La famille dans la Bible : la force du témoignage

Marche d'Abraham, Jozsef Molnar, 1850.

Marche d’Abraham, Jozsef Molnar, 1850.

Que dit la Bible ?, L’Oasis n°13 : Papy, Mamie, racontez-moi !

La foi se raconte au sein de la famille. Étonnement, les grands-parents sont très rarement mentionnés dans la Bible. Est-ce à dire qu’ils ne comptent pas ou qu’ils jouent un rôle négligeable ?

En revanche, les mentions des Anciens sont très fréquentes. De fait, la Bible insiste plutôt sur la relation de filiation père/fils ou parents/enfants, à l’image du lien Dieu Père/fils de Dieu. Elle est au service de l’édification de l’homme-fils. En quoi ces éléments peuvent nous aider à repérer le rôle de transmission des grands-parents aujourd’hui ?

Ben Sira, l’auteur du livre du Siracide, et son petit-fils

Dans le Prologue de ce livre tardif de sagesse, l’auteur informe qu’il a traduit en grec les enseignements de son grand-père. Pour lui, le grand-père est un modèle et un exemple de sagesse, qu’il a acquise par sa propre lecture des livres sacrés. C’est pourquoi il a tenu à les traduire pour les transmettre et, ainsi, poursuivre l’œuvre de son grand-père. Mettre en pratique ces instructions donne la sagesse, la force et fait progresser dans la vie.

La grand-mère et la mère de Timothée, le disciple de Paul (2 Tm 1, 5)

L’auteur de la deuxième lettre à Timothée affirme que Timothée a la même foi que sa grand-mère Loïs et sa mère Eunice. L’Apôtre en rend grâce. On perçoit alors que ces deux femmes ont donné un bel exemple de foi et qu’elles l’ont transmise.
Paul a établi avec Timothée une relation filiale, le qualifiant de « son fils » dans la foi, lui qui l’a suivi dès sa jeunesse. On voit ici la fécondité de la transmission de la foi vécue dans le cadre familial et l’ouverture du cadre familial à des relations de foi.

De génération en génération (Pr 17, 6)

« Couronne des vieillards, leurs petits-enfants ! Fierté des fils, leur père ! ». L’action des grands-parents se poursuit et s’accomplit dans les petits-enfants, quand ils ont mis à profit ce qui leur a été transmis. Et c’est un motif de fierté pour les aînés.

Dans la Bible, la transmission se fait de génération en génération. D’ailleurs, la Bible n’a pas de mot en hébreu pour dire la « famille », au sens où nous l’entendons aujourd’hui. La Bible parle de la « construction », bayit/banah d’où viennent les mots fils (ben) et fille (bat). Cela désigne la lignée, la descendance, les enfants étant comme éléments de la construction et du déploiement généalogique d’un peuple. L’autre mot pour dire la famille désigne plutôt les relations horizontales, la délimitation de la maisonnée à un moment donné, sans insister sur les générations successives.

Les générations se succèdent et contribuent au déroulement de l’histoire du salut. La transmission est donc capitale pour donner aux jeunes la mémoire de l’histoire passée du peuple et ses valeurs. Le jeune peut s’appuyer sur ces racines pour apporter sa pierre à l’édifice puis transmettre à son tour.

Les Anciens : la force du témoignage

On doit honorer père et mère (Ex 20, 12) mais aussi respecter l’ancien (Lv 19, 32) et en prendre soin (Si 3, 12). Il faut l’écouter, comme Paul devenu vieux (Phm 9).

Les Anciens sont signes d’expérience, de sa gesse et d’autorité. Le peuple d’Israël donnait une place importante aux Anciens : ils imposent les mains, ils conseillent Moïse. Dans le Nouveau Testament, avec les grands prêtres et les scribes, ils gouvernent le peuple. Les premières communautés chrétiennes les désignent et les sollicitent pour régler leurs différends (Ac 11, 30 ; 14, 23 ; 15, 2-4 ; 20, 17).

Cela étant, ce n’est pas un acquis. Par leur mauvais comportement, certains vieillards peuvent même être des contre-témoignages (cf. l’histoire de Suzanne en Dn 13, 5). Et un jeune peut avoir autant ou plus de discernement qu’un vieillard s’il se fie au Seigneur (Ps 119/118, 100).

Les Anciens témoignent de la finitude de la vie humaine. Les forces physiques diminuant, la dépendance devient un défi dans la foi (cf. Jn 21, 18). Et l’imminence de la vie finissant oblige à mieux apprécier le présent.

Les Anciens pour transmettre

Les actions du Seigneur doivent être racontées de père en fils et de grands-parents à petits-enfants (Ex 10, 2). En retour, aux enfants d’interroger aussi les parents et grands-parents (« Interroge ton père, il t’instruira ; les anciens te le diront. », Dt 32, 7).

Les actions du Père dans le Christ doivent faire l’objet de mémoire : Timothée est invité à s’en souvenir (2 Tm 2, 8-13). Cela donne du sens aux épreuves et aux blessures endurées et permet de les dépasser. Là est le vrai message de la croix et de la résurrection, langage et logique magnifiques mais qui échappent à tout entendement humain (1 Co 1, 18). C’est pour cela que la transmission nécessite pédagogie et éducation : celle des ascendants, dont les parents et les grands-parents, et, a fortiori, celle de Dieu le Père (Cf. He 12, 9). L’Évangile – l’annonce que le Christ est mort et ressuscité pour nous – nous rejoint dans nos luttes pour nous garantir de la victoire, nécessite une relation de confiance et d’amour. La relation entre grands-parents et petits-enfants, complétant la relation parents-enfants, en garantit les conditions de transmission, pour le bien du jeune sur son chemin d’accomplissement à l’image du Père (cf. Mt 5, 48). Être grand-parent, c’est tout un apostolat.

Père Christophe Raimbault, bibliste
Vicaire général du diocèse de Tours, Professeur à l’Institut catholique de Paris

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