Une lecture du livre de l’Exode pour la dynamique de conversion
Ces notes on été prises le 28 juin 2017 à partir de l’intervention de Béatrice Oiry, Bibliste de l’Université catholique d’Angers, sur le lien entre catéchèse et liturgie dans l’Écriture. Nous en sommes héritiers et parcourir ce chemin liturgique et biblique nous introduit dans une dynamique de conversion.
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Les textes les plus caractéristiques de la conversion sont les textes les plus importants du livre de l’Exode. Place de la liturgie, creuset d’une expérience fondamentale permettant aux hommes de se tourner vers Dieu. Cela demeure pour tout chrétien un chemin d’initiation.
Importance des médiations mises en jeu dans ce passage entre liturgie, mystagogie, conversion.
Des expériences originales sont proposées au peuple, d’autres à Moïse.
1. Le Buisson ardent
3,7-10 : Dieu révèle son projet à Moïse et la première réaction est une question qui porte sur son identité : 11 « Qui suis-je pour aller vers Pharaon …. » – « Je suis avec toi et voici le signe … : vous servirez Dieu sur cette montagne !».
Dieu répond par une double manière : un signe et une promesse expression de l’identité divine, « Je suis/serai avec toi ». Vas-tu t’appuyer sur moi ?
Cette promesse est une anticipation de la révélation du Nom qui vient aussitôt après. « Je suis qui je suis ». Faite de 2 verbes et d’un pronom relatif. Ce verbe être est à l’inaccompli, le temps qui dit un processus. Le verbe « être » en hébreu n’est jamais utilisé pour dire un état. Il dit une action et signifie : survenir, advenir. Une émergence. Ce nom dit quelque chose pour le futur, pour l’histoire. Un nom qui se révélera dans le temps. Par sa forme tautologique, il garde le mystère …
On est déconcerté, mais dès le chapitre 3, le texte donne le mode d’emploi du Nom. Ce nom va se décliner. Quand Dieu va s’identifier, il garde la première partie du Nom « Je serai » c’est à dire « j’adviendrai ». Suivi d’un événement : « avec toi ». La deuxième partie du Nom : « qui je serai » devient « avec toi ». « Je suis m’a envoyé vers vous ». Le « qui je serai » est « m’a envoyé vers vous ». Dieu survient, se donne dans l’événement et par là révèle son Nom. C’est un Nom qui se décline dans l’histoire, pour le long cours du temps. Il implique un discernement. Dieu est toujours fidèle, toujours offert à nouveau dans ce qui survient. Moïse est appelé à y fonder sa foi.
Voici « le signe » que c’est moi qui t’ai envoyé : vous servirez Dieu sur la montagne. Le signe c’est le peuple rassemblé sur la montagne. Grand paradoxe : le signe s’accomplira dans le futur, c’est même le terme de sa mission. Le signe que Moïse demande pour sa mission n’arrive en fait qu’au terme. Constituer le peuple en assemblée liturgique est le terme, le but du livre de l’Exode.
Le mot servir est beaucoup utilisé dans le livre de l’Exode mais son sens évolue au fil du livre.
La racine hébraïque ABAD signifie être esclave au début du livre de l’Exode. C’est le verbe utilisé aussi pour le travail de 6 jours, opposé au repos du Shabbat. Puis il signifie servir Dieu à la fin du livre (cf. livre de G. AUZOU « De la servitude au service »).
Le signe donné à Moïse est comme dans l’épisode du buisson ardent : un Dieu qui libère et dont le nom mystérieux se donne dans l’histoire.
Cela ouvre à la temporalité : Moïse va devoir initier, former son peuple à entrer dans une eschatologie. L’espérance se fonde sur ce qui est déjà donné. De plus, il est fondamental que celui qui initie à la foi vive déjà de l’expérience du salut lui-même.
2. La sortie d’Égypte
Moïse doit convaincre son peuple et convaincre Pharaon. On retrouve tout ce monde lors de la nuit pascale : une nuit d’urgence. On mange, sandales au pied, des pains qui n’ont pas eu le temps de lever. Il y a urgence de mettre du sang sur les portes pour protéger sa maisonnée car les premiers-nés des ennemis sont sur le point d’être tués. Et l’on pourrait ainsi rester dans l’urgence de la narration. Dans le texte, il n’en est rien. L’événement raconté est cassé dans son urgence pour laisser place au temps de la liturgie, pour se laisser construire en rite liturgique (longs développements sur le mémorial liturgique).
