Parole de Dieu et catéchèse, un dialogue essentiel !

« La Parole de Dieu, non seulement écrite, ouvre la porte à une richesse insondable qui est présente dans l’aujourd’hui de la foi de chaque croyant, en surmontant les barrières de l’espace et du temps. »

Quelle est la place de la Parole de Dieu dans la vie et la mission du catéchiste, du croyant, et comment honorer cette dimension dialogale ? Mgr Rino Fisichella est intervenu sur ce sujet lors de la session La Parole de Dieu en catéchèse et catéchuménat, « Le Seigneur a coloré sa parole de multiples beautés » (Aperuit illis n°2).

Pour aborder le thème que vous m’avez confié, je dirai qu’on peut partir tout de suite avec le nouveau Directoire pour la catéchèse parce qu’il y a plusieurs références, évidemment, à la Parole de Dieu. Dans la première partie du Directoire, la catéchèse dans la mission évangélisatrice de l’Église, au chapitre 1, il est question de la Révélation et de sa transmission. Aux numéros 25 et 27, il est dit : … la Tradition et l’Écriture sainte sont étroitement unies et imbriquées et dérivent de la même source, la Révélation de Jésus Christ. Celles-ci s’unissent en un seul flux, la vie de foi ecclésiale, et partagent le même objectif, à savoir rendre tout le mystère de Jésus Christ actif et dynamique au sein de l’Église.

Il y a une deuxième référence très importante à la Parole de Dieu. Elle se trouve aux numéros 90 et 92 du Directoire : parmi les sources de la catéchèse, l’Écriture sainte occupe clairement une place prépondérante en raison de sa relation particulière avec la Parole de Dieu. Les sources, dans un certain sens, peuvent également être des « voies » de la catéchèse.

Enfin, dans la troisième partie du Directoire où on aborde la catéchèse dans les Églises particulières, aux numéros 283 et 284 du chapitre 9, là où l’on parle de la communauté chrétienne, sujet de la catéchèse, il est dit : La Parole de Dieu est dynamique : elle grandit et se diffuse d’elle-même (cf. Ac 12,24), ayant un « potentiel que nous ne pouvons pas prévoir. L’Évangile parle d’une semence, qui une fois semée, croit d’elle-même, y compris quand l’agriculteur dort (cf. Mc 4,26-29). L’Église doit accepter cette liberté insaisissable de la Parole, qui est efficace à sa manière, et sous des formes très diverses, telles qu’en nous échappant elle dépasse souvent nos prévisions et bouleverse nos schémas. » Comme Marie, l’Église professe aussi : « que tout m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 38). Elle se met ainsi au service de la proclamation de la Parole du Seigneur, devenant sa fidèle gardienne. Le Seigneur lui-même la lui a confiée, non pas pour qu’elle reste cachée, mais pour qu’elle resplendisse comme une lumière pour tous. Par conséquent, la Parole de Dieu est à l’origine de la mission de l’Église. « La Parole elle-même, nous envoie vers nos frères : c’est la Parole qui illumine, purifie et convertit ; nous ne sommes que des serviteurs ».

L’Évangile et l’apôtre enchaîné

En s’inspirant de ces trois textes du Directoire, on peut descendre plus en profondeur pour réfléchir un peu ensemble au sujet de la Parole de Dieu dans la vie d’un catéchiste. J’aime partir d’une citation de la Deuxième Lettre de saint Paul à Timothée (2 Tm 2, 9) où l’on dit : … on n’enchaîne pas la Parole de Dieu ! L’apôtre, dans cette lettre à Timothée, laissé comme son successeur dans l’Église d’Ephèse, nous rappelle sa condition personnelle. Il est enchaîné à cause de l’annonce de l’Évangile qu’il proclame. Toute la péricope à laquelle appartient ce texte est pour ainsi dire dominée par l’image de l’apôtre dans la souffrance en raison de sa prédication et par le devoir qui en découle pour son successeur de continuer à transmettre l’Évangile malgré tout.

