Nomades … le pèlerinage du peuple de Dieu dans la Bible
Cet article est paru dans la revue Initiales n°258 : En chemin sur terre…
Nous appartenons à un peuple de nomades. C’est ce que nous pourrions dire le soir, autour du feu, rejoignant la très ancienne profession de foi que le peuple d’Israël était invité à prononcer au temps de la récolte, une fois en Terre promise : « Mon père était un araméen errant… » (Dt 26, 5-10). Le peuple redisait alors sa longue histoire nomade, accompagnée par le Seigneur.
Abraham le nomade
C’est sur une parole de Dieu qu’Abraham quitta son pays. Cette parole était promesse, d’une descendance et d’un pays, d’une terre (Gn 12). Elle lui fut redite par Dieu plus d’une fois, alors qu’il était tenté d’en douter, puis fut transmise à Isaac, à Jacob et à ses fils, jusqu’à Joseph en terre d’Égypte. Cette longue histoire fut plus d’une fois contrariée, mise en danger, par la stérilité de Sarah, par la famine qui plusieurs fois sévit, par le geste terrible des frères de Joseph qui le laissèrent pour mort dans le désert où des caravanes le recueillirent, mais il était désormais esclave. Devenu intendant du Pharaon, c’est lui qui allait sauver sa famille au temps d’une famine totale qui aurait pu emporter la promesse. Mais Dieu veillait.
Terre promise
Il faudrait parcourir toute l’histoire biblique, du temps de l’esclavage en Égypte, puis de la marche au désert, pendant quarante ans, quand le peuple apprenait de son Dieu l’alliance. Lorsqu’ils parvinrent en Terre promise, Josué les invita à s’engager solennellement envers le Seigneur qui les avait guidés et sauvés. « Au-delà du Fleuve habitaient vos pères, dit-il, et ils adoraient d’autres dieux, aussi j’ai appelé Abraham… » (Jos 24, 2).
Ainsi, dès le début, la promesse était une alliance, dans laquelle Abraham allait apprendre – et nous après lui – à suivre et écouter le Dieu unique, loin de toutes les idoles qui aujourd’hui comme hier entraînent dans de multiples formes d’errance loin de Dieu, loin de nous-mêmes, loin des autres !
Dieu unique
Ainsi la marche d’Abraham et la nôtre sont-elles l’apprentissage – jamais achevé – du Dieu unique. Probablement est-ce pour cela que la marche est devenue le signe de la recherche de Dieu. De nombreux versets de la Bible l’affirment. L’un des plus lumineux se trouve dans le livre du prophète Michée, huit siècles avant Jésus, une parole d’une limpidité absolue : « Homme, répond le prophète, on t’a fait connaître ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et t’appliquer à marcher avec ton Dieu » (Mi 6, 8). Marcher, c’est consentir à une transformation intérieure, c’est apprendre l’alliance, c’est-à-dire à vivre à la façon de Dieu dans un monde qui en tant de lieux en est loin. « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint » (Lv 19, 2), un appel à porter le signe d’appartenance au Seigneur et sa marque au cœur du monde. Les prophètes le rappelleront sans cesse. À l’heure de l’Exil (587-538), le peuple perdra sa terre et marchera à contre-courant de son histoire, vers Babylone. Car la marche dans la Bible change parfois de cours en raison des famines, des guerres, de l’Exil ! Il en reviendra dans l’allégresse, ainsi que le chantent les psaumes (Ps 125).
Sur les chemins de Galilée
Christian Bobin, en un petit livre magnifique, a aimé parler de Jésus comme « L’homme qui marche »1. Il suffit d’ouvrir les évangiles, on voit Jésus toujours en chemin, sur les routes de Galilée, ou vers Jérusalem, qui sera le lieu de la Passion. Au bord du lac de Tibériade, il marche et appelle ses disciples. Il marche avec les foules. C’est toujours en chemin, parfois dans la maison, qu’il rencontre tous ceux qui sont en attente d’une parole venant de lui ou d’un geste qui les guérisse, qui les sauve, qui leur signifie le pardon de Dieu.
Les disciples apprendront à être en chemin comme lui, et les Actes des Apôtres et les épîtres de Paul montrent jusqu’où les mèneront leurs marches, dans le souffle de l’Esprit, pour annoncer la rencontre de Jésus ressuscité qui les a touchés. Nous sommes de leur nombre. Le disciple est celui qui « suit Jésus ». Ce seul verbe « suivre » définit le disciple ! Et nous sommes entraînés dans la même marche sans trêve. La marche ne serait-elle pas notre signe, notre identité ? Nomades de Dieu, comme le dit l’épître aux Hébreux en un chapitre magnifique, nous marchons, les yeux fixés sur Jésus, qui indique le sens de notre marche (He 11).
À la suite de Jésus
Ainsi nous allons, comme les disciples d’Emmaüs, à qui Jésus ressuscité expliquait les Écritures. Il leur partagea le pain et leurs yeux s’ouvrirent. Désormais leur marche était plus forte que la nuit (Lc 24, 13-35). Comme l’est aussi la nôtre, dans la présence du Ressuscité qui éclaire notre chemin.
Je ne peux m’empêcher de penser que la foi est une recherche et qu’elle doit nous mettre en partance, faire de nous des marcheurs […]. Dieu ne se laisse pas toucher facilement. Il faut avoir une âme de nomade pour le trouver…
– Théodore Monod
P. Jacques Nieuviarts, Assomptionniste, Bibliste, Conseiller éditorial de Prions en Église
—
1. Éditions Le temps qu’il fait, 1998.
Dans le même numéro :
Le cheminement catéchuménal à l’image d’un pèlerinage
Les jeunes catéchumènes arrivent, la plupart du temps pressés, et demandent à recevoir le baptême. Nous, nous voulons prendre du temps, et notre réponse n’est souvent pas en adéquation avec leur demande. Mais l’urgence est-elle de recevoir les sacrements de l’initiation chrétienne ou plutôt de leur faire entendre la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité avec qui ils vont tout de suite commencer à cheminer ?