Les adultes d’aujourd’hui
Cette fiche présente quelques éléments sur les adultes et la culture contemporaine (2010) et les attentes et dynamismes vitaux des adultes aujourd’hui.
Éléments sur les adultes et la culture contemporaine
Une première évidence s’impose : « les » adultes, ça n’existe pas ! Il n’existe que « des » adultes et des adultes bien divers.[1] .
L’âge adulte, lui-même, est marqué par une succession d’étapes, à prendre en compte.
Trois étapes sont souvent citées :
- le début de la vie d’adulte, période où il devient autonome, construit sa personnalité, imagine sa vie future.
- Le milieu de la vie avec la maturité, le temps des responsabilités, des premiers bilans, la prise de conscience que l’on est mortel.
- La vieillesse avec la diminution progressive de certaines capacités mais l’acquisition d’une sagesse devant les événements de la vie.
Toutefois, Guy Lescanne, comme d’autres sociologues contemporains, [2] signale certaines constantes ou attitudes, manières de vivre et de penser qui caractérisent les adultes de notre société, particulièrement les jeunes adultes. Ces caractéristiques questionnent la proposition de la foi.
La culture du sujet
Autonomie, singularité, liberté d’expression : L’adulte s’affirme d’abord comme sujet avant d’être acteur social. Il a besoin d’être écouté, pris en compte dans son histoire personnelle, dans ses questionnements et recherche de sens, d’élaborer des convictions personnelles et peut percevoir certaines réglementations de la vie en société comme une entrave à son dynamisme et développement personnel.
La singularité du sujet et de sa quête demande que soient pris en compte les histoires personnelles, le besoin d’être écouté. Cependant la foi chrétienne ne peut se satisfaire d’une présentation purement subjective. Elle confronte à une vérité transmise par la Tradition. Elle invite aussi le sujet à accueillir et à développer le sens communautaire.
La culture démocratique
elle se traduit dans des pratiques de participation, de concertation, d’élaboration des propositions, où tout peut être mis en débat : les personnes ont sans cesse à prouver la pertinence et la crédibilité des décisions qu’elles sont amenées à prendre.
Cette situation invite à une nouvelle manière de vivre en Eglise faisant davantage place à la parole et à la responsabilité de chacun et à faire découvrir la place d’un Dieu qui se révèle.
La culture de la mobilité
Le rapport à l’espace et au temps se transforme. Pour des raisons professionnelles, familiales, les personnes n’habitent plus de manière permanente sur un même lieu. Les changements sont fréquents. La difficulté de se projeter dans l’avenir entraîne une survalorisation de l’immédiat. Les adultes d’aujourd’hui hésitent de plus en plus à s’engager dans la durée et le font plutôt avec un but déterminé motivant. La notion d’appartenance à un groupe constitué de façon stable devient problématique.
Les modes d’appartenance à la communauté chrétienne s’en trouvent modifiés. Par exemple : l’attachement à une paroisse, l’engagement dans un mouvement, la collaboration à un service d’Eglise.
La culture scientifique et technique liée à la nouveauté et à l’efficacité
Les métiers d’aujourd’hui exigent des compétences inédites, faisant appel à des connaissances « pointues », des facultés de raisonner de manière abstraite et de vérifier par l’expérience concrète. L’individu doit sans cesse s’adapter, gérer un changement permanent, à la fois attirant et éprouvant. Cette primauté de l’adaptabilité tend parfois à disqualifier les générations seniors par rapport aux jeunes générations. Cette situation modifie les rapports entre générations.
L’intergénérationnel dans les communautés chrétiennes considéré comme une richesse à mettre en valeur concrètement, peut poser des difficultés quand les communautés sont vieillissantes.
La culture de la communication
Internet, la téléphonie et les réseaux sociaux bouleversent les rapports entre individus et leur manière d’être en relation, de dialoguer et d’être informés.
Les conséquences de ce phénomène sont importantes pour la façon de vivre en communauté, de proposer la foi. Elles sont encore à explorer.
La complexité de la société et l’incertitude de l’avenir
Les questions économiques, environnementales (avenir de la planète, changement climatique, raréfaction des ressources…) politiques (mondialisation …) font que beaucoup se disent « que demain ne sera pas meilleur qu’aujourd’hui », entraînant un manque de perspectives et de motivations. Élaborer des projets dans une société complexe comporte des risques non maîtrises.
L’adulte peut s’en trouver fragilisé dans sa quête de sens et d’espérance et se réfugier dans une dérive sectaire comme valeur refuge.
Une multitude de repères et d’informations
Nos contemporains font face à une profusion d’informations et de repères, engendrant un besoin de sens et de discernement : Quoi penser ? Que et comment choisir ? Qui croire ? Devant la fatigue de devoir trop assumer par soi-même les choix et décisions de la vie, certains sont tentés de baisser les bras et de fuir la question du sens. D’autres recherchent des repères, « des idées simples » sans être simplistes. Ils cherchent à affronter cette profusion de sens possibles pour l’organiser et se donner une colonne vertébrale autour de laquelle pourra s’édifier une vie heureuse et épanouie. Le pluralisme religieux et culturel offre à chaque adulte une multitude de choix possibles, « à la carte ». Les adultes ont l’opportunité de rencontrer des personnes appartenant à d’autres univers culturels et d’autres religions. Ces rencontres sont souvent positives et enrichissantes.
Dans cette situation, la catéchèse des adultes sans régler tous les problèmes existentiels mais en proposant la foi chrétienne dans son intégrité, son authenticité, sa cohérence, pourra éclairer les difficultés, les confusions, malentendus, préjugés et objections. En introduisant à la lecture croyante et priante des Écritures, en dégageant la portée spirituelle et éthique du message chrétien, la catéchèse aidera les adultes à discerner les vraies valeurs.