La profession de foi en Jésus que l’apôtre réaffirme dans le verset précédant le nôtre : Souviens toi de Jésus Christ, ressuscité d’entre les morts, le descendant de David… (2 Tm 2, 8), a toujours été au cours des siècles une cause de souffrance, de persécution allant souvent jusqu’à l’emprisonnement et au martyr. Paul, cependant, transmet à Timothée l’image d’un apôtre qui ne peut ni ne doit s’arrêter devant rien pour annoncer l’Évangile du Christ. En effet, chaque baptisé, et a fortiori chaque successeur des apôtres, par l’imposition des mains, a reçu non pas un esprit de timidité mais un esprit de force, d’amour, de sagesse, comme dit toujours l’apôtre au verset 7 du 1er chapitre (2 Tm 1, 7). Personne ne doit donc avoir honte du témoignage qu’il doit au Seigneur.

Au sommet de son argumentation, Paul semble affirmer quelque chose de paradoxal, en identifiant l’ensemble de l’annonce par l’expression mon évangile. C’est vraiment étonnant, il ne parle pas de l’Évangile de Jésus Christ, il dit mon évangile.

L’Évangile de Jésus Christ est perçu, est vécu par l’apôtre comme une parole adressée directement à lui, par révélation, à tel point qu’il va s’identifier avec l’Évangile lui-même.

Cette annonce vivante et pérenne de l’Évangile qu’il a accomplie depuis le jour de l’appel à l’apostolat, sa conversion, il la transmet maintenant à Timothée et à l’Église, à toute la communauté pour qu’elle soit poursuivie dans la même prédication. C’est toujours l’apôtre qui écrit au chapitre 2 : Toi donc, mon enfant, trouve toujours ta force dans la grâce qui est en Jésus Christ. Ce que tu m’as entendu dire en présence de nombreux témoins, confie-le à des hommes dignes de foi qui seront capables de l’enseigner aux autres, à leur tour (2 Tm 2, 1-2).

Ce qui impressionne le plus dans ce texte, il me semble, c’est la relation entre l’Évangile et l’apôtre enchaîné. C’est un concept assez commun dans les lettres pastorales de lier la prédication de l’Évangile à la souffrance. Dans cette deuxième lettre à Timothée, Paul y revient à plusieurs reprises : Et c’est pour cette raison que je souffre ainsi ; mais je n’en ai pas honte… (2 Tm 1, 12). Ce que l’on remarque, c’est la conviction que celui qui annonce Jésus Christ, mort et ressuscité, sera toujours confronté à des situations de marginalisation, de discrimination, à des mauvais traitements, à la persécution. De ce point de vue, Paul assume un rôle de témoin clair, limpide, cohérent. Il écrit : Souviens toi de Jésus Christ, ressuscité d’entre les morts, le descendant de David : voilà mon évangile. C’est pour lui que j’endure la souffrance, jusqu’à être enchainé comme un malfaiteur (2 Tm 2, 8-9).

Voyez, on parle toujours de la Bonne Nouvelle, parce que c’est la signification du mot évangile. La Parole de Dieu est une belle et bonne parole qui vient parmi nous. Ici on se retrouve dans un contexte qui est complètement différent de ce qu’exprime le mot évangile. Mais, paradoxalement, alors que Paul est enchaîné à cause de l’Évangile et souffre dans sa prison, la Parole de Dieu n’est pas enchaînée.

Paul devient lui-même le témoin de la souffrance face à la mort imminente mais malgré cela, l’apôtre continue d’annoncer l’Évangile et de s’inquiéter de sa transmission vivante et fidèle. Bref, la Parole de Dieu continue d’être libre et efficace. Le disciple peut souffrir, le disciple peut mourir mais la Parole de Dieu demeure avec sa force, son efficacité qui la rendent libre, active, dynamique sans connaître aucune limite, aucune barrière que les hommes puissent lui opposer.

A l’écoute de la Parole vivante

Cette Parole de Dieu ne peut être arrêtée par rien ni personne, elle ne peut rester inopérante ou inefficace par l’ignorance des disciples, face à la persécution ou par la violence de ceux qui voudraient s’opposer à sa richesse. On peut utiliser aussi les mots de la lettre aux Hébreux, (encore une fois, la Parole de Dieu nous aide à la comprendre) : Elle est vivante, la Parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur (He 4, 12).

