La parabole du Fils prodigue : un éclairage sur le sens de la fête
Cet article est paru dans la revue Initiales n°269 : Tous invités à la fête !
La parabole dite du “fils prodigue”, du “fils retrouvé”, nous apporte de précieuses lumières sur la fête.
Cette parabole s’insère dans une grande section où nous suivons le Christ qui monte vers Jérusalem (Lc 9, 51 – 19, 27). Considérant donc le terme de la marche de Jésus, à savoir Jérusalem et ultimement le Ciel, entrons dans la parabole comme une préparation à la Fête éternelle.
La fête ? Une réalité ancienne !
La dimension de la fête est bien présente dès les commencements. Les luminaires sont donnés par Dieu pour servir de “signes pour marquer les fêtes, les jours et les années” (cf. Gn 1, 14). Et depuis, les fêtes structurent notre calendrier. Elles en deviennent essentielles à la vie. Recueillons ce point d’attention : la fête doit avoir un goût d’éternité, une empreinte du règne de Dieu puisqu’elle constitue une étape sur notre marche vers le Ciel.
La fête dans la parabole du fils prodigue est de celles qui célèbrent un événement ponctuel. Il n’y a pas de préparation lointaine sinon celle du cœur du père qui attendait le retour de son fils. Pas d’Avent ou de Carême… Pas de liste de courses ni de carton d’invitation… La spontanéité de l’amour est le déclencheur de la fête. Le désir et l’attente du père sont le moteur des préparatifs. Mais avant cette fête organisée par le père, il y a celle de son fils..
De la fête prodigue…
Selon une certaine logique, le fils prodigue se perd par et dans la fête “prodigue”, fête à la dépense excessive qui entraîne la dilapidation de ses biens. La parabole apporte des lumières et nous tient en alerte sur le résultat de la distinction croyant/pratiquant, à savoir que des non-pratiquants feront des non-croyants et à l’inverse des pratiquants feront des croyants.
Ici, le fils cadet se coupe de la relation à son père : symboliquement, il le met à mort en réclamant son héritage. Il ne pratique plus l’amour filial. Il s’enferme dans sa non-pratique et, coupé de tous liens, descend jusqu’à “toucher le fond”. Un sursaut devant sa misère : il se tourne pauvrement vers son père tout en ayant des difficultés à croire. En effet, même s’il l’appelle père, il demeure cette conviction au fond de lui : “Je ne mérite plus d’être appelé ton fils” (15, 21).
Le père n’en tiendra pas compte. Seul l’amour, pratiqué et cru, demeure. A-t-il entendu les propos de son fils ? Si tel est le cas, ce n’est qu’avec les oreilles du cœur et de la miséricorde. Comme toute réponse : la fête !…
La spontanéité de l’amour est déclencheur de la fête.
À la fête prodige…
La seule présence du fils, même encore lointaine, libère la joie contenue dans le coeur du père qui manifestement espérait contre toute espérance.
Le mot “prodige” peut désigner un événement surprenant qui arrive contre le cours ordinaire des choses. En ce sens, la fête qu’organise le père est un prodige. Le père célèbre le retour de son fils. Il rétablit le lien d’abord par l’habit.
Dans une homélie sur la parabole des noces (Mt 22, 1-14) où l’homme qui prend place au banquet n’a pas l’habit adéquat se voit être jeté dehors, Grégoire le Grand commente ainsi cet habit de noces : c’est la parure de l’âme, à savoir la charité. Ainsi compris, que pourrait offrir le père plein de tendresse à son fils sinon l’habit de la charité pour l’envelopper de tout son amour ?
Le père restaure la relation et associe son fils à sa vie (cf. Lc 15, 22). Comme l’indique la note de la TOB, dans la tradition biblique (cf. Gn 41, 42 ; Est 3, 10 ; 8, 2), l’anneau est signe d’autorité ; les sandales signalent l’homme libre par opposition à l’esclave, qui reste nu-pieds.
Si nous considérons la fête comme une anticipation à la fête du Ciel, notons alors qu’il nous faut notre tenue. Nous savons que par le baptême nous avons revêtu le Christ (Ga 3, 27). Et l’équipement de la grâce baptismale. Si nous le croyons, nous devons le “pratiquer”. L’exercice des vertus reçues, la disponibilité à l’Esprit Saint qui agit en et par nous par ses dons feront que nous resterons éveillés et habillés.
La fête devient un rendez-vous important pour “réajuster” notre habit. Les fêtes liturgiques nous offrent de faire mémoire du don de Dieu pour nous aujourd’hui !
Une invitation
La fête commence par une invitation. On ne peut l’imposer. Celle du père n’est pas reçue par le fils aîné. Il reste dehors avec sa colère (cf. 15,28). L’invitation est toujours là jusqu’à ce que la parole du père rencontre le cœur de son fils. Mais sur ce sujet nous ne savons rien. Sinon une invitation à l’espérance, à la patience. La fête se propose, s’offre. On y entre parce que l’on est attendu et que librement on répond, comme pour le Ciel.