Le soupçon porté sur les institutions et les nouveaux engagements
Il existe une perte de la confiance dans les institutions traditionnelles (politiques, scientifiques, éducatives, religieuses…), une crise de l’engagement dans la durée (syndicats, partis politiques, vie familiale…), de la transmission (des savoirs comme des savoirs être ensemble…)… L’adulte d’aujourd’hui préfère s’investir dans des associations, des collectifs divers, des initiatives individuelles. Il est particulièrement sensible aux questions d’injustice et souhaite un monde plus respectueux des libertés individuelles et des droits de l’Homme.
Comment situer la présentation de la foi chrétienne et ses implications éthiques par rapport aux autres religions et aux autres courants de pensée ?
Après avoir relevé comment la culture d’aujourd’hui marque le comportement des adultes et repéré les questions que cela pose à la proposition de la foi, intéressons-nous à quelques dynamismes et besoins vitaux qui animent ces adultes et sur lesquels la proposition de la foi pourrait s’appuyer.
Quelques attentes et dynamismes vitaux des adultes aujourd’hui
Les évêques rappellent : « L’Église annonce l’évangile dans un monde occidental qui doute de lui-même et de ses valeurs… Pour autant, nous pensons que les temps actuels ne sont pas plus défavorables à l’annonce de l’évangile que les temps passés de notre histoire.[3] » .
La génération des 20-40 ans (environ) est la première qui – dans sa majorité – n’a pas reçu de transmission de la culture chrétienne, et n’a donc pas le vocabulaire et le sens du langage symbolique chrétien. Elle n’est pas pour autant sans attente et désir de vie. La vie des adultes est marquée par des événements, des étapes qui transforment les personnes, les provoquent à se ressourcer, s’accomplir, se questionner, agir, renoncer… Il est important d’en tenir compte. « Une organisation catéchétique par étapes de la vie prend appui sur les dynamismes et les besoins vitaux qui correspondent à chaque période déterminante du développement ou de l’histoire des personnes »[4] . En partant de ces dynamismes et besoins vitaux, la catéchèse se place sur le terrain des adultes d’aujourd’hui. Elle ne demande pas comme préalable de connaître le langage chrétien mais permet de découvrir la foi.
Ces attentes, dynamismes et besoins vitaux expriment des désirs de vie :
- Le désir d’aimer et d’être aimé. Il est présent aujourd’hui comme hier mais rendu problématique par les échecs de la vie. Les adultes ont besoin de se savoir aimés pour aimer à leur tour. [5]
- Le désir de croire en soi. Les adultes prennent conscience de leurs fragilités plus ou moins grandes, liées à leur histoire familiale et relationnelle. Ils aspirent à devenir plus solides et plus confiants en eux-mêmes et dans les autres.
- Le désir d’épanouissement personnel Les jeunes adultes sont préoccupés de devenir eux-mêmes, de construire leur identité de manière solide. Ils ont besoin d’être accueillis comme ils sont, là où ils en sont, sans être jugés et d’être accompagnés dans leur recherche.
- Le désir d’autonomie. Les jeunes adultes veulent choisir leur vie librement sans subir de contrainte. Ils peuvent être sensibles à la liberté de choix promue par la foi chrétienne qui aide les personnes à s’engager dans la vie avec confiance et justesse.[6]
- Le désir de fidélité. Réussir une vie familiale harmonieuse apparaît comme le vœu le plus important chez les jeunes adultes. Cela suppose de pouvoir croire en la permanence de la parole donnée et en sa capacité à traverser les épreuves par l’échange et le pardon. Il peut alors apparaître essentiel de faire l’expérience que la parole du témoin de la foi est portée par la parole fidèle et miséricordieuse du Père.
- Le désir de donner la vie. Dans la société contemporaine le désir de donner la vie est aussi présent qu’autrefois mais la prise en charge de l’éducation des enfants est rendue plus complexe. La communauté chrétienne est appelée à soutenir les adultes dans leur besoin de parentalité qui les fait participer à l’œuvre créatrice de Dieu.
- Le désir d’harmonie et de paix. Les adultes aspirent à la paix intérieure, au dépassement des malaises et culpabilités. Ils parlent souvent de tolérance envers les autres et recherchent la convivialité et la bonne entente. Ils peuvent être interpellés par les chemins de réconciliation et de pardon de l’évangile.
Les adultes déploient beaucoup d’énergie pour trouver leur voie. Beaucoup s’investissent dans leur vie affective pour construire un foyer, donner la vie à des enfants, s’épanouir dans leur métier. C’est en annonçant un Dieu qui dénonce les idolâtries du savoir, du pouvoir et de l’avoir mais dont la présence, la fidélité et la miséricorde ne font jamais défaut que la proposition catéchétique accompagne les personnes dans les avancées et les reculs, les échecs et les élans qu’elles connaissent.
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1 Guy LESCANNE – Document épiscopat n° 3 – Février 2000.G. LESCANNE, 20 – 30 ans, des jeunes adultes à découvert, DDB, 1994
2 Michel FIZE, Le peuple adolescent, Julliard,1994. SNCC – 07/2014 – 2 –
3 TNOC – Introduction – p. 20 SNCC – 07/2014 – 3 –
4 TNOC, p 74
5 Ils ont besoin d’entendre, par la médiation d’un frère, la Parole de Dieu en Is 43, 4 : « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime. ».
6 « Quand l’identité chrétienne se construit à partir du mystère pascal, la vie chrétienne devient réponse de gratitude, action de grâce pour le don total et sans condition reçu de la Pâque du Christ. » TNOC p 55