Voyez, mes chers amis, déjà ce premier verset ouvre à un scénario indicatif pour la vie de l’Église, de la communauté chrétienne aujourd’hui face à la Parole de Dieu. Si vous prenez ce texte, il est intéressant de noter que le texte grec commence par « en effet » ; cela signifie qu’il faut préciser un contenu intérieur auquel il faut se référer pour une compréhension cohérente, plus profonde du verset et de la signification qu’il possède. L’auteur de cette lettre met en relation l’ancien peuple et le nouveau peuple, tous deux dans la même situation devant la Parole qui leur est adressée. Au chapitre 3 verset 7 à 9 et 11, il est dit : Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas votre cœur, comme au temps du défi, comme au jour de l’épreuve dans le désert quand vos pères m’ont mis à l’épreuve et provoqué… Dans ma colère, j’en ai fait le serment : on verra bien s’ils entreront dans mon repos !

Cherchons à comprendre quelque chose à partir de ce texte parce qu’on se retrouve face au raisonnement de l’auteur sacré. Il nous dit que celui qui n’écoute pas la voix ne pourra pas se reposer. La foi devient la capacité de se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu, de s’y abandonner avec obéissance. L’auteur de la Lettre poursuit cependant sa réflexion. A nous, à qui est donnée cette Parole aujourd’hui, il est annoncé la même Parole. Et si nous voulons entrer dans le repos, il est nécessaire qu’à la différence de la désobéissance précédente, nous nous ouvrions à l’écoute de l’ultime Parole qui nous est adressée aujourd’hui. Le verset qui précède notre texte semble confirmer cette interprétation : Empressons-nous donc d’entrer dans ce repos-là, afin que plus personne ne tombe en suivant l’exemple de ceux qui ont refusé de croire (2 Tm 4, 11).

L’horizon qui marque la vie des croyants, et en particulier, la vie du catéchiste, devant la Parole de Dieu, semble maintenant pouvoir se dessiner davantage. Il est demandé avant tout l’écoute et l’obéissance mais, comme nous le savons, ces deux termes, dans la pensée et la théologie de saint Paul, disent simplement la foi. Mais attention, l’écoute due n’est pas motivée par l’attention portée à cette Parole mais plutôt par le fait que cette Parole est, par nature, vivante et efficace. Ce que je veux dire est que, devant la Parole de Dieu, la primauté ne peut pas être donnée à une action personnelle, subjective, bien que méritante, du croyant mais il faut respecter la valeur objective que possède cette Parole en elle parce qu’elle est adressée par Dieu à l’humanité. Il en résulte une première conclusion qui tend à mettre en évidence la primauté de la gratuité et de la transcendance de Dieu.

Mes chers catéchistes, j’aimerais donner un petit exemple pour dire cela. Le dimanche, quand on participe à la sainte eucharistie, on a la liturgie de la Parole. Moi je suis souvent tenté, quand je fais mon homélie, surtout quand je vais célébrer les confirmations avec les jeunes, les catéchistes, les parents, dans un contexte de fête, quand on dit à la fin des lectures Parole de Dieu et que l’on répond nous rendons grâce à Dieu, je suis tenté de demander : pouvez-vous me dire ce qu’on a lu ? Quand j’ai posé cette question, la réponse a été un grand silence. Dieu m’a parlé, nous a parlé et qu’avons-nous écouté ? Rien, rien. Nous oublions tout de suite ce que nous avons écouté. Peut-être n’avons-nous même pas écouté mais c’est la Parole de Dieu ! Nous disons : nous te rendons grâce, Seigneur, parce que tu nous as révélé ta Parole mais tout de suite après la lecture, pas à la fin de la messe, nous avons oublié ce que Dieu, le Dieu vivant nous a dit.

On ne peut pas faire une théorie de la Parole de Dieu. La Parole de Dieu est un acte concret par lequel Dieu s’adresse à nous, nous parle, nous montre la voie de notre vie, le sens de notre vie, de notre chemin, de notre souffrance, de notre joie. Alors considérons que chaque croyant, par le fait d’accueillir en lui la Parole de Dieu, devient le signe de sa présence vivante parce que nous faisons l’expérience de l’efficacité de cette Parole. En ce sens, on peut à juste titre appliquer aux catéchistes ce que l’apôtre écrit dans la Première Lettre aux Thessaloniciens : … quand vous avez reçu la Parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement, non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants (1 Th 2, 13).

