Comment mieux communiquer au sein d’une équipe d’ados ?
Cet article est paru dans le n°255 d’Initiales.
Apprendre à débattre, à raisonner avec d’autres, à réguler la parole et les tensions, ce pourrait être en soi un des objectifs des rencontres, tant cela contribue à équiper les personnes face à certaines situations de leur vie. Surviennent si facilement des malentendus, erreurs d’interprétation, généralisations ou jugements hâtifs, polémiques stériles ou monopolisation de la parole par quelques grands parleurs. Comment faire ?
Façonner une ambiance propice à l’échange
Depuis la nuit des temps, les hommes et femmes palabrent en cercle : se voir tous facilite l’attention, crée sécurité, égalité et proximité.
Le temps d’accueil (attentions personnelles, présentation des nouveaux, évocation des absents, recueil des préoccupations) est fait pour que chaque participant se sente attendu et reconnu, qu’il prenne sa place en faisant place aux autres.
L’animateur garantit le cadre d’une écoute respectueuse des points de vue différents, pour que chacun garde sa liberté de conscience mais renonce à imposer « sa » vérité. La vérité est en effet composée de multiples facettes subjectives.
L’animateur rappelle les règles de la prise de parole :
- Écouter celui qui parle sans l’interrompre, sans moqueries ni jugements.
- Parler en « Je » : chaque participant s’exprime en son nom et parle de lui, il évite le « on ».
- Exercer son droit de retrait : ne parle que celui qui a vraiment envie de dire quelque chose.
L’autorité de l’animateur est basée sur un contrat de départ, car nous sommes dans un espace de libre adhésion : « J’ai été sollicité pour animer cette équipe, je vous remercie d’être là, voilà ce que je vous propose comme contenu, méthodes et règles du jeu… Êtes-vous d’accord ? De quoi auriez-vous besoin d’autre ? Avez-vous des préférences ? ». L’animateur recueille les attentes, complète sa proposition et vérifie l’adhésion de chacun.
Les verbes de la relation : décrire, accepter, refuser, demander, proposer
- Décrire des faits, dire son ressenti, exprimer son opinion : « Je suis venue trois fois pour préparer… Je suis agacée et je ne suis pas d’accord pour faire ce travail toute seule ». Parmi les ressentis, on peut distinguer les sensations (froid, faim, sommeil), les émotions (joie, colère, dégoût, peur, haine, honte, culpabilité, incompréhension, etc.). Les ressentis parlent de nos besoins, physiologiques, de sécurité, d’appartenance, de reconnaissance, de liberté, de réalisation de soi et de transcendance : « J’ai besoin de vos avis sur la qualité de mon travail » ou « je me sens mieux quand je peux bouger », « j’aime méditer en silence ».
- Accepter (de recevoir un cadeau, un compliment ou un reproche) et oser refuser ce qui est mauvais : « Je te remercie de reconnaître mes efforts. J’accepte tes critiques constructives, mais je refuse que tu fasses des allusions vaseuses à ma vie privée ! »
- Demander : distinguons une simple invitation (« As-tu envie de regarder mon album ? »), un souhait (« S’il te plait, voudrais-tu m’aider à ranger ce tiroir ? ») et une exigence (« En tant que responsable, je te demande de nettoyer cette table, sinon tu devras en répondre devant… »). Les trois ont leur importance et poussent toujours l’interlocuteur à prendre ses responsabilités.
- Proposer sa contribution concrète, suggérer des alternatives réalistes, imaginer des pistes de solutions. Au lieu de « On n’entend rien ici. Arrêtez de faire les marioles ! », l’animateur dira plutôt : « J’ai besoin d’entendre chacun. Paul, Amélie et Ben, pourriez-vous donner votre point de vue sur le sujet ? Paul, tu commences ? ».
Comment déclencher la réflexion collective ?
