Le temps, don et défi
Que dit la Bible ?, L’Oasis n°4 : Le Temps.
Et si au-delà d’un défi, le temps était d’abord une chance pour l’homme ? C’est ainsi que la Bible envisage le temps.
« Avec le temps, va, tout s’en va … »
Cette célèbre chanson évoque bien le défi permanent du temps à chacun d’entre nous, et pas seulement aux savants ou aux philosophes. Face à la fuite du temps qui passe, nos regrets pourraient vite en faire une menace. Et c’est d’autant plus vrai dans notre époque où les nouveaux moyens de communication (téléphone portable, internet,…) ont changé notre rapport au temps, pour nous projeter dans une immédiateté toujours plus grande : « Tout tout de suite ! »
Et si au-delà d’un défi, le temps était d’abord une chance pour l’homme ? C’est ainsi que la Bible envisage le temps.
L’Agenda de Dieu !
En effet toute la Bible se déroule et nous inscrit dans le temps, de la première ligne (« Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » Gn 1,1) à la dernière (« Oui, je viens sans tarder. » Ap 22,20). A la différence des mythologies antiques qui faisaient du temps une divinité au-dessus des autres (Chronos, Mardouk), dans la Bible, le temps est créé par Dieu : au quatrième jour sont créés les luminaires, pour séparer le jour et la nuit, et « pour marquer les fêtes, les jours et les années » (Gn 1,14) Puis au cinquième jour, les êtres vivants sont insérés dans ce temps. La présentation de la création en sept jours n’est donc pas une simple succession d’instants, mais elle indique le sens de la durée où l’univers se déploie tant dans l’espace que dans l’histoire. Donc si l’homme vit dans le temps, c’est par la volonté et le don de Dieu.
Dans son désir de faire alliance avec les hommes, Dieu n’est pas en dehors du temps, mais il marche avec eux et intervient dans l’histoire. Le croyant découvre que Dieu transcende le temps : « Avant que naissent les montagnes, que tu enfantes la terre et le monde, de toujours à toujours, toi, tu es Dieu… A tes yeux, mille ans sont comme hier, c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit. » (Ps 89,2.4)
Mémoire vive
Les cycles des astres et des saisons permettent de mesurer le temps en mois et en années. Le calendrier fixe les fêtes selon le rythme des moissons et des récoltes comme autant d’occasions de rendre grâce pour les dons de Dieu. Dans l’Ancien Testament, la nature et le temps ne sont pas divinisés, mais sacralisés. Ils donnent aux hommes de faire acte de mémoire : ils ne sont pas un dû, mais un don. Dieu les leur confie comme gérants de la création. Les prières et les fêtes rythment le temps, et donnent aux hommes de sanctifier leur vie, de faire mémoire de l’œuvre de Dieu dans la création comme dans leur histoire.
Retour vers le futur ?
Dieu se révèle dans l’histoire, en particulier dans les événements fondateurs pour son peuple (Exode, retour d’exil,…). L’humanité s’enrichit et progresse en faisant mémoire de ces événements. Car à la différence des cycles de la nature, l’histoire ne se répète pas : elle est orientée par le projet de Dieu qui s’y manifeste, vers son but où Il veut rassembler toute l’humanité. Cette fin du temps est annoncée par les prophètes comme le « Jour du Seigneur de l’Univers » (Is 2,12 ; Am 5,18), une nouvelle création : « Je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle, on ne se souviendra plus du passé. » (Is 65,17). Le Christ inaugure cette nouvelle création.
Jésus habite notre temps
En effet la venue de Jésus met un terme à une période et en ouvre une autre. Il est inséré dans le temps historique, comme le précisent les évangiles pour sa naissance (« au temps du roi Hérode » en Mt 2, 1) ou sa prédication (« l’an 15 du règne de l’empereur Tibère » Lc 3,1). Mais il annonce un autre temps : « Les temps sont accomplis :le règne de Dieu est tout proche. » (Mc 1,15) Cette annonce du royaume est un appel à ne plus vivre le temps de la même façon, et à lire les signes des temps pour en découvrir les traces. (Cf Mt 16, 1-4) Car avec Jésus arrive la « plénitude des temps ». (Ga 4, 4) Pour exprimer ce temps, le Nouveau Testament ne parle plus tant de durée (chronos Jn 7, 33), que de nouveauté qui fait irruption (kairos Jn 7,8). Ce temps nouveau ne fait pas que succéder à l’ancien, il s’accomplit dans un « aujourd’hui » de Dieu. (Cf Lc 4,21 ; 19,5 ; 23,43), une actualité du salut pour chacun de nous.
La vie éternelle a déjà commencé
Le temps de Jésus nous met en tension entre un « déjà là » et un « pas encore » : avec lui les derniers temps sont inaugurés jusqu’à son retour. Le temps s’accomplit, trouve son sens ultime en la personne de Jésus. Nous vivons dans un temps intermédiaire, le temps de l’Eglise qui appartient à notre temps et simultanément au monde futur. Par le baptême, nous sommes déjà entrés dans la fin des temps, puisque nous sommes déjà ressuscités avec le Christ. Avec toute la création qui « attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rm 8,19), nous attendons, en vivant dans notre temps, l’achèvement de l’œuvre du Christ Jésus, lui « l’Alpha et l’Oméga, Celui qui est, qui était et qui vient. » (Ap 1,8)
Consentir au temps
Ainsi la Bible nous dévoile le projet de Dieu créateur et sauveur qui permet de trouver un sens unificateur au temps qui passe. Dans la Bible comme dans notre vie personnelle, le temps ouvre un parcours de rencontres et d’événements. Avec Jésus, le temps devient une dynamique d’accomplissement, qui permet de devenir pleinement soi-même et de vivre le moment présent avec Dieu. Loin de nous replier sur nos souvenirs ou de nous projeter dans un futur incertain, le temps présent est une chance toujours offerte pour grandir en vérité et en liberté, pour vivre pleinement son temps, sans que celui-ci pourtant nous appartienne : « Il y a un temps pour chaque chose sous le ciel : un temps pour donner la vie, et un temps pour mourir » (Eccl. 3,1-2). Comme le Christ, habiter pleinement son temps, c’est aussi consentir à le traverser, sans vouloir le maîtriser … Sainte Thérèse de Lisieux l’exprimait dans son « Chant d’aujourd’hui » :
Ma vie n’est qu’un instant, une heure passagère
Ma vie n’est qu’un seul jour qui m’échappe et qui fuit
Tu le sais, ô mon Dieu ! pour t’aimer sur la terre
Je n’ai rien qu’aujourd’hui ! …
– Sainte Thérèse de Lisieux, Chant d’aujourd’hui