Le Notre Père et le Magnificat : mémoire, attente et accomplissement
Cet article est paru pour le troisième dimanche de l’Avent 2017.
Quel rapport existe-t-il entre le Notre Père et le Magnificat ?
Certes, il s’agit de deux prières du Nouveau Testament, entièrement tirées des Évangiles de Matthieu et de Luc en ce qui concerne notre tradition liturgique. Il s’agit de la prière que Jésus enseigne à ses disciples (Mt 6, 9-13) et du Cantique de Marie après l’Annonciation, à l’occasion de sa « visite » à sa cousine Elisabeth (Lc 1, 46-55).
Giotto, La Visitation, part. Padova, Cappella degli Scrovegni (1306)
Nées dans des contextes différents, elles sont devenues deux grandes prières chrétiennes que la Liturgie des Heures associe immédiatement l’une après l’autre, chaque soir aux Vêpres.
Cependant, ces deux textes sont très différents, au moins de prime abord.
La prière de Jésus comporte une série de questions, de requêtes dont on attend la réalisation ou l’accomplissement. Le cantique de la Vierge à partir du présent (« Mon âme exalte le Seigneur») passe décidément au passé dans le texte grec original (Il s’est penché, fit pour moi). Dans le Notre Père, les invocations se concentrent sur le présent, le jour d’aujourd’hui ; dans le Magnificat, le jour d’aujourd’hui est éclairé par un passé, par quelque chose que Dieu a déjà réalisé et peut encore réaliser comme le suggère la traduction française (il disperse, il renverse, il élève, il comble, renvoie, il relève, il se souvient).
Je crois que l’aspect le plus beau de l’entrelacement de ces deux prières est précisément la tension entre le passé, le présent et le futur. Les trois éléments communs aux deux textes rappellent clairement cette tension : le nom (que ton nom soit sanctifié – Saint est son nom), le pain (Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour – Il comble de biens les affamés), le pardon (Pardonne-nous nos offenses – il se souvient de son amour).
Ce que nous demandons chaque jour dans le Notre Père a déjà été réalisé dans la vie de Marie et continue à se réaliser dans notre vie. C’est pour cela que le chrétien prie, demande, invoque, mais pas à la façon d’un désespéré ou d’un naïf. Quand un disciple de Jésus prie il sait que Dieu est déjà en train de réaliser dans sa vie et dans l’histoire ce qui lui est demandé. Prier de concert le Notre Père et le Magnificat fait partie d’un unique acte de foi qui attend certes un accomplissement, mais qui loue continuellement ce qui, grâce à Dieu, a déjà été réalisé et est en train de se réaliser.
Proposition pour la catéchèse et le catéchuménat
1. Observer attentivement l’image de la visitation de Giotto :
Giotto : La Visitation
Assise, église inférieure Saint François, transept nord (1310)
2. Prier lentement, invocation après invocation, le Notre Père.
3. Où puis-je trouver dans ma vie la présence opérante de Dieu ? Qu’est-ce que Dieu a déjà réalisé dans ma vie ? Que réalise-t-il encore ?
4. Prier (ou chanter) le Magnificat comme hymne de louange et gratitude.
Cantique de Marie (Lc 1)
47 Mon âme exalte le Seigneur,
exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
48 Il s’est penché sur son humble servante ;
désormais, tous les âges me diront bienheureuse.
49 Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
Saint est son nom !
50 Son amour s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent;
51 Déployant la force de son bras,
il disperse les superbes.
52 Il renverse les puissants de leurs trônes,
il élève les humbles.
53 Il comble de biens les affamés,
renvoie les riches les mains vides.
54 Il relève Israël, son serviteur,
il se souvient de son amour,
55 de la promesse faite à nos pères,
en faveur d’Abraham et de sa race, à jamais.