle-là n’est pas une question de mode, elle n’est pas de passage, elle est inscrite au fond de chacun d’entre nous.