Des sacrements de l’Initiation chrétienne au sacrement du mariage

« Le troisième jour, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples. » (Jn 2, 1-2)

On s’en doute : le mariage comme sacrement a quelque lien avec les sacrements de l’Initiation chrétienne … Pour le dire simplement : il est le chemin concret sur lequel un homme et une femme sont appelés par Dieu à vivre la sainteté de leur baptême / confirmation / eucharistie.

Je viens d’employer le verbe « appeler ». Le mariage est en effet une vraie « vocation »1. Sans doute a-t-on trop réservé aux prêtres et religieux(ses) ce terme de « vocation ». Cela est dû au fait, d’une part, que la très grande majorité des chrétiens sont des personnes mariées et que, d’autre part, par rapport au célibat consacré, le mariage a le plus souvent été comme dévalorisé. Si bien que lorsque, au 12ème siècle, il a été reconnu comme « sacrement » au sens strict du terme, c’est-à-dire comme « signe porteur » de l’amour sauveur de Dieu en Christ, cela s’est fait du bout des lèvres en quelque sorte …

Aujourd’hui, le regard sur ce sacrement a bien changé, comme le montrent de magnifiques déclarations du pape François et de ses prédécesseurs depuis plusieurs décennies. On tient même de plus en plus communément que l’« infériorité » par rapport au célibat consacré dont on l’a étiqueté depuis Saint Paul (1 Cor 7) ne vaut que sur le plan où le renoncement au « monde » est un marqueur plus parlant du Royaume de Dieu que la condition commune dans le monde. C’est donc seulement comme « signe » que le célibat consacré est « supérieur » au mariage, pas comme chemin de sainteté. Effectivement, il n’est pas difficile d’être témoin de couples qui vivent l’ordinaire d’une vie faite de fidélité l’un à l’autre et de dévouement allant jusqu’à l’abnégation à l’égard de leurs enfants comme un authentique chemin de sainteté ; un chemin qui n’a rien d’ « inférieur » à celui de bien des célibataires consacrés ! Le célibat consacré est certes important comme signe : il rappelle à tous les chrétiens la priorité du « pour Dieu » qu’ils ont à vivre au sein de leurs responsabilités familiales, professionnelles, associatives, etc. ; simplement ce « pour Dieu », signifié plus immédiatement dans la vie religieuse, ne peut pas être vécu de la même manière selon que l’on vit dans un cloître ou dans le monde …2

Cette revalorisation du mariage a reçu un fort soutien dans le dernier rituel de célébration, notamment dans la bénédiction nuptiale. D’une part, celle-ci peut être désormais placée (et l’est de fait) aussitôt après l’échange des consentements, si bien qu’elle vient se croiser en quelque sorte avec lui et témoigne de ce qu’un sacrement est toujours reçu comme une grâce « d’en haut ». D’autre part, certaines de ces bénédictions nuptiales sont l’objet d’une véritable « épiclèse » à l’Esprit-Saint, ce qui est renforcé par le fait que, comme pour l’épiclèse à l’Esprit de l’ordination ou de l’eucharistie, le ministre la prononce en étendant les mains sur les époux… Voilà évidemment quelque chose de très important puisqu’il y est montré et dit que le mariage, jusque dans sa condition évidemment sexuée, est appelé à être vécu comme un véritable chemin « spirituel » !

Le lien avec les sacrements de l’initiation est alors très facile à établir. Par ces sacrements (baptême « achevé » par la confirmation et culminant dans la communion au corps du Christ), tout chrétien est appelé à la sainteté et à la mission. Par le sacrement de mariage, le Saint-Esprit est donné aux époux pour qu’ils assument cet appel dans une responsabilité d’époux et de parents. C’est là que Dieu les attend prioritairement. Si bien que tout autre engagement au service de l’Eglise et/ou au service de la cité, si souhaitable qu’il soit évidemment, doit être subordonné à l’équilibre du couple et de la famille.

Ainsi, pas plus que l’ordination, le mariage ne vient « ajouter » quelque chose qui manquerait aux sacrements de l’initiation. Il vient simplement (mais dans ce « simplement », il y a beaucoup !) spécifier en quel « état de vie » des chrétiens (la plupart) sont appelés à vivre leur « élection » par la grâce de Dieu comme membres du « corps du Christ » et comme pierres vivantes du « temple du Saint-Esprit ».

Louis-Marie Chauvet,
Professeur Honoraire à l’Institut Catholique de Paris

1. Voir à ce sujet le très bel article d’Anne-Marie PELLETIER, « Le mariage, une vocation ? » dans Le sacrement de mariage entre hier et demain, CHAUVET Louis-Marie (dir.), éd. de l’Atelier 2003, p. 219-234

2. J.M. TILLARD, Devant Dieu et pour le monde. Le projet des religieux, Cerf 1974 (Cog. Fidei n° 75)

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