L’origine juive des célébrations chrétiennes
Un peu de théologie, L’Oasis n°23 : Jésus, un juif ?
Nos liturgies puisent à la source de la tradition juive puisque, comme il convient de rappeler, les premiers chrétiens, tout comme Jésus, étaient Juifs.
Une paternité pour tout temps
La liturgie chrétienne a une histoire qui s’enracine dans la vie liturgique juive. Inlassablement, il faut rappeler combien l’Église vit de ses racines. En effet, si, comme l’écrivait saint Jérôme « ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ », ignorer les racines juives du christianisme c’est s’exposer à ignorer une partie essentielle de notre identité.
Paul de Tarse, qui se présente comme pharisien et fils de pharisien, a utilisé une image qui a traversé les siècles parce qu’elle dit quelque chose de fondamental du christianisme. Écoutons-le à nouveau : « De ces branches, quelques-unes ont été coupées, alors que toi, olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches, et tu as part désormais à la sève que donne la racine de l’olivier. Alors, ne sois pas plein d’orgueil envers les branches ; malgré tout ton orgueil, ce n’est pas toi qui portes la racine, c’est la racine qui te porte ». (Rm 11, 17-18). Cette magnifique image de la greffe de l’olivier, appliquée aux chrétiens, rappelle que l’identité chrétienne est reçue du peuple élu et « que les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables. » (Rm 11, 29)
Afin de mieux appréhender les enjeux des racines juives du christianisme, y compris dans la liturgie, il convient, tout d’abord, de rappeler que les premiers chrétiens, tout comme Jésus, étaient Juifs. Comme l’écrivait à juste raison le Père Michel Remaud « la question du rapport entre le Nouveau Testament et la tradition juive est un sujet immense que l’on ne peut éviter d’aborder (…) Les Évangiles et les autres écrits apostoliques fourmillent d’allusions qui échappent en général au lecteur chrétien, même familier de l’Évangile, faute d’une connaissance de la culture dans laquelle baignaient leurs auteurs ». Ce préalable, nous invitant à la plus grande modestie, étant posé, essayons de voir ensemble quelques éléments, dans nos liturgies, de l’héritage de la liturgie juive.
Tout d’abord, quelle est la spécificité de la liturgie juive ?
Il s’agit, en premier lieu, de l’organisation du temps et de l’espace pour célébrer l’Alliance entre le Seigneur et son peuple. Dans son livre majeur Les bâtisseurs du temps, Abraham Heschel résume ainsi cet axiome fondamental : « Telle est la tâche de l’homme : conquérir l’espace et sanctifier le temps. Il nous faut conquérir l’espace afin de sanctifier le temps. Tout au long de la semaine, nous sommes contraints de sanctifier la vie par l’emploi des objets de l’espace. Le jour du Sabbat, il nous est donné de participer à la sainteté qui est au cœur du temps. »
Quel est le contenu d’un office à la Synagogue ?
Ce qui domine la liturgie synagogale, c’est la proclamation de la sainteté de Dieu et la sainteté de son NOM. « Tu es Saint, Ton NOM est Saint, et Ton Peuple Saint te loue chaque jour » est le leitmotiv de toute prière synagogale, presque au même titre que ce qui peut être considéré comme le Credo Juif « Shema Israël », « Écoute Israël : le Seigneur Notre Dieu est l’Unique » (Dt 6, 4). Cette magnifique prière que nous faisons nôtre, chaque samedi soir, à l’office de Complies.
Cette proclamation de la sainteté de Dieu a été reprise par l’Église dans le Sanctus « Saint, Saint, Saint le Seigneur Dieu de l’univers. La Terre est remplie de ta Gloire ». C’est, presque mot pour mot, la Kedousha juive.
Le dernier repas de Jésus au cours de Pessah, la Pâque juive
Aujourd’hui encore dans la liturgie familiale juive, le chef de famille, qui est l’officiant du repas pascal, présente l’assiette sur laquelle se trouvent les azymes, c’est-à-dire les pains sans levain. Il récite alors une prière en araméen, la langue qui était celle de Jésus. Voici cette prière : « Ceci est le pain de la servitude que nos ancêtres ont mangé en terre d’Égypte. Que quiconque a faim vienne et mange avec nous, que quiconque a soif vienne et s’abreuve à cette table. Cette année nous sommes ici en esclaves, l’an prochain nous serons des hommes libres ».
L’officiant, toujours dans le cadre familial du repas pascal, prononce la bénédiction sur le vin et sur le pain, telle que nous la trouvons citée dans les récits évangéliques et dans les paroles de la liturgie. À ce sujet, on notera que nous avons maintenant, avec la nouvelle traduction du Missel romain, ce rappel dans la troisième prière eucharistique : « La nuit même où il fut livré, il prit le pain, en te rendant grâce il dit la bénédiction, il rompit le pain, et le donna à ses disciples, en disant : « Prenez, et mangez-en tous : ceci est mon corps livré pour vous ».
Pour conclure on peut citer la prière du kaddish, qui signifie « sanctification » et qui s’achève ainsi : « Que la paix abonde sur la terre, accordée depuis le Ciel, sur Israël et sur nous tous. Que le Créateur d’une paix dans les sphères célestes donne la paix à son peuple Israël et à tous les vivants. »
Nous-mêmes, avant de communier, nous échangeons le geste de paix, cette paix qui nous vient du Christ.
En nous souvenant des influences juives dans notre liturgie, que cette espérance de paix, qui est un don de Dieu, nous soit commune, ainsi, comme nous y invite le Pape François nous serons, Juifs et Chrétiens, « une bénédiction pour le monde ».
P. Christophe Le Sourt, Directeur du service national pour les relations avec le judaïsme, CEF
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