« Le mystère par excellence est celui du Christ »
Lors du colloque « L’apport des Pères de L’Église à la proposition de la foi aujourd’hui », Marie-Anne Vanier, rédactrice en chef de la revue Connaissance des Pères de l’Église, est intervenue sur la place et le sens de la mystagogie des Pères de l’Église, le rapport qu’ils établissent entre catéchèse baptismale et catéchèse mystagogique. Elle en dégage ainsi l’enjeu actuel en ouverture de ce colloque. Poursuivant cette réflexion sur la mystagogie, elle répond ici à trois questions.
Qu’est-ce la mystagogie ? Le mystère, les mystères ?
Le terme de mystagogie (mustagwgia[1]) est redécouvert depuis quelque années, il est composé des deux termes grecs : mustes,qui désigne l’initié et qui renvoie aux mystères, et l’infinitif aoriste du verbe grec agein, qui implique l’action de conduire. En d’autres termes, la mystagogie conduit vers les mystères pour les expliquer et donner ainsi d’en vivre. Or, le mystère par excellence est celui du Christ (Rm 16, 25; Col 1, 26-27), exprimé par l’eucharistie[2], qui actualise le mystère pascal. C’est pourquoi, le document Aller au cœur de la foi était centré sur la Vigile pascale: afin d’inviter à partir de là à la mystagogie.
En quoi la mystagogie peut-elle être ressource pour notre responsabilité catéchétique aujourd’hui ?
La mystagogie donne plus de densité à notre catéchèse. Elle lui permet de ne pas en rester à un stade théorique, mais d’aller véritablement au cœur de la foi, de préparer chacun à pénétrer dans le mystère du Christ, afin de vivre de sa vie et d’aimer de son amour.
En quoi les Pères de l’Église nous éclairent-ils aujourd’hui sur cette expérience du mystère ?
Les Pères de l’Église ont été des pionniers: après avoir préparé les nouveaux chrétiens au baptême, ils les aident à en comprendre le sens et à en prendre la mesure, en vivant de l’intérieur les sacrements qu’ils ont reçu, en habitant eux-mêmes la foi qui leur est donnée, en entrant dans la création nouvelle que leur ouvre leur baptême, en devenant eux-mêmes, d’une certaine manière, des «autres Christs». Leur langage n’est plus nécessairement le nôtre, mais la réalité qu’ils visent traverse les âges. Ils expliquent le sens de l’Incarnation: Dieu s’est fait homme pour nous donner d’entrer dans sa vie. Les sacrements y préparent, aussi importe-t-il de les vivre pleinement, comme y invitent les Pères.
Trois questions à Marie-Anne Vannier. Double formation en philosophie et en théologie. Professeur en théologie à l’Université Paul Verlaine, Metz, 2003, après avoir été Maître de conférences à l’Université de Strasbourg de 1990 à 2003. Rédactrice en chef de la revue Connaissance des Pères de L’Église. Directrice de l’Équipe de recherche sur les mystiques rhénans.
—
1. G.W.H. LAMPE, A Patristic Greek Lexikon, 4° éd. remaniée et complétée, Oxford, 1976, p. 890 sq; H. STEPHANUS, Thesaurus Graecae Linguae, Graz, réimpr., 1954, p. 1312 sq.
2. E. MAZZA, «Saint Augustin et la mystagogie», in: A.-M. TRIACCA, A. PISTOIA (éd.), Mystagogie: pensée liturgique d’aujourd’hui et liturgie ancienne, BELS 70, Rome, Ed. Liturgiche, 1993, p. 201.