Le cœur dans la Bible, lieu de rencontre avec Dieu
Que dit la Bible ? L’Oasis n°24 : Contempl’actif
Évoquer la vie spirituelle c’est souvent parler du cœur, lieu de la rencontre et de l’expérience avec Dieu. Dans la Bible, l’intériorité est évoquée à partir de l’image du cœur.
Par où commencer pour parler du cœur dans le texte biblique ?
Sans hésiter, par le plus concret ! D’abord il faut souligner que le terme est très présent dans le texte biblique. Le mot lev ou levav y est extrêmement fréquent. On le trouve huit cent cinquante-huit fois dans le Premier Testament. Hormis cinq occurrences, il est toujours employé pour décrire la personne humaine.
Mais comprendre ce que signifie le cœur nécessite de le resituer dans le contexte des connaissances de l’époque. Que savaient les rédacteurs de la Bible de l’organe physique qui se loge au sein de notre poitrine ?
L’exemple de Nabal en 1 Samuel 25, 37 laisse penser que de forts écarts existent entre leur connaissance et la nôtre. On peut ainsi lire : « Le lendemain matin, après que Nabal eut cuvé son vin, sa femme l’informa de ce qui s’était passé. Alors le cœur de Nabal défaillit dans sa poitrine, et lui-même fut comme pétrifié. » Sachant que Naval survivra encore dix jours à cet « arrêt cardiaque », cette description nous laisse songeur.
Le lieu de l’intimité et de la rencontre avec Dieu
L’Hébreu sait que le cœur se situe dans le corps, dans la poitrine et que l’organe est soumis à des variations en période de stress ou d’efforts excessifs. « Mon cœur en moi s’est brisé, tous mes os frémissent. » (Jr 23, 9)
L’important semble être que symboliquement le cœur est au centre. Comme pour les entrailles et les reins, la symbolique biblique donne une grande place à ce qui est au plus intérieur de la personne, ou dit autrement, en son cœur. L’organe représente alors un des lieux les plus intimes de la personne auquel seul Dieu a accès. « Dieu ne l’eût-il pas découvert, lui qui connaît le fond des cœurs ? » (Ps 43, 22)
Dieu connaît les cœurs et il parle au cœur des personnes.
C’est également cette centralité et cette intériorité du cœur qui en fait le siège de ce qui est essentiel pour la personne. Ainsi, le Décalogue utilise à bon escient la demande suivante, « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur. » (Dt 6, 5-6) C’est en cela que le cœur est convoqué dans la Bible comme le lieu d’une réalité psychologique et spirituelle.
Le lieu du désir et des émotions
Étant au plus près du centre de la personne, le cœur est ainsi le lieu du désir, de ce que l’on souhaite ou de ce que l’on craint. S’il est bien connu que « le vin réjouit le cœur de l’homme » (Ps 103, 15), le cœur est d’abord et surtout activé par les émotions qui traversent la personne. Le cœur peut ainsi être en joie ou abattu, être faible (Is 7, 4), se liquéfier (Dt 20, 8) ou s ’écouler comme de l’eau (Jos 7, 5). Le cœur est donc un organe volatile, soumis aux interactions avec ce qui l’entoure. Or, les émotions sont des bons indicateurs du désir. La personne peut désirer réaliser un projet ou une action. Si elle a le courage pour le faire, elle a alors du cœur. « Tu as répondu au désir de son cœur, tu n’as pas rejeté le souhait de ses lèvres. » (Ps 20, 3)
Le lieu de la vérité
Pour autant, le cœur n’est pas seulement le siège des émotions et du désir. Il est également le témoin et le signe de l’intégrité de la personne, de ce qu’elle veut, ce qu’elle cherche, ce qu’elle espère, en un mot de qui elle est. L’intégrité du cœur est ainsi recherchée par le juste. « J’ai fait cela, le cœur intègre et les mains innocentes. » (Gn 20, 5) Un cœur unifié garantit que Dieu sera à la bonne place dans la vie de la personne, comme un cœur loyal garantira que la personne ne soit pas dans la duplicité ou la division. Par contre, Dieu développe une attention particulière aux cœurs brisés, brisés par la vie, la souffrance, l’injustice. « L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé[…] » (Is 61, 1) Le cœur est donc un organe qui semble en première ligne dans nos relations. C’est lui qui témoigne de l’intention de la personne, c’est également lui qui en subit le premier les conséquences en cas de tensions.
Le lieu de la relation
Cette dimension relationnelle explique que la Bible recommande que le cœur soit circoncis et fustige ceux dont le cœur ne l’est pas. « Soyez circoncis pour le Seigneur, enlevez le prépuce de votre cœur » (Jr 4, 4). Si dans la Bible les organes relationnels doivent être circoncis (sexe, oreille, bouche, cœur,…) c’est que l’opération crée le vide et le manque nécessaire pour rentrer en contact avec l’autre. Le cœur est donc un organe sensible, propre à la personne qui en a la responsabilité.
Quand le cœur du méchant insiste à faire le mal alors la Bible raconte que Dieu peut « endurcir » son cœur, comme il le fait avec Pharaon au moment de la sortie d’Égypte. L’expression témoigne qu’une cohérence doit être à l’œuvre dans la vie de chacun.
C’est là tout l’enseignement du Christ dans les Béatitudes ou quand il enseigne « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. » (Mt 6, 21)
Marie-Laure Durand, Bibliste,
Institut de Sciences et Théologie des Religions (ISTR) de Marseille
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