Conversion : nous inspirer de l’accueil des Pères de l’Église
La question de la conversion est présente au cœur de la vie de chaque chrétien, de chaque communauté et de tous ceux qui viennent rejoindre nos communautés. Lors des rencontres d’été 2015 du SNCC, du 30 juin au 2 juillet 2015 à Paris, le frère Isaïa Gazzola, moine de l’abbaye de Lerins et enseignant au Theologicum de Paris, nous a fait bénéficier de sa grande connaissance des Pères de l’Église.
Que nous disent les Pères de l’Église de la conversion ?
Ce qui caractérise la conversion pour les Pères de l’Église, c’est qu’il s’agit plus d’une manière de vivre, que d’une notion. Ils insistent sur l’aspect concret de la conversion. Changer de manière de vivre, changer de métier, de façon très pratique, très vivante, quasi éthique, est important ! Ils évoquent un retournement de vie, qui implique aussi une dimension sociale, et qui n’est pas réductible à une question morale.
Il faut rappeler aussi que le christianisme est né dans une culture où la conversion était associée à la quête philosophique de l’ascèse, comme un moyen de s’élever, de vivre de se conformer à la philosophie.
La conversion est donc de l’ordre d’une voie à suivre. Une dynamique, un processus, avec des étapes. Le christianisme définit cette adhésion à la foi chrétienne par ce terme de « voie ». Tout appel invite à prendre une voie qui se présentera comme nouvelle.
En quoi l’enseignement des Pères de l’Église est-il pertinent et actuel ?
Les manières de vivre ont évidemment changé depuis l’époque de l’Antiquité, et si les Pères de l’Église vivaient aujourd’hui, ils changeraient le contenu de leur enseignement. Mais leur dynamique et l’aspect radical de leurs textes seraient les mêmes. On ne peut pas vivre une dichotomie entre la foi que l’on reçoit et celle que l’on vit.
Nous touchons là à la Tradition, car l’Esprit ne modifie pas les structures, mais les anime.
L’enseignement des Pères de l’Église nous interpelle dans sa fraîcheur évangélique, peut-être moins dans une exigence structurelle, que dans le fait de raviver en soi une exigence évangélique. Par eux, nous arrive l’eau de l’Évangile. Nous avons à l’entendre de leur enseignement.
Pour le philosophe et martyr Justin, la recherche de vérité est la même entre christianisme et philosophie. Ce qu’il a vécu, c’est en premier lieu une expérience existentielle provoquée par la Parole, celle entendue des prophètes et amis du Christ (les martyrs). Puis il perçoit un modèle à suivre. Cet exemple d’un autre interagit sur sa propre existence, et a, enfin, des conséquences sur son quotidien, dans ce qu’il entreprend. Selon Justin, on ne peut pas se convertir tant qu’on n’est pas capable de vivre soi de cette conversion, de s’y conformer … C’est sur cette voie que se structure la foi.
Pouvez-vous nous éclairer sur cette citation de Justin, dans Apologie pour les chrétiens …?
… Tous ceux qui se laissent convaincre et croient en la vérité de nos enseignements et de notre doctrine, et qui assurent être capables d’un conformer leur vie, sont instruits à prier et à demander à Dieu dans le jeûne la rémission de leurs péchés antérieurs, et nous-mêmes nous prions et jeûnons avec eux.
– Justin, Apologie pour les chrétiens (IIe siècle)1
Le point de départ est bien : « tous ceux qui se laissent convaincre et croient à la vérité… ». Il ne suffit pas de croire, mais aussi de conformer sa vie. En résumé, il s’agit d’aimer Dieu et d’aimer son prochain.
Puis, dans un second temps, « instruits par la prière » : ils auront à apprendre. Le christianisme est une manière d’être. C’est le choix de vie que les premiers chrétiens ont fait qui les a rendus si particuliers. Le christianisme est un savoir vivre, un savoir être, pour faire face aux situations domestiques et sociales.
—
[1] §I, 61, 1-2, introd., texte critique, trad. et notes par Ch. Munier, paris, Ed. du Cerf, 2006, coll. « Sources chrétiennes », 507, p.228-293 ; 302-307.