Créer, accompagner des équipes de recommençants dans un diocèse

Qui sont les adultes « recommençants », comment les accompagner en Église diocésaine… Brigitte raconte son expérience de création et accompagnement d’équipes de recommençants dans la foi dans le diocèse d’Orléans. Elle nous en dit un peu plus sur le succès de que rencontre cette pastorale d’un genre nouveau auprès des chrétiens qui se sont éloignés de l’Église et qui font le choix de renouer avec la foi de leur baptême.

Au temps de la retraite, j’ai eu connaissance de la Pastorale des Recommençants dont j’ignorais tout jusqu’à la dénomination. Cette perspective trouvait un écho dans ma vie, en lien avec mes engagements ecclésiaux, mais aussi avec mon expérience professionnelle. En effet, j’avais repéré que pour des personnes leur vie n’avait parfois plus de sens et qu’ « avoir la foi l’aurait aidé(e) à vivre » : entendre cette réflexion m’avait touchée. Par ailleurs, j’avais expérimenté l’accompagnement d’adultes en recherche de projet personnel. Le potentiel de formation théologique et pastorale acquis tout au long de ma vie me confortait pour m’engager dans une telle aventure. Je savais aussi où trouver des « ressources » en cas de besoin et cela s’est révélé utile.

Après avoir lu le livre d’Henri Bourgeois*, qui m’avait interpellée, j’ai décidé d’expérimenter cette pastorale d’un genre nouveau. En première étape, j’ai choisi d’explorer ce qui existait dans mon diocèse. En parallèle, j’ai pris des contacts avec d’autres diocèses où j’avais découvert que cette pastorale était vivante. La diversité des approches a été très instructive.

J’ai rencontré mon curé pour lui présenter les enjeux et celui-ci m’a donné carte blanche. Je connaissais bien les acteurs pastoraux de ma paroisse, aussi je leur ai parlé de ce projet. J’ai contacté notamment les catéchistes car je pressentais que nombre de parents étaient des « recommençants potentiels ». Des petits tracts « maison » permettaient de laisser des traces lors des présentations orales.

Aider à « reprendre pied dans la foi »

J’avais pu discerner la différence avec les catéchumènes, en phase de découverte. Les recommençants, eux, ne se sentaient plus à leur place dans l’Église ni dans les communautés paroissiales, avec un sentiment négatif. En même temps, ils avaient envie de revenir, mais n’osaient pas croire que ce fut encore possible. Existerait-il quelque chose pour « m’aider à reprendre pied dans la foi » ? Un critère de base est le désarroi exprimé par ces personnes. Cela signifie aussi que des pratiquants (pas forcément engagés) ne sont pas à proprement parler des recommençants. Pour bien cibler, nous avons rencontré personnellement chaque recommençant potentiel.

La première « équipe » fut composée de deux personnes, puis peu à peu s’est étoffée. J’ai perçu qu’il ne fallait pas faire attendre les « candidats ». Très vite, j’ai associé une catéchiste intéressée par le projet. Porter un projet de cette ampleur justifie de ne pas être seul ; de plus cela permet aux recommençants de percevoir que l’Église n’est pas monolithique et c’est très rassurant dans leur démarche.

Une équipe de recommençants doit être un lieu où règne la confiance, la liberté de parole, la bienveillance totale, le non-jugement. Toutes choses qui demandent un cercle limité pour que ce soit possible ou au moins facilité.

Le mot le plus souvent entendu en début de parcours de recommencement est celui de « j’ai honte ». Face à notre étonnement, la réponse s’exprime ainsi : « j’étais dans l’Eglise, et j’en suis partie ; j’ai envie d’y revenir, je me sens jugée et j’ai honte ». Une petite équipe apprend à se connaître, devient fraternelle et le partage libre des questionnements crée des liens de confiance indispensables. C’est pourquoi des équipes de 3 à 8 personnes sont favorables.

Des accompagnatrices (et quelques accompagnateurs) se sont joints au fil du temps et des besoins pour accompagner de nouvelles équipes. Il est bien évident que le bouche à oreille est le meilleur moyen de motiver d’autres chrétiens dans ce formidable défi ! Cette pastorale des recommençants peut provoquer des synergies entre les chrétiens d’un territoire et cela est très évangélique. Les recommençants sont venus par des chemins très divers : par des contacts personnels, suite à des présentations lors des rencontres des parents du caté, mais aussi par une paroissienne distribuant les journaux paroissiaux, par exemple. Je citerai la pertinence des assistantes pastorales accueillant les demandes les plus diverses (notamment l’inscription au caté, les demandes de sacrements, etc..) Leur attention aux attentes des personnes – même non formulées explicitement – s’est révélée très efficace. Combien de fois ont-elles entendu quelqu’un leur dire qu’ « elles avaient tout lâché et qu’il n’existait plus rien pour elles ». Mais si…

Une pastorale distincte de celle du catéchuménat

Très vite, nous nous sommes associées à l’équipe diocésaine du catéchuménat, de façon à ne pas être un électron libre dans le Diocèse. Cependant, il nous a semblé indispensable de bien marquer notre spécificité par rapport au catéchuménat. Les Recommençants n’ont pas la même approche que les catéchumènes : ils ont un passé chrétien, parfois chaotique, parfois « vaporeux », parfois douloureux,…. Il est important de leur donner un lieu et un temps pour exprimer leurs questions, voire leur contentieux en toute liberté.