Une Parole qui agit

La Parole de Dieu est une Parole qui agit. Il n’est pas suffisant de l’écouter mais il faut croire qu’elle agit en vous qui croyez. En un mot, nous savons que le repos ne peut se trouver que dans le pâturage de la Parole du Seigneur. Le catéchiste qui cherche le repos dans lequel il peut trouver le sens de sa propre existence est lié à cette Parole. Il doit passer par la porte qui est Jésus lui-même qui fait entendre sa voix, qui est reconnu comme porte de la Révélation et lui permet d’être à sa suite. Alors, devant cette Parole, chacun de nous comprend qu’il ne peut rien cacher car cette Parole pénètre tout et sait tout. Nous ne pouvons rien cacher de notre vie. Un catéchiste sait que, face à cette Parole, il ne peut rien oublier car cette Parole lui rappelle tout. Nous comprenons que nous ne pouvons rien négliger face à cette Parole car tout vise à la rencontre définitive avec le Seigneur.

Comme l’écrit le Directoire, le catéchiste est gardien de la mémoire de Dieu. C’est l’action même de l’Esprit Saint qui est la mémoire vivante de tout ce que Jésus a dit et fait. Comme le dit le grand Ignace d’Antioche, nous sommes l’archive vivante de Jésus Christ.

La vie de la communauté chrétienne, la vie de l’Église, comme la vie du catéchiste et celle de chaque croyant est placée devant cette Parole qui devient un critère de vérité, de jugement des mouvements du cœur, de l’esprit, des secrets intimes de chacun de nous afin que tout puisse arriver à exprimer le désir de la participation à la vie divine.

Quand on cherche la vérité (ce n’est pas une vérité intellectuelle, théorique ; c’est la vérité de ma vie, une vérité d’une valeur existentielle. Quand on parle de la vérité de l’Évangile, c’est la vérité qui donne sens à notre vie), quand on cherche le sens de notre vie, il faut, tôt ou tard, arriver à cette Parole. Le chemin est tracé. Il faut affronter cette Parole. Dans cette Parole, nous trouvons l’anxiété de la recherche, la difficulté, les doutes, la joie. L’écoute de la Parole impose l’attention à l’aujourd’hui de la foi, au maintenant de mon existence personnelle. Personne ne peut y échapper. C’est pourquoi revient l’impératif de l’exode que rappelle la Lettre aux Hébreux : écoutez aujourd’hui sa voix, écoutez !

Cela me donne la possibilité de faire un pas de plus. Souvent, quand on parle avec les jeunes, quand on parle de la Parole de Dieu, revient la question : pourquoi Jésus n’a-t-il rien écrit ? C’est une question très importante. J’ai trouvé la réponse la plus efficace dans saint Thomas. Il fait ressortir le sens profond de la compréhension de la Révélation comme Parole de Dieu.

Il dit, en effet, que Jésus n’a pas écrit pour trois raisons. Tout d’abord, parce qu’il était un grand maître et, à ce titre, voulait que son enseignement soit imprimé dans le cœur de ses disciples. D’autre part, à cause de la grandeur de son enseignement, il n’aurait pas pu trouver dans l’écriture un espace suffisant pour la richesse qu’il possède. L’écriture limite toujours. Enfin, pour qu’il y ait un ordre dans la transmission, de lui à ses disciples et de ceux-ci à tous, à travers les formes qu’ils trouveraient pour ordonner son enseignement.

C’est vraiment étonnant. Nous nous trouvons face à un texte écrit, la Bible, mais ce texte n’est pas seulement écrit. Ce texte est Parole vivante. Ce texte continue à vivre, continue à être dynamique dans une transmission qui doit trouver les formes nécessaires pour ordonner cet enseignement. Le fait que Jésus n’ait rien écrit révèle le caractère vivant de sa Parole et ne laisse place à aucune forme de fondamentalisme. Il faut souligner cela. Tant que la Parole de Dieu est vivante, aucun fondamentalisme n’est possible car cette Parole demeure dans la communauté des disciples toujours vivante du fait que cette Parole est transmise en lui donnant un ordre nécessaire afin de pouvoir atteindre tout en chacun.

Maintenant on peut comprendre la relationnalité de la Parole de Dieu. Le saint dépôt de la Révélation est confié à l’Église qui le transmet par le ministère vivant des successeurs des apôtres (cf. Vatican II dans Dei Verbum 10). Si notre ministère, le ministère des évêques n’est pas vivant, il n’y a pas d’efficacité de la Parole de Dieu. Le dépôt, la vérité de la Révélation n’est pas un donné archéologique mais tout à fait le contraire.

La Parole vit donc d’une unité inséparable qui permet de voir la Tradition orale, l’Écriture, le magistère vivant comme une source éternelle pour connaître la vérité de la Révélation chrétienne.

