« Heureux les doux » : une béatitude tout en contraste
Un peu de théologie, L’Oasis n°17 : Heureux les doux
La douceur de Jésus permet aux disciples de comprendre les exigences de l’amour.
On ne perd jamais son temps à lire et relire les béatitudes. Elles demeurent pour les chrétiens la grande charte de vie que Jésus laisse aux disciples qui veulent le suivre. Elles sont d’abord à recevoir comme une contemplation de Celui qui les a vécues à la perfection : Jésus lui-même. Ce préalable est essentiel sous peine de les recevoir simplement comme un code de bonne conduite qu’il faudrait rigoureusement appliquer.
Heureux les doux, ils obtiendront la terre promise
Il n’est pas si facile d’être doux ! La douceur aujourd’hui risque d’être suspectée de faiblesse ou de mollesse. Toutes les béatitudes trouvent leur fondement dans l’Ancien Testament. Cette troisième béatitude se présente comme la reprise quasi littérale d’un verset du psaume 36 (Ps 36, 11) : Les doux posséderont la terre et jouiront d’une abondante paix. Dans l’Ancien Testament on trouve l’idée que le doux s’oppose à l’impie. L’impie, lui s’irrite contre Dieu, le doux reste paisible, il l’attend avec patience. Il ne se laisse pas démonter par l’adversité. Le doux accepte le temps de Dieu et la manière de Dieu. Il n’est donc pas un faible, au contraire c’est un croyant qui a une grande force d’âme. Comprenons que les béatitudes ne sont pas d’abord à recevoir sur le plan de la psychologie, elles désignent une attitude intérieure librement choisie. On peut être colérique et vivre cette troisième béatitude.
Un message exigeant à l’opposé de la faiblesse
Si nous croyons que Jésus a vécu les béatitudes, cette vérité éclate pour celle-ci car Jésus lui-même s’est présenté comme un doux : Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos […] car je suis doux et humble de cœur. (Mt 11, 28-29). Ce verset de l’Évangile est celui qui doit nous guider. En effet, lorsque Jésus prononce ces paroles il est précisément en train d’enseigner, il forme, il initie ses disciples à la loi nouvelle de l’Évangile. C’est bien ce que nous faisons quand, comme catéchistes ou accompagnateurs, nous rencontrons des enfants ou des catéchumènes adultes.
Comment comprendre la douceur de Jésus et ne pas l’assimiler à de la faiblesse ? Jésus se présente lui-même comme doux. Cela n’enlève rien à sa qualité de maître et d’enseignant. Jésus ne nie pas l’exigence du message qu’il annonce. Il sait que la révélation du Père invite à un certain nombre de renoncements et d’efforts. Ainsi, quand il parle de sa révélation, il parle de joug ou de fardeau. Il ne veut pas nous tromper. Mais il adjoint des qualificatifs essentiels : facile et léger. C’est dans la douceur de Jésus que ces adjectifs trouvent leur cohérence. Parce que Jésus aime ceux à qui il s’adresse, son enseignement devient facile, léger. Ce qui, dans un simple rapport maître/enseignant serait insupportable, devient à cause de la personnalité de Jésus un joug facile, un fardeau léger. Quand quelqu’un est compris et aimé, l’enseignement n’écrase plus.
L’exemple de Jésus
Cette douceur de l’enseignant, Jésus la vivra auprès des plus petits. Par sa douceur, il est capable de comprendre les faiblesses des hommes et de se montrer patient à leur égard. Tenant compte de leurs capacités, il cherche leur bien et les invite à se mettre à sa suite. Sa douceur est pleinement ajustée pour intervenir auprès d’êtres souffrants. Elle est compréhension, patience, sympathie, intuition.
La douceur, Jésus la vivra jusque dans le mystère de sa Passion. C’est humblement sur un âne qu’il arrive à Jérusalem. Elle se manifestera aussi dans le fait qu’il demande à Pierre de ne pas employer des moyens violents, même pour une cause bonne : le défendre.
La douceur envers les autres n’est possible que si nous la vivons aussi envers nous-même. La béatitude vient nous interroger : où en suis-je sur le chemin de ma conversion ? La dureté envers les autres est bien souvent le signe d’une intransigeance envers nous-même qui n’est pas chrétienne.
Cette douceur, l’Église l’a reçue comme un véritable appel. C’est l’apôtre Pierre qui au début de sa lettre invite les chrétiens à savoir rendre raison de l’espérance qui est en eux. Il ajoute : Faites-le avec douceur et respect. (1 Pi 3, 16) C’est saint Paul qui dans la Lettre aux Galates donne la liste des dons de l’Esprit Saint. Il y place la douceur.
Une attitude pour le monde d’aujourd’hui
Le temps de l’Église que nous vivons nous invite à la douceur face à nos contemporains. Par bien des aspects l’homme moderne est blessé, il porte des fardeaux qui ne sont pas légers. Si la foi chrétienne lui apparaît d’abord comme une condamnation ou une série d’interdits, il y a de fortes chances qu’il ferme son cœur. La douceur, au sens où Jésus l’a lui-même vécue, est le chemin qu’il nous faut emprunter. Dans son exhortation Gaudete et Exsultate1 (§ 71) le pape François commente les béatitudes . Les catéchistes et les accompagnateurs que nous sommes peuvent vraiment s’en inspirer.
Monseigneur Jacques Habert, Évêque de Séez
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1. Dans ce monde qui depuis le commencement est un lieu d’inimitié, où l’on se dispute partout, où, de tous côtés, il y a de la haine, où constamment nous classons les autres […] c’est le règne de l’orgueil et de la vanité, où chacun croit avoir le droit de s’élever au-dessus des autres. Néanmoins, bien que cela semble impossible, Jésus propose un autre style : la douceur. C’est ce qu’il pratiquait avec ses propres disciples. François, Gaudete et Exsultate n°71
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