Le positionnement du corps dans l’espace permet d’exprimer son degré d’accord ou de désaccord par rapport à une affirmation, puis de bouger en fonction des arguments entendus. De nombreuses variantes existent : baromètre,débat mouvant, rivière du doute, 4 coins, 3 points de vue, etc.
Le mot baladeur d’images (à partir d’un mot-clé, chacun inscrit un mot qui lui vient par association d’idées) et le photo-langage mettent à jour nos différences de sensibilité.
La tempête de cerveau (brainstorming) est un exercice de créativité autour de pistes de solution à un problème, avant de les trier selon des critères (cohérence, utilité, faisabilité).
L’affirmation provoc’ pour démarrer un débat, (« Les changements de comportement pour préserver la planète sont trop lents. Il faut contraindre les gens. Sans dictature, on n’y arrivera pas !… Léa, tu n’es pas d’accord ? »).
Les petits groupes, plus intimes, favorisent la prise de parole de tous. Dans le cas de binômes, chacun reformule ensuite au grand groupe l’essentiel de ce qu’il a entendu de l’autre. C’est un excellent exercice d’écoute !
Des outils de répartition de la parole
L’inscription des interventions, la distribution de tickets de parole, le chronomètre, ces méthodes ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Le choix dépend de l’effectif et de l’objectif : écouter un témoignage, échanger nos expériences, mener un projet, décider collectivement, etc.
Le tour systématique, assorti du droit de passer son tour, est une méthode adaptée au recueil des ressentis, d’avis ou d’expériences.
Le bâton de parole : celui qui tient le bâton (la balle, la marionnette ou le micro) parle sans être coupé. Au départ, l’animateur offre le bâton de parole à la personne qu’il sent disposée
à commencer.
Les codes non-verbaux complètent ces méthodes en fluidifiant l’échange : lever la main pour demander la parole, signifier son accord par un geste, son désaccord par un autre, etc.
Chaque animateur ou animatrice a sa façon d’animer, mais il ou elle peut s’exercer à… parler peu, choisir le mot juste, reformuler les propos maladroits, veiller à chacun : ceux qui attendent une autorisation, ceux qui soupirent d’agacement (« Karine, tu n’as pas l’air d’accord ? »)… Des bâillements ? « Je propose que ceux qui le souhaitent s’expriment une dernière fois, avant d’aller faire un jeu dehors ! ».
Des temps de régulation
Quand une tension importante se manifeste, l’animateur peut proposer un tour où chacun exprime son ressenti, ses besoins, et des propositions. Le groupe repasse contrat sur une nouvelle base. Attention, si la tension est trop forte ou en cas de contentieux récurrent, ce n’est peut-être pas le bon moment ni le bon lieu pour en parler.
La régulation régulière, c’est un rendez-vous prévu pour faire le point, un moment de prise de conscience : un jeune se plaint que l’info qu’il a donnée n’a pas été prise en compte. En écoutant les autres, il réalise qu’il l’a transmise à la va-vite au détour d’un couloir, sans vérifier qui était disponible pour l’écouter. Une plainte qui ne se dit pas risque de se transformer en bouderie, en agressivité, difficile, le conflit menace l’équilibre et la tranquillité, mais on peut réunir les conditions d’en faire une occasion de progrès.
Authenticité et empathie
« Vous aurez beau connaître toutes les langues de la terre, s’il vous manque l’amour… vous aurez beau connaître toutes les techniques de communication, s’il vous manque l’empathie… si le cœur n’y est pas… si vous n’êtes pas vrai… »
L’empathie, c’est la capacité à sentir ce que l’autre ressent et à prendre en compte ce qu’il pense, en gardant une juste distance avec ce que l’on ressent et pense soi-même.
L’authenticité suppose assez d’estime de soi pour s’assumer tel(le) quel(le), avec modestie mais sans honte. Empathie et estime de soi se cultivent. Et chacun fait au mieux, offre ce qu’il est.