L’information circule assez bien dans l’Église, car progressivement des chrétiens d’autres agglomérations ont créé des équipes de recommençants. Un jour, une EAP dans un village nous a téléphoné, nous annonçant avoir constitué une équipe de 5-6 personnes en attente de reprendre un chemin de foi, et nous demandant de les prendre en charge ! On a accepté bien sûr ! Par ailleurs, nous avions fait le choix de maintenir un nombre limité de participants, aussi lorsqu’une équipe grossissait trop, il fallait la scinder. Il faut mentionner également que dans le diocèse, des recommençants sont inclus dans des équipes de catéchuménat, notamment dans le rural qui n’ a pas toujours la possibilité de créer des équipes spécifiques recommençants.

Peu à peu un réseau s’est constitué et nous avons provoqué des rencontres pour partager nos expériences, nos questionnements et bien sûr notre joie de voir le travail de l’Esprit Saint. Si la préparation générale à la confirmation se faisait au sein de l’équipe, nous nous sommes associées au Catéchuménat pour la préparation rapprochée du sacrement au niveau diocésain, ce qui donnait aux recommençants une dimension ecclésiale plus vaste.

Le début de la pastorale des recommençants dans notre diocèse date des années 2000. Au fil des années, il y a eu une dizaine d’équipes de recommençants. Cela représente plus de 200 personnes. Les équipes n’ont pas vocation à durer plus que 3 à 5 ans. Certaines se dissolvent toutes seules. D’autres, grâce à des entrées échelonnées, continuent leur chemin dans la durée, ce qui justifie le nombre de participants.

Des rencontres sur mesure qui s’appuient sur la Parole de Dieu

Exploration des initiatives :

A la base, notre choix a été de proposer des rencontres mensuelles avec une dynamique composée de :

  • Un temps de prière, adapté au profil de l’équipe, donc évolutif.
  • Une découverte de la Parole de Dieu, par la plongée progressive dans la Bible.
  • Un temps de conversation sur un thème choisi. Il nous a semblé nécessaire d’avoir un « fil rouge» qui est structurant sur ce chemin, sans contrainte, de façon à pouvoir répondre aux questions. Ce temps de réflexion-partage aide les recommençants à clarifier leurs connaissances et à faire le lien avec d’autres aspects de leur foi dont ils ont souvent quelques souvenirs.
  • Un peu comme un puzzle ne prend sens que lorsque les différents morceaux se rejoignent.
  • Les thèmes choisis avec les recommençants (selon leurs attentes) sont souvent : la Bible, les sacrements, la Messe (« On n’y comprend rien »), l’année liturgique, le « je crois en Dieu », le pardon, etc…..
  • Un temps convivial de partage des nouvelles : la vie chrétienne n’est pas déconnectée de la vie quotidienne. Cela permet une vraie fraternité.

L’ordre des différents temps peut varier d’un groupe à l’autre.

Dans un secteur, il s’est mis en place il y a quelques années des équipes spécifiques pour les « parents des enfants du caté ». La méthode est de suivre le programme des enfants pour le choix du thème. Accompagnateurs et parents réfléchissent et partagent sur celui-ci afin de se le ré-approprier en tant qu’adultes : une démarche d’approfondissement de la foi personnelle ou « comment passer dune foi d’enfance à une foi adulte ». Les parents cheminent en tant que recommençants et cela les incite assez souvent à demander le sacrement de confirmation. Ce travail d’approfondissement aide les parents à partager avec leurs propres enfants car cela a pris du sens pour eux. Dans un autre secteur du diocèse, les recommençants sont issus d’une équipe de préparation au baptême.

Un point en progrès est l’accueil bienveillant dans les communautés paroissiales.

Le chemin parcouru depuis l’an 2000 montre combien, désormais, les recommençants ont leur place dans l’Église diocésaine. Nous pouvons témoigner de l’action de l’Esprit Saint pour les aider à devenir des chrétiens renouvelés, voire engagés selon le charisme de chacun.

Brigitte Garnier, Diocèse d’Orléans

*Henri Bourgeois, Redécouvrir la foi, les recommençants, DDB 1993

Approfondir votre lecture

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    Les recommençants dans l’Église catholique en France depuis 1970, Enjeux théologiques et défis d’une pastorale catéchuménale, Frère Joseph-Marie Tsanang, Editions Parole et Silence, 2018. Cet ouvrage est le fruit d’une thèse sur les « recommençants » en France soutenue par le frère Joseph-Marie Tsanang à l’Université catholique d’Angers.

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