Qui a envie d’être aimé ? … ou passer au Christ ?
Dans le film d’Anne Giafferi « Qui a envie d’être aimé ? », adapté du roman de Thierry Bizot « Catholique anonyme » (Points, Seuil, 2008), la question de fond est simple : est-il possible d’être normalement constitué, de réussir dans la vie et de se sentir attiré par la ‘catéchèse’ de l’Église catholique à laquelle quelqu’un vient de vous inviter ?
Antoine est en réalité en train de vivre une conversion, un véritable retournement vers le Christ. Le scénario nous donne à voir comment son chemin croise des idées reçues sur Dieu et l’Église qu’il lui faut dépasser et comment aussi il portera un regard nouveau sur sa vie de famille, ses relations, son avenir ! Ce film nous questionne aussi sur la nécessité de l’annonce de l’évangile aujourd’hui ?
« Tu étais où ?? ben à la catéchèse ! » Court dialogue des deux époux qui ne se comprennent pas à ce sujet ! Claire, sa femme reste dubitative et imagine qu’Antoine a une maîtresse. Lui n’arrive pas à dire ce qui fait le cœur de son expérience, de sa recherche qui le touche au plus profond de lui-même et transforme imperceptiblement sa manière d’être avec son entourage. N’est-ce pas le lot de tout recommençant ou des catéchumènes qui chaque année par milliers vivent cette réalité des relations quotidiennes bouleversées par la présence nouvelle du Christ dans leur vie. Peu à peu, comme insensiblement, Il transforme le regard sur les relations et les choses de la vie.« J’ai été ému, touché ! » dira Antoine. Il accepte de se laisser déstabiliser et découvre la foi tout en restant quelqu’un d’ordinaire, dans sa vie quotidienne. Lui est en réalité un recommençant. Il a déjà reçu toute une éducation chrétienne dans son enfance, mais elle n’avait pas permis cette «expérience de foi» qui fait « passer au Christ » comme disaient les générations des premiers chrétiens. En effet, il faut cette ratification personnelle et intérieure, cet engagement de la liberté pour que la grâce de Dieu qui travaille les cœurs devienne un événement de salut dans une vie d’homme. Il faut que la liberté de l’homme et la Parole de Dieu se croisent et conjuguent leurs propres dynamismes dans un cheminement éminemment personnel. C’est chemin faisant que l’on découvre qu’Il marche à nos côtés comme le précise le Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France (2006, p. 46 à 51 en présentant les trois premiers points d’appuis de la pédagogie d’initiation) et qui souligne clairement qu’ «aujourd’hui les personnes s’éveillent à la foi à tout âge.» (TNOC p. 74).
« Et qu’est-ce que tu vas faire maintenant ? – Je crois que je vais aller à la messe le dimanche matin ? ». Ces dernières paroles du film, entre Claire et Antoine induisent la perspective de ce cheminement que vivent les recommençants. La liturgie de l’Église, le rassemblement dominical devient alors un lieu ressources: de la foi exprimée, célébrée, reçue et vécue tout autant que de la rencontre de la communauté des croyants, la paroisse, porteuse de la vie de foi, du témoignage multi séculaire de l’Église et de la force de la rencontre sacramentelle avec le Christ. C’est bien de la Tradition vivante et du cheminement de type catéchuménal qu’il est tout simplement question ici (cf. TNOC p. 51 à 55).
« J’ai toujours cru depuis mon enfance que la foi était le fruit d’un laborieux travail cérébral,d’une volonté invétérée de croire, envers et contre tout. C’est pourquoi la foi à mes yeux était réservée aux gens sérieux, pieux ? Maintenant je vois que je me trompais ? C’est donné gratuitement et ça rend heureux.» (Thierry Bizot, Catholique anonyme, p. 204) ? Il faut lâcher le petit tas de certitudes minables auxquelles nous nous accrochons ? elles nous donnent l’illusion d’être forts, mais en réalité nous maintiennent dans un esclavage rassurant.» (ib. p. 205). Dans les dernières pages de son livre autobiographique, Thierry Bizot nous redit avec force et cette conviction qui provient de la conversion vécue dans un tiraillement intérieur combien c’est Dieu qui appelle à Lui, qui donne de le connaître et de l’aimer, par pure grâce. Notre travail est de l’ordre du «consentir», pour ceux qui vivent cette appel à la foi et de l’accompagnement pour les aînés qui vivent déjà de cette foi gracieuse. Toute l’intuition de la pédagogie d’initiation et de l’orientation de la catéchèse que les évêques ont donné aux diocèses de notre pays tient en cette découverte théologique (cf. TNOC p. 24 : «C’est le Christ qui par l’Église, son Corps, veut s’approcher des hommes, les inviter à partager sa vie, les libérer du péché et de toute forme d’enfermement, pour les introduire dans l’intimité de son Père»). Chaque année, le temps du Carême nous rappelle ce mystère de rencontre et de grâce !
Bonne route du Carême, bonne route de la rencontre ?