Exercice : Distinguer dans le texte ce qui est événementiel et liturgique.
v 13 : Je verrai le sang… Cette phrase est mise en valeur par la double expression « C’est la Pâque du Seigneur » et « Je suis le Seigneur » qui entourent le passage, double expression du Nom divin.
Ce qui est anticipé ici : en racontant l’événement, on le construit liturgiquement. Cela manifeste que ce qui se vit dans l’événement se joue beaucoup plus que ce qui en est perçu. L’acte libératoire est déjà le don de tout l’avenir du peuple et de sa vie dans la terre. Le mémorial montre que beaucoup est donné dans l’événement. L’acte de mémoire renvoie à l’événement fondateur et soutient son espérance.
Le récit de Pâques est le premier rituel conséquent donné à Israël. On le voit en train de venir à l’existence, de se faire. Ce peuple est exemplaire aussi par le fait qu’il a toujours à voir avec la vie et la mort… La liturgie est un acte grave qui rejoint la vie dans ses drames, son tragique. Elle permet que la mort soit symbolisée, représentée, dans un face à face. Et dans cette reprise rituelle de la mort, la vie est célébrée. La liturgie a une face lumineuse et une face sombre : elle a à voir avec nos morts.
v 41-42 : Cette nuit-là … : autre trait fondamental de la liturgie : trois temps (nuit de veille pour le Seigneur ; nuit pour les fils d’Israël ; …). La nuit appartient au Seigneur.
La liturgie est une réponse de veille à celui qui veille. La veille liturgique est accueil, reconnaissance et action de grâce. Mais il y a un autre sens : Israël quand il veille – parce que le Seigneur a veillé sur elle – doit veiller de manière responsable sur le don qui lui a été fait. Le peuple ne répond pas par la foi aux consignes rituelles, il accomplit simplement. La réponse arrive après le passage de la mer.
Ex 14-15
Intérêt : marque l’accès d’Israël à une confession de foi suite à un épisode de libération. Au milieu du récit, le peuple a peur de la mort. Enjeu de vie et de mort. La réponse de Moïse : « C’est le Seigneur (Tétragramme (issu du « Je serai qui je serai »)) qui se battra pour vous ». Moïse fait faire au peuple le passage qu’il a fait lui-même au buisson.
v 31 : « Le peuple craignit le Seigneur et mit sa foi en lui ». C’est la première mention d’un acte de foi du peuple dans le Seigneur avec une foi déterminée et qui se proclame liturgiquement. Cette foi sera de courte durée car Pharaon va durcir l’esclavage.
Ex 3 : liturgie de communion
Ex 12 : mémoire d’un événement de salut
Ex 15 : louange à l’occasion du salut : Te Deum… : le chant en révèle la portée théologique.
Ce moment liturgique où s’élabore théologiquement ce qui vient d’être vécu a une portée théologique. Le chant commence par une exaltation du Nom divin. L’événement du passage de la mer est à peine mentionné (étonnant !). Le salut vécu, reconnu révèle le Nom. Plus on avance dans le texte, plus on détaille, plus on y revient. Retour à la mer. À partir du v 7, cela relance l’événement que l’on raconte de manière plus détaillée encore. Et on revient au Nom divin…
Tu étendis ta droite, la terre les avale. Tu les guidas vers ta sainte demeure…. L’objet du récit ici n’est autre que la traversée du désert à venir… mais racontée au passé, comme déjà vécue. Toute l’histoire est déjà donnée et accomplie. Dieu est un Dieu fidèle dans son salut. Le peuple est pris de prescience, de perception supra-historique. Le texte continue : tu les plantes sur la montagne son patrimoine. L’horizon est Jérusalem, déjà célébrée comme ayant été préparée par Dieu.
Ex 15 : On arrive à quelque chose d’important : on se met à chanter ; À chaque fois qu’on fait mémoire, c’est toute l’histoire de Dieu avec son peuple qui est reprise dans le passé douloureux, le présent de libération et l’avenir. Le poème est supra historique. Anne, Marie, Abraham sont des personnages qui vont se mettre à chanter.
Au pied du Sinaï : là où Moïse gardait ses moutons : le récit est construit de manière ferme entre Ex 19 et 24 (cf. plan de l’Ex). Préparation, don de la loi, relecture.
La libération de la mer n’a pas en elle-même sa propre fin. Le peuple est libéré pour entrer dans une alliance. C’est ce que rend possible la sortie d’Égypte. Le troisième mois, aujourd’hui même (!). La Bible de Jérusalem traduit d’après la Septante : « ce jour-là ». Cet aujourd’hui est significatif de ce que représente l’Alliance. Dans la Prière Eucharistique de Noël ou de Pâques on dit « C’est à dire aujourd’hui ». La célébration rend le lecteur contemporain de l’événement passé. Cet aujourd’hui est rituel, mais il est aussi aujourd’hui éthique. Ce matin, en 2017, nous sommes contemporains du peuple d’Israël.
