Le chemin de catéchuménat des adolescents : au « cas par cas »

dessin cheminement KTQ AdosQuelques éléments de réflexion sur le processus catéchuménal et trois points d’attention pour accompagner les adolescents vers les sacrements de l’initiation chrétienne. cette intervention a été donnée dans le cadre de la session Initiation chrétienne des adolescents : propositions pastorales.

J’ai cherché quelques exemples. Je pensais à Héloïse qui jouait de la clarinette et qui, au collège, avait côtoyé d’autres musiciens dans sa classe à horaires aménagés. Ils étaient nombreux à fréquenter l’aumônerie. Elle est venue participer à l’orchestre des jeunes et, maintenant, elle a dix-sept ans et elle a été baptisée à Pâques. J’ai pensé à Théotime en seconde, à Tom en quatrième qui se sont inscrits à l’aumônerie à la rentrée pour préparer leur baptême. Ils sont venus pour ça, parce qu’ils avaient entendu parler de Dieu avec Mamie ou avec tel ou tel ami. Quelque chose germait, ils voulaient en savoir plus. J’ai pensé à Alexandre qui a découvert le Christ par le scoutisme.

Il y a encore quelques années, le baptême d’adolescents était quelque chose d’assez rare. On connaissait le catéchuménat des adultes mais c’est un autre monde que celui des acteurs qui sont engagés auprès des jeunes. Peu à peu, on a vu monter aussi le baptême des enfants d’âge scolaire qu’on connait bien : les parents n’ont pas fait baptiser l’enfant, ils voulaient qu’il puisse choisir mais ils l’inscrivent tout de même au caté (cela ne peut pas faire de mal et cela lui apprendra les valeurs chrétiennes) et finalement ils demandent le baptême. Puis peu à peu, on voit arriver d’autres profils, des adolescents qui viennent à l’aumônerie ou à la pastorale de l’école pour voir, amenés par des copains qui leur ont dit que c’était sympa, qu’il y avait telle ou telle rencontre qui se passait bien. Quelquefois ils ont fait un bout de chemin et ils veulent aller plus loin. Et donc, on est obligé de faire du cas par cas. Evan l’a un peu évoqué : « on s’est adapté à moi ». Ce cas par cas, les acteurs du catéchuménat le connaissent bien. En catéchuménat, c’est toujours du cas par cas, ce sont toujours des situations individuelles. Mais dans les aumôneries, les pastorales scolaires, les mouvements, c’est beaucoup moins le cas. Bien sûr, on se préoccupe de chaque jeune, on est attentif à ce qu’il est mais nos pratiques sont essentiellement collectives.

C’est donc un petit choc culturel entre l’accompagnement catéchuménal individuel et les pratiques d’aumônerie et de pastorale des jeunes et cela pose des questions. Que prendre comme parcours ? Appel décisif, pourquoi ? Quand ? Des rites liturgiques, alors qu’on n’arrive déjà pas à les emmener à la messe ? Quel rituel, celui des adultes ou celui des enfants d’âge scolaire ? Un parcours de deux ans, c’est beaucoup trop long ! Et la première communion ? Des séances de préparation en plus des réunions d’équipe ? Et la confirmation, cela se passe où ? Comment ? Et il y sûrement encore beaucoup d’autres questions que vous portez chacun.

Nous allons travailler toute la journée sur ces questions mais je veux évoquer trois pistes pour mettre en lien ce qui se passe dans la vie des ados et ce qui est en jeu dans l’initiation chrétienne.

Processus d’initiation, processus de croissance

Le terme est un peu à la mode dans l’Église ; le Pape François aime bien parler de processus. Ce terme est particulièrement adapté quand on parle d’initiation. J’imagine que je ne vous apprends rien en disant qu’on ne prépare pas au baptême comme on prépare au bac pour lequel il faut avoir bien assimilé tout le programme, avoir bien tout fait. On entre dans un cheminement qui est propre à chacun, qui va vers une connaissance toujours plus intime du Christ et c’est un chemin qui dure toute la vie. Les sacrements, et notamment, les sacrements de l’initiation vont être des étapes, des étapes décisives mais seulement des étapes. Il me semble qu’il y a une analogie à développer entre ce processus de croissance spirituelle et puis le processus de croissance humaine. A l’adolescence, on grandit plus, il se passe des choses, on se transforme, il y a des premières fois, on évolue. Ce n’est pas un hasard s’il y a tellement de civilisations qui prévoient des rites de passage à cette période de la vie car c’est un moment décisif, avec un avant et un après. Mais ce n’est qu’un moment de la vie sur un parcours de croissance.

Il est intéressant de penser nos propositions catéchuménales pour les adolescents en gardant en tête cette croissance qu’eux vivent aussi à ce moment-là à la fois comme personne humaine et comme enfants de Dieu.

Ritualité

Un autre « flash » que je voulais mettre, c’est sur les questions de ritualité. La vie chrétienne est faite de rites et les rites jalonnent l’initiation chrétienne. Le parcours catéchuménal s’appuie sur des rites, sur de la liturgie. Il y a trois aspects des rites qui me paraissent importants.

