Heureux les doux… mais pas les tièdes !

Le Bon Pasteur, Philippe de Champaigne.

Le Bon Pasteur, Philippe de Champaigne.

Que dit la Bible ? L’Oasis n°17 : Heureux les doux

La douceur est une manière d’être au cœur du monde disciple-missionnaire.

Dans la Bible, les appels à la douceur sont fréquents. Mais, en revanche, l’auteur de l’Apocalypse « vomit les tièdes » (Ap 3, 16). Jésus lui-même se dit « doux et humble de cœur » (Mt 11, 29) et en même temps il appelle à la radicalité de l’Évangile. Mais, alors, que signifie la douceur ? Qu’est-ce que la Bible nous en dit ?

Heureux les doux… (Mt 5, 5)

Le pape François consacre une bonne partie de l’encyclique Gaudete et Exsultate à commenter les béatitudes en Matthieu. Il les présente comme étapes vers la sainteté. Rappelons que les béatitudes sont les premières paroles publiques de Jésus dans cet évangile. « Heureux » signifie un encouragement, une invitation pleine d’espérance à se mobiliser et à se ressaisir. Les béatitudes sont comme le porche d’entrée de tout le discours sur la montagne (Mt 5-7), dont le cœur est la prière du Notre Père. Il s’agit donc d’un chemin pour amener au Père qui nous écoute dans le secret et à qui nous demandons que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel. « Heureux les doux, car il recevront la terre en héritage ». Si les croyants sont invités à choisir la douceur, c’est pour que la terre soit déjà comme le ciel, selon la volonté du Père. Aux doux la terre est promise, aux pauvres/humbles le royaume des cieux.

Doux et humble

La bible grecque traduit l’hébreu « anawim », les pauvres et humbles, par le grec « praeis », les doux. « Doux » et « humbles » sont des synonymes. Les envoyés du Seigneur sont des « doux », Moïse, David… La douceur (prautès) est la caractéristique du Messie qui se fait humble serviteur, ce qu’accomplit Jésus.

Le Ps 36,8.11, qui a inspiré la béatitude pour les doux, pose formellement le lien entre douceur et humilité. À celui qui se tourne vers le Seigneur : « Laisse la colère, abandonne la fureur, ne t’enflamme pas : cela finirait mal. Les méchants seront arrachés… Les humbles posséderont la terre et jouiront d’une paix totale. »

Pour vivre la douceur et la paix, il faut choisir d’être humble. Saint Paul le dira : il s’agit d’adapter son comportement sur celui du Christ, lui qui s’est fait serviteur et s’est humilié sur la croix. Pour le suivre, aux philippiens de considérer humblement les autres comme supérieurs à soi (Ph 2, 3). Et l’apôtre l’applique d’abord à lui-même : c’est avec douceur, humilité et amour qu’il s’adresse aux communautés (1 Co 4, 21 : 2 Co 10, 1).

Jésus modèle de douceur… à renverser les habitudes

Jésus ne se contente pas de prôner la douceur. Il la vit. Doux et humble de cœur, il nous propose son joug et sa parole pour nous alléger et nous donner le repos (Mt 11, 29-30). La douceur, contrairement à la violence, procure la paix dans les cœurs et entre les hommes. Elle passe par l’humilité.

Doux, Jésus l’est notamment le jour des Rameaux. Il entre dans Jérusalem, « roi doux » monté sur une ânesse et sur ânon, (Mt 21, 5 citant Za 9, 9). Mais cela ne l’empêchera pas de chasser aussitôt les marchands du Temple !

La vertu de douceur

La douceur est une vertu. C’est une des modalités du fruit de l’Esprit qu’est l’agapè, l’amour divin. La Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates (Ga 5,22-23) les associe : « Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. » Ces valeurs s’opposent aux dissensions intérieures et relationnelles : discorde, jalousie, emportements, rivalités… (Ga 5,19-20). La douceur s’acquiert par l’accueil de l’Esprit en soi et par un travail intérieur qui préserve de l’esclavage des passions, des désirs, de la vanité et de la tentation de convoitise. La douceur dans les relations révèle la véritable sagesse intérieure (Jc 3,13).

La douceur : passeport pour la mission

La douceur nécessite donc une discipline intérieure et une conversion. Elle réoriente les relations avec les autres au sein de la communauté d’abord. Elle permet de dénoncer la faute d’un frère en vérité et avec humilité (Ga 6, 1). Douceur et humilité permettent de garantir l’unité de la communauté (Ep 4, 2 ; Col 3, 12). Mais la douceur doit s’étendre aussi aux relations avec tous les hommes (Tt 3, 2).

À l’image de Timothée ou de Tite, elle est requise pour quiconque est en charge d’apostolat et veut témoigner de sa foi et de son espérance. Elle est la clef de tout disciple-missionnaire qui instruit et proclame la parole à temps et à contretemps (2 Tm 4, 2). Elle garantit la paix dans la mission : elle désarme les contradicteurs, mais sans les humilier et sans esprit de vengeance (1 Tm 6, 11 ; 2 Tm 2, 25). Elle est la condition pour témoigner de la foi mais aussi de l’espérance (1 P 3, 16).

Au total, « heureux les doux », dans l’enseignement biblique, est un appel à prendre Jésus comme modèle pour laisser place à l’Esprit qui façonne dans le croyant un cœur pacifié et pacifiant. C’est d’abord une aventure intérieure qui peu à peu colore et réoriente les relations avec autrui. Le disciple de Jésus doux et humble de cœur peut alors devenir missionnaire avec douceur et humilité tout en étant fermement attaché à agir et à témoigner de l’Évangile.

P. Christophe Raimbault, bibliste
Vicaire général du diocèse de Tours
Professeur à l’Institut catholique de Paris

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