Le rituel de préparation tourne autour de la notion de sainteté. Notion rituelle dans l’Ancien Testament pour Dieu qui demande à Moïse de faire un détour. Explication : Dieu est considéré comme le Vivant. D’une certaine manière, c’est comme s’il était une Livebox qui émet des ondes de sainteté. Un homme qui perd du sang ou du sperme perd du liquide de vie. Il doit être restitué dans la plénitude de la vie pour revenir à un Dieu qui est vie. On n’est pas dans l’ordre moral, mais dans la sainteté rituelle, c’est à dire une puissance sacrée qui peut être dangereuse. Autre exemple : autour du sanctuaire, il y a une organisation en dégradé, allant du saint vers le moins saint. Du Saint des saints, lieu le plus sacré, au lieu des prêtres, puis des israélites, puis des femmes et des étrangers. Les rites de sainteté sont de plus en plus stricts pour s’approcher du Saint. Il y a des limites, des séparations. C’est ce qui se passe en Ex 19 : on a tracé une ligne autour de la montagne. Il ne faudra pas approcher. Le peuple doit se sanctifier pour y accéder. C’est important en liturgie. On en a moins conscience aujourd’hui. La liturgie a à voir avec du sacré puissant, chez les catholiques : nef, chœur, tabernacle…
La séparation figure la différence entre Dieu et Israël. Pourtant, l’appel à être saint comme Dieu demeure. « Si vous gardez mon alliance… vous serez une nation sainte ». La sainteté d’Israël est une sainteté de réponse. La dimension éthique de la sainteté apparaît seulement à partir d’ici. Donc le Dieu de l’Alliance est un Dieu qui échappe, qui reste transcendant. C’est une Bonne Nouvelle qui nous sauve de l’idolâtrie. Plus Dieu est grand, autre, plus on soulignera le rôle et l’expérience du médiateur.
À réfléchir : quelle place donne-t-on à la transcendance de Dieu, à son altérité, dans la catéchèse, la formation ? Connaître un Dieu transcendant, c’est se donner la chance de traverser beaucoup de crises spirituelles. Un Dieu trop petit ne sauve pas dans les crises.
La Loi est fondée sur un Dieu transcendant. L’éthique doit être fondée sur un Dieu transcendant. Elle permet d’éviter le formalisme. La loi n’a pas sa fin en elle-même.
La conclusion d’alliance : Ex 24
2 éléments importants :
– Le texte introduit le livre, l’écrit. La matérialisation de la Parole est importante.
– Le sang : aspergé sur l’autel et le peuple. Le rituel de l’alliance est fondé sur un partage de la vie divine, par le sang.
Sang de l’alliance n’est présent que dans l’Exode avant de se retrouver dans le Nouveau Testament.
3. La rupture d’Alliance et le retour
La rupture d’Alliance et le veau d’or, et le renouvellement.
Le peuple est prêt en Ex 24 à devenir peuple liturgique. On édicte la construction du Temple. Au centre, le récit du veau d’or, la tentation idolâtrique. Le médiateur va être face au peuple la figure de la colère de Dieu ; et face à Dieu, l’imploration du peuple pour la miséricorde.
6-7 : articulation de la justice et de la miséricorde. Dieu révèle à nouveau son nom en mentionnant la justice, cette fois. Cela est destiné au peuple, là où il en est : avec une exigence de justice.
4. La Dédicace de la Demeure
Dernier chapitre : La dédicace de la demeure
Moïse et le peuple construisent la tente. Fin du ch 39, 42-43 : se conformant … Moïse voit toute l’œuvre faite et les bénit. Cela rappelle la Gn et la Création. Gn 1-2, la fin de la création et le shabbat. La construction du sanctuaire est l’acte final de la Création. L’érection du sanctuaire est l’achèvement de l’œuvre créatrice avec un peuple libre. Il y a une dimension cosmique de la liturgie : la maison de Dieu, au sein de la maison cosmos qu’il a créée.
cf. Gn 2,2-3 : Dieu bénit le 7e jour…
La réalisation du signe promis à Moïse au tout début, est un accomplissement de la Création. La nuée vient sur la tente. Une fois le peuple réalisé, avec les médiations etc. la transcendance de Dieu va pouvoir venir sur le peuple. Le Dieu qui accompagne sera le Dieu transcendant. Accomplissement …