Le Notre Père, prière du Seigneur et de l’Église
Que dit la Bible ?, L’Oasis n°5 : Notre Père.
Le Notre Père est la prière que Jésus a enseignée à ses disciples. L’Église la transmet. Elle guide la prière de tout croyant.
Prier, c’est quoi ? Est-ce une option quand j’ai le temps ? Justement, non. Sœur Emmanuelle disait : prier, j’en ai besoin pour vivre, autant que de respirer. C’est une attitude avant d’être une activité. Pour prier, il faut se rendre disponible au fond de soi, en vivant une expérience d’intériorité. Rentrer en soi-même et écouter le fond de son cœur. Non pas s’écouter soi-même, encore qu’il faut construire son unité intérieure, mais expérimenter la présence de Dieu au fond de soi. C’est là qu’il nous parle, qu’il nous aide à forger notre unité intérieure et à éclairer notre conscience. La prière est le lieu de la rencontre du Seigneur. « Quand tu pries, ne rabâche pas comme les païens, qui aiment à se montrer, mais retire-toi dans ta chambre. Ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. » (Mt 6,6). Dieu entend l’homme qui prie, il accueille sa prière. Parfois, il faut beaucoup de persévérance pour s’en rendre compte. Mais elle est toujours entendue. Éduquer à cette rencontre intérieure du Seigneur dans la prière est une composante centrale de la mission du catéchiste : « le but ultime de la catéchèse est de faire entrer dans l’intimité du Seigneur. »
Mais, alors, comment s’y prendre ?
« Maître, apprends-nous à prier ». Prier, ça s’apprend ? C’est en répondant à cette demande des disciples que Jésus a enseigné la prière du Notre Père. Prière du Seigneur, elle est proposée pour que toute l’Église entre dans une dynamique de prière avec lui.
Jésus n’a pas de lui-même dit à ses disciples comment prier. Il leur a d’abord donné de le voir en train de prier. Il allait souvent seul, à l’écart, pour prier. Il allait au désert pour puiser dans la prière la force de lutter contre les assauts du tentateur. Il vit avec son Père une très grande proximité. À sa suite, saint Paul ne commence jamais une lettre sans avoir prié et rendu grâce pour ceux auxquels il s’adresse. Apprendre à prier, cela commence déjà par donner à voir et à faire comprendre combien c’est nécessaire au quotidien, pour soi. À l’exemple de Jésus avec ses disciples, le catéchiste est appelé à donner à voir combien la prière l’anime, combien il est important pour lui-même de vivre de cette intimité pour être habité de la présence du Seigneur dans sa vie, et, ainsi, susciter l’intérêt et la curiosité des catéchisés. Alors, la question vient tôt ou tard : « Apprends-nous à prier. »
Dès l’Ancien Testament, transmettre le goût de la prière et en témoigner est explicite : Abraham interpelle et écoute le Seigneur. Moïse se tourne souvent vers Dieu pour l’écouter et lui parler. Puis il donne au peuple d’Israël les mots pour se tourner vers Dieu. David met par écrit ses prières dans les psaumes qui nous nourrissent chaque jour. Les prophètes ne peuvent exercer leur mission que dans la mesure où ils sont sans cesse à l’écoute du Seigneur… Et à la suite de Jésus, l’Église ne cesse de se réunir pour prier, partager et publier les prières les plus fameuses. Mais, par-dessus tout, elle transmet la prière que le Seigneur lui a lui-même enseignée : le Notre Père. Dans le Catéchisme de l’Église Catholique, toute la partie sur la prière porte sur le Notre Père. Dans la préparation des catéchumènes, les futurs baptisés se voient transmettre cette prière. Le Rituel pour l’Initiation Chrétienne des Adultes (§§ 182-183) prévoit la célébration de la traditio de cette prière dans la semaine qui suit le troisième scrutin. Le nouveau baptisé atteste la réception (redditio) de cette prière en la disant avec tous les baptisés lorsqu’il prend part à sa première liturgie eucharistique. « La prière du Seigneur devient la prière des baptisés qui ont reçu l’adoption filiale. Lorsqu’il prie le Notre Père, le croyant répond, avec toute l’Église, à l’appel du Seigneur qui dit « lorsque vous priez, dites… » Et le Seigneur est là, présent.
Héritée de la prière juive, le Qaddich, le Notre