Vous avez dit eschatologie ?

Giotto, Le Jugement dernier, 1306.

Que dit la Bible ? L’Oasis n°21 : Et après ?

L’eschatologie n’est pas qu’un beau discours théologique de grands savants sur la fin des temps, mais concerne déjà notre vie de baptisé au quotidien.

Le mot eschatologie a été forgé récemment dans l’histoire, mais ce que cela traduit (les paroles à propos des fins dernières), ce n’est pas nouveau ! Toute la correspondance épistolaire des apôtres et tous les évangiles en sont imprégnés. Chacun des écrits du Nouveau Testament le traduit à sa manière, aucun n’en fait l’économie ! Prenons l’exemple de l’évangile de Matthieu, où le cinquième et dernier discours (Mt 24-25), sans doute le plus abrupt et le plus difficile à comprendre, porte sur « les fins dernières ». Parcourons‑le.

Le passage du « quand ? » au « comment ? »

Jésus commence son enseignement en invitant ses disciples à contempler le Temple de Jérusalem dont il annonce la destruction. Bien sûr, la question « quand ? » : connaître le moment pour sans doute avoir le loisir de se préparer, c’est un raisonnement humain. Reconnaissons‑le, il est difficile de se préparer à un évènement lorsque l’on n’a pas d’échéance car la motivation manque. À son habitude, Jésus étonne et déroute : il ne répond pas à la question en leur offrant une date, mais il reprend l’interrogation sous l’angle du « comment ? » et leur donne ainsi des éléments pour vivre ce temps d’attente.

Une vigilance continue

Telle est la difficulté majeure de l’exigence chrétienne : une vigilance constante. Comment vivre sa foi dans la durée ? Pour celui qui souhaite le suivre (devenir « disciple »), Jésus exhorte à ne pas perdre le cap. Des circonstances et des évènements tragiques surviendront, mais il ne faut pas perdre la foi en celui qui est Vie. À y regarder de plus près, Jésus énonce des maux qui sont récurrents dans l’histoire : catastrophes, guerres, etc. Oui, quand tout cela cessera, ce sera la fin. Alors, la fin du monde est-elle pour demain ? Chaque génération se pose cette question. Oui les générations passent, mais l’Évangile, le témoignage de la résurrection demeure. Et c’est la force du témoignage pascal qui unit les générations. Revenons aux conseils de Jésus : il invite ses auditeurs, puis plus tard les communautés chrétiennes, à vivre un authentique présent. Il les appelle à ne pas s’installer dans un apparent confort au point d’oublier la condition du disciple.

Quatre éclairages, quatre indices

Pour saisir davantage l’esprit dans lequel nous sommes appelés à vivre ce temps d’attente, Jésus offre quatre éclairages révélant chacun un indice, tout en mettant en tension le « quand ? » avec le « comment ? ». Il y a d’abord cette vieille histoire que l’on connaît bien : celle de Noé (Mt 24, 36-44) où les hommes vivaient pour soi, dans la consommation de plaisirs. Jésus reprend cette image pour dire la brutalité du « jour » à venir. C’est une invitation à rester connectés à l’essentiel !

Puis, Jésus enchaîne avec l’histoire d’un serviteur que son maître a établi gérant des biens et du reste de son personnel en son absence (Mt 24, 45-51). Heureux est-il de ne pas s’être détourné de sa mission au moment du retour soudain du maître. C’est une invitation à vivre chaque jour son ministère de baptisé !

Sans transition, Jésus poursuit avec l’histoire d’une dizaine de jeunes filles qui attendent l’époux sans connaître l’heure du rendez-vous (Mt 25, 1-13). Il est certain que l’époux viendra, mais quand ? Certaines se sont préparées pour ne pas manquer cette rencontre, même si elle se fait attendre, d’autres non. C’est une invitation à se préparer continuellement pour la fête de la rencontre !

Enfin, Jésus termine avec l’histoire d’un homme qui part en voyage pour une durée indéterminée en confiant ses biens à tous ses serviteurs « en fonction des capacités de chacun » (Mt 25, 14-30). L’un d’eux a fait preuve de paresse, ne travaillant pas à la fructification de ce qui lui avait été confié. C’est une invitation à s’engager dans un travail fécond pour le Royaume dès à présent !

Une vigilance tournée vers le prochain

La vigilance à laquelle appelle Jésus n’est pas autocentrée, mais orientée vers celui qui va croiser ma route. L’affamé, l’assoiffé, l’étranger, le pauvre, le prisonnier sont des visages de Jésus. Rencontrer Jésus dans nos frères et sœurs en humanité : voici une illustration de l’eschatologie ; le voir et le rencontrer déjà au quotidien, tout en vivant dans l’espérance du face-à-face à venir. Espérer, c’est ainsi vivre cette attente de la rencontre en la commençant dès à présent ! C’est précisément là que se noue la fameuse triade : foi, espérance et charité.

Ainsi, la foi chrétienne est constitutivement eschatologique, car l’eschatologie commence à la résurrection du Christ. « Vivre eschatologiquement », c’est vivre dans la dynamique du Christ. Pour le chrétien, le présent n’est pas déconnecté de l’avenir, car nous vivons déjà de la grâce. L’Église est une communauté de l’attente, non pas anxieuse, mais confiante et joyeuse.

L’espérance chrétienne n’est pas un « peut-être » du lendemain, mais une certitude du « jour du Seigneur » !

Elodie VERDUN-SOMMERHALTER, bibliste, diocèse de Strasbourg

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