D’abord, les rites sont des choses qui sont pour tous ou pour un grand nombre, non pas adaptées pour moi mais la même chose que ce par quoi d’autres sont passés. Les traverser conforme la personne au corps social dans lequel elle entre. Nos ados se revendiquent libres, autonomes et indépendants mais on sait bien qu’il n’y a rien de plus conformiste qu’un ado. Il faut être pareil que ceux du groupe auquel on appartient. C’est compliqué pour nous qui les accompagnons de bien voir à quel groupe ils essaient de se conformer. Pour les ados, se conformer au corps social en passant par un certain nombre de rites, c’est quelque chose qui est important.

Un autre aspect de la ritualité, c’est le fait que beaucoup de rites chrétiens se répètent, de même que beaucoup d’évènements dans la vie des adolescents comme la rentrée des classes, les anniversaires, des gestes du quotidien…Ils en ont besoin de ces rites. Ce sont des points de repère rassurants. Evan parlait de cadre. Ils les adaptent quelquefois à leur propre groupe mais ils ont besoin d’avoir ces cadres-là. C’est quelque chose dans quoi ils peuvent rentrer.

Troisième aspect de cette ritualité : c’est un geste, ce sont des symboles, cela parle au corps, à l’ensemble de la personne. Ce n’est pas un cours, ce n’est pas un texte à lire. Profitons-en ! On leur fait vivre autre chose.

Il ne parait donc pas choquant pour un ado qu’entrer dans la vie chrétienne passe ainsi par des seuils, des étapes à franchir. Ils peuvent entrer là-dedans et à nous d’être attentifs à ce que ces étapes jalonnent effectivement un chemin, de manière cohérente, et puis qu’elles soient introduites, qu’elles soient relues et que la symbolique qui est mise en jeu fasse sens pour eux. C’est tout ce que l’on appelle la mystagogie, la pédagogie que l’on peut faire à partir de ces rites.

Ecclésialité

Troisième piste que je souhaitais aborder : la vie d’équipe, l’ecclésialité ; on n’est pas chrétien tout seul. On n’est pas ado tout seul non plus. Il faut être attentif à cette première expérience d’Église qu’on donne à vivre aux jeunes catéchumènes. Dans le TNOC, on parle de bain ecclésial, abondamment; cette vie d’équipe que l’on peut vivre à la pastorale de l’école, en aumônerie, c’est un bain ecclésial où les jeunes vont expérimenter fraternité, accueil, respect et écoute de chaque personne, ouverture aux autres. Tout cela fait partie de l’initiation chrétienne. Partager un repas qu’on a apporté, faire la vaisselle ensemble, prendre le temps de balayer après, etc., cela fait partie de l’initiation aussi ; il n’y pas que le moment où on a écouté l’enseignement qui est donné ou lu le texte biblique. Cela résonne avec la nécessité pour l’adolescent de se retrouver dans sa bande de copains, de se retrouver entre pairs, de se confronter à ses semblables. Pour ces jeunes, la vie d’équipe, et le chemin catéchuménal qui va suivre, est forcément lié. L’équipe initie le catéchumène mais le catéchumène continue aussi d’initier l’équipe. Il la tire vers le haut. N’hésitons donc pas à mettre l’itinéraire catéchuménal d’un de ses membres au cœur de la vie d’une équipe. Il est inutile de continuer le programme tel qu’on l’avait prévu au départ et de faire autre chose pour préparer au baptême d’un des jeunes. Cela fait partie de la vie de l’équipe complètement.

Voilà les pistes que je voulais explorer. L’accompagnement des ados vers les sacrements d’initiation pourrait devenir un modèle pour tous les lieux que sont les écoles, les aumôneries, les mouvements… L’accompagnement est un des maîtres mots qui sortent dans le cadre de la préparation du synode des évêques sur les jeunes. Les acteurs pastoraux aussi bien que les jeunes eux-mêmes témoignent massivement d’une demande d’accompagnement et aussi, on voit remonter toute la difficulté qu’on peut avoir à y répondre notamment par manque de personnes disponibles et formées et qui ont envie de le faire. J’évoquais en introduction un choc des cultures entre l’accompagnement individuel du catéchuménat et des pratiques plus collectives. Il me semble que l’on va être appelé de plus en plus à faire évoluer ces pratiques vers plus d’accompagnement personnel, aussi pour des jeunes qui vivent dans un monde où chacun se construit à partir de lui-même. Evan l’a bien dit aussi ; il a pris ce que lui ont dit différentes personnes, prêtres et accompagnateurs, amis, etc. Ce n’est pas une adhésion globale en bloc à une communauté. C’est plutôt prendre ici et là et construire sa propre croyance. Cette démarche demande à être accompagnée. Dans les années prochaines, suite au synode, nous aurons plein de choses à faire évoluer dans ce cadre-là. Cette réflexion sur le processus catéchuménal nous en montre bien la voie.

Béatrice Lefèvre, En mission au Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations et particulièrement en charge de l’AEP et de la Pastorale des adolescent. Contribution au travail de Joëlle Eluard pour le document présenté à la session.

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