« Tes péchés sont pardonnés » : le pardon dans les récits évangéliques

Église protestante Saint Matthieu, ancien couvent des franciscains de Colmar (Haut-Rhin). Peintures décorant la balustrade et la tribune : Guérison d'un paralytique, Jean-Baptiste Wulcken (1708-1709).

Église protestante Saint Matthieu, ancien couvent des franciscains de Colmar (Haut-Rhin). Peintures décorant la balustrade et la tribune : Guérison d’un paralytique, Jean-Baptiste Wulcken (1708-1709).

Cet article est paru dans le n°243 d’Initiales : Combien de fois devrais-je pardonner ?

Le thème du pardon domine de nombreux récits évangéliques. Il met notamment en lumière la capacité de Jésus lui-même de remettre les péchés. Mais pardonner les péchés suppose que Jésus possède cette autorité, or seul Dieu peut pardonner, d’où la réaction des scribes et des pharisiens dans le récit de Luc au chapitre 5 versets 15-26.

Un prophète peut bien guérir et faire des miracles, mais le pardon des péchés est caractéristique de l’action de Dieu. Le récit de Lc 5, 15-26 met bien en lumière cette puissance du pardon qui relève l’homme blessé et qui révèle Dieu qui sauve en Jésus. Nous pouvons observer quatre temps dans le récit de saint Luc.

Un enseignement qui attire

15 De plus en plus, on parlait de Jésus. De grandes foules accouraient pour l’entendre et se faire guérir de leurs maladies.
16 Mais lui se retirait dans les endroits déserts, et il priait.
17 Un jour que Jésus enseignait, il y avait dans l’assistance des pharisiens et des docteurs de la Loi, venus de tous les villages de Galilée et de Judée, ainsi que de Jérusalem ; et la puissance du Seigneur était à l’œuvre pour lui faire opérer des guérisons.

Si de grandes foules veulent suivre Jésus, c’est pour l’entendre et se faire guérir. Elles ont entendu parler de lui car d’autres en ont parlé. Il est important de ne pas manquer de parler de Jésus comme celui dont la Parole guérit et libère. Son enseignement n’est pas une série de contraintes, mais une parole de réconfort et d’espérance. Ce besoin d’écoute et de guérison continue de faire courir les foules. Mais elles ne savent parfois vers où se tourner. Mais comment pourraient-elles découvrir les paroles de Jésus si personne ne leur en a parlé ou bien si elles n’ont que les déformations de ceux qui en parlent sans la vivre.

La parole de Jésus trouve sa source dans la prière, dans sa communion intime avec son Père, dans le secret du cœur. Il ne fuit pas la foule et ses attentes, mais il sait trouver les moyens de se ressourcer en profondeur. Sa disponibilité à son Père ne le rend que plus disponible aux foules. Nous retrouvons une association étroite entre l’enseignement et la guérison. Les paroles de Jésus accomplissent des guérisons. Nos paroles aussi peuvent guérir ou réconforter…

La foule et les porteurs

18 Arrivent des gens, portant sur une civière un homme qui était paralysé ; ils cherchaient à le faire entrer pour le placer devant Jésus.
19 Mais, ne voyant pas comment faire à cause de la foule, ils montèrent sur le toit et, en écartant les tuiles, ils le firent descendre avec sa civière en plein milieu devant Jésus.

L’évangéliste attire notre attention sur des gens portant une civière. L’homme paralysé ne peut, par ses propres forces, s’approcher de Jésus, il est dépendant de ceux qui le portent.

Leur but est de parvenir au plus près de Jésus pour lui présenter cet homme paralysé. Sans lui, ils n’auraient peut-être pas déployé autant d’énergie et d’imagination pour s’approcher de Jésus. Car si la route est obstruée, ils vont savoir prendre de la hauteur et ouvrir un chemin nouveau, direct et sans obstacles, pour déposer l’homme paralysé. Ils ne se sont pas laissé décourager par les obstacles, ils ont su trouver des solutions nouvelles. Le service des autres nous rend créatifs et déterminés.

Il existe ainsi de ces chemins directs pour rejoindre Jésus, Sainte Thérèse de Lisieux en a fait l’expérience lorsqu’elle parle de sa « petite voie » faite de confiance sans limite à la manière des enfants et qui nous place au plus près de Jésus.

Le plus facile

20 Voyant leur foi, il dit : « Homme, tes péchés te sont pardonnés. »
21 Les scribes et les pharisiens se mirent à raisonner : « Qui est-il celui-là ? Il dit des blasphèmes ! Qui donc peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? »
22 Mais Jésus, saisissant leurs pensées, leur répondit : « Pourquoi ces pensées dans vos cœurs ?
23 Qu’est-ce qui est le plus facile ? Dire : « Tes péchés te sont pardonnés », ou dire : « Lève-toi et marche » ? »

Surprise ! Ils attendaient une phrase de guérison, et ils entendent une phrase de pardon. Cela correspond-il vraiment au besoin de cet homme à ce moment ? Une guérison physique peut se constater, mais comment voir que les péchés ont bien été pardonnés. D’où la question de Jésus : le plus facile n’est-il pas de faire ce qui se voit ou ce qui touche le cœur.

Mais Jésus peut voir au plus profond du cœur, celui de cet homme paralysé comme dans celui des pharisiens qui récriminent. Jésus connaît vraiment le besoin de celui qui prie et il peut apporter ce que Dieu seul peut donner : le pardon des péchés. Pourtant, cet homme reste paralysé. Le pardon est-il si important à ce moment ? N’oublions pas que Jésus voit le cœur avant l’apparence, la paralysie extérieure pouvait manifester une autre paralysie : plus profonde : la difficulté d’aimer, de pardonner et finalement de vivre pleinement. En annonçant ainsi le pardon des péchés, il se met aussi en danger face aux scribes et aux pharisiens qui vont l’accuser de blasphème.

Le pardon des péchés est une vraie source de guérison et de liberté.

Pardon et guérison

24 Eh bien ! Afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a autorité sur la terre pour pardonner les péchés, – Jésus s’adressa à celui qui était paralysé – je te le dis, lève-toi, prends ta civière et retourne dans ta maison. »
25 À l’instant même, celui-ci se releva devant eux, il prit ce qui lui servait de lit et s’en alla dans sa maison en rendant gloire à Dieu.
26 Tous furent saisis de stupeur et ils rendaient gloire à Dieu. Remplis de crainte, ils disaient : « Nous avons vu des choses extraordinaires aujourd’hui ! »

La guérison physique que permet Jésus se présente comme le signe d’une guérison plus profonde par le pardon des péchés. Aujourd’hui, il peut encore y avoir des guérisons physiques miraculeuses, ainsi, chaque année à Lourdes, des médecins constatent des guérisons qu’ils ne sont pas en mesure d’expliquer. Mais chaque jour, par le pardon des péchés, des hommes et des femmes redécouvrent la joie d’être aimé et de pouvoir à nouveau aimer, le pardon représente une véritable guérison, une libération et un réconfort dans notre relation avec Dieu et avec les autres. Nous pouvons, comme pour cet homme paralysé, nous porter les uns les autres quand nous n’avons plus la force ou le courage de nous approcher du Seigneur et de revenir vers les autres. Le pardon représente aussi un formidable témoignage de la puissance de Dieu à l’œuvre, celui que nous recevons et celui que nous pouvons donner autour de nous. Le pardon est une force de vie qui remet debout.

P. Olivier Lebouteux, Prêtre de la paroisse de Saint-Cloud, Accompagnateur AEP Saint-Cloud (92)

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