Ne soyez jamais dans la tentation de dire que ce que nous faisons, ce que nous annonçons n’est pas efficace parce qu’on voit presque toujours une réaction d’indifférence. Ce n’est pas ainsi. Bien sûr, si nous pensons seulement à notre personne, alors c’est peut-être vrai, mais si nous sommes médiateurs de la Parole de Dieu, cela va toucher notre interlocuteur. Nous tous avons l’expérience, que j’ai eue moi-même plusieurs fois, de l’efficacité de la Parole transmise. Cela est très important car cela nous donne la certitude que l’annonce de l’Évangile va toucher le cœur des personnes, même si nous n’avons pas tout de suite la réaction que nous désirons. Mais les fruits viennent même si nous ne pouvons pas les voir.

Dans ce contexte, j’aime aussi vous donner la citation du numéro 6 de la Lettre apostolique du Pape François par laquelle il a institué le ministère de catéchiste : La fonction particulière accomplie par le Catéchiste, cependant, est spécifiée dans d’autres services présents dans la communauté chrétienne. Le Catéchiste, en effet, est appelé tout d’abord à exercer sa compétence dans le service pastoral de la transmission de la foi qui se développe à différentes étapes… Nous sommes cela : une transmission vivante de la Parole de Dieu.

La Parole de Dieu, non seulement écrite, ouvre la porte à une richesse insondable qui est présente dans l’aujourd’hui de la foi de chaque croyant, en surmontant les barrières de l’espace et du temps.

En conclusion, j’aime beaucoup citer le texte suivant :

Qui est capable, Seigneur, de comprendre toute la richesse d’une seule de tes paroles ? Il y a bien plus qui nous échappe que ce que nous pouvons comprendre. Nous sommes comme des assoiffés qui boivent à une source. Ta Parole offre de nombreux aspects différents, tout comme les perspectives de ceux qui l’étudient. Le Seigneur a coloré sa Parole de beautés diverses afin que chacun de ceux qui la scrutent puisse contempler ce qu’il préfère. Il a caché dans sa Parole tous les trésors pour que chacun de nous trouve une richesse dans ce qu’il contemple. Sa Parole est un havre de vie qui, de tous les côtés, nous donne des fruits bénis. Celui qui est touché par une de ces richesses ne peut croire qu’il n’y ait rien d’autre dans la Parole de Dieu que ce qu’il a trouvé. Il se rend compte plutôt qu’il n’a pu découvrir qu’une seule chose parmi beaucoup d’autres. Après s’être enrichis dans la Parole, nous ne pouvons croire que celle-ci s’appauvrisse. Incapables d’en épuiser la richesse, nous sommes en action de grâce face à son immensité. Réjouissez-vous d’avoir été rassasiés et ne soyez pas attristés que la richesse de la Parole vous surpasse. Celui qui a soif est heureux de boire mais ne s’attriste pas parce qu’il ne peut tarir la source. Il vaut mieux que la source satisfasse votre soif que votre soif tarisse la source. Si votre soif est éteinte sans que la source ne soit asséchée, vous pourrez boire à nouveau chaque fois que vous en aurez besoin. Cependant si vous asséchiez la source, votre victoire serait votre malheur. Rendez grâce de ce que vous avez reçu et ne murmurez pas pour ce qui reste inutilisé. Ce que vous avez pris ou enlevé vous appartient mais ce qui reste est votre héritage. Ce que vous n’avez pas pu recevoir tout de suite à cause de votre faiblesse, vous le recevrez à d’autres moments grâce à votre persévérance. N’ayez pas l’impudence de vouloir prendre en une seule coupe ce qui ne peut être pris qu’à plusieurs reprises. Ne soyez pas ennuyés que vous puissiez recevoir juste un peu à la fois.

Celui qui a écrit ces paroles de sagesse profonde est le plus grand des Pères syriens et, sans doute, le plus grand poète de l’âge patristique : Ephrem le syrien, qui a vécu au quatrième siècle. C’est un saint diacre, il n’était pas prêtre, il n’était pas évêque. A partir du jour de son baptême, à l’âge de dix-huit ans, il a consacré toute sa vie à la catéchèse et à l’étude de la Parole de Dieu. Sa mémoire devrait rester vivante, ne serait-ce que pour ces lignes que je vous ai rapportées. Mais elle est conservée intacte pour ses grands ouvrages de christologie, de mariologie où l’on peut voir le développement du dogme.

Il a vu la richesse du mystère. Face à la Parole de Dieu, nous ne devons pas avoir peur de prononcer le mot mystère. C’est le premier mot qu’il faut prononcer au commencement de chaque catéchèse parce que, pour nous, ce n’est pas ce que l’on ne comprend mais c’est ce que nous pouvons comprendre parce que Dieu nous le révèle et nous le fait comprendre.

C’est une autre perspective. Ce n’est pas la primauté de la raison. Je sais que je parle à vous qui vivez dans la patrie de Descartes mais il y a aussi les raisons du cœur dont parle Pascal. Vous êtes dans le pays de ces deux grandes personnalités. C’est l’amour qui connaît.

L’amour est une forme de connaissance. Et c’est la plus cohérente face à la Parole. Il faut donner la place à l’action de l’Esprit Saint qui ravive la force de cette Parole, qui nous permet une compréhension toujours nouvelle, toujours plus profonde et permet à la Parole de rejoindre tous les hommes.

La centralité de la Parole de Dieu se réfère à deux principes fondamentaux : le premier, la Révélation, le second, l’Église. Enlever la Parole de Dieu de cet horizon référentiel ne permettrait pas de comprendre sa valeur constitutive, essentielle pour la foi.

Je vous donne le texte de Dei Verbum n°8 : Ainsi Dieu, qui a parlé jadis, ne cesse de converser avec l’Épouse de son Fils bien-aimé, et l’Esprit Saint, par qui la voix vivante de l’Évangile retentit dans l’Église et par l’Église, dans le monde, introduit les croyants dans la vérité entière et fait que la parole du Christ réside en eux avec toute sa richesse.

Ce texte conduit à la conclusion de mes réflexions mais ouvre aussi à une problématique à laquelle on n’a fait qu’un bref clin d’œil, la vérité de la Parole de Dieu. Il faut prendre ce thème avec force et conviction et en tirer les conséquences. Dans une période comme la nôtre où émerge un désir de vérité au milieu d’un relativisme confus, se tourner vers la Parole de Dieu comme une parole de vérité n’est ni évident ni inutile. Ce n’est qu’à cette condition qu’on arrive à percevoir sa nouveauté essentielle et sa valeur irremplaçable pour notre vie personnelle. Dans la mesure où la Parole de Dieu est vraie, elle peut alors demander mon obéissance de foi car elle est crédible et digne d’être acceptée et vécue.

On arrive à la conscience. Lorsqu’on se situe devant la Parole de Dieu, on est placé face à une présence qui permet de saisir la vérité sur sa vie, ouvrant à chacun des espaces de liberté qu’il pouvait penser mais non réaliser par lui-même.

Nous pouvons donc faire nôtre la conclusion de la constitution dogmatique Dei Verbum (n°26) : Ainsi donc, que par la lecture et l’étude des Livres saints « la Parole de Dieu accomplisse sa course et soit glorifiée » (2 Th 3, 1), et que le trésor de la Révélation confié à l’Église comble de plus en plus le cœur des hommes. De même que l’Église reçoit un accroissement de vie par la fréquentation assidue du mystère eucharistique, ainsi peut-on espérer qu’un renouveau de vie spirituelle jaillira d’une vénération croissante de la Parole de Dieu, qui « demeure à jamais » (Is 40, 8 ; cf. 1 P 23-25).

La citation de la deuxième lettre aux Thessaloniciens faite par Dei Verbum permet de vérifier une fois de plus qu’il est possible d’exprimer la Parole de Dieu sous forme personnifiée, comme si celle-ci était une course. La référence missionnaire de ce texte est vraiment très claire ; la Parole doit se répandre parmi les peuples, dans les rues de nos villes, dans nos maisons, dans nos communautés et y trouver un espace d’écoute et d’accueil qui apporte le salut. Ce n’est rien d’autre que l’appel à la dimension kérygmatique de la catéchèse que le nouveau Directoire a voulu exprimer et prendre comme fondement du renouvellement de la catéchèse. Ce n’est que dans la mesure où nous parviendrons à permettre un contact véritable et cohérent avec la Parole de Dieu, une fréquentation assidue de celle-ci, que nous aurons accompli notre ministère. Nous sommes tous diacres de cette Parole.

Mgr Rino Fisichella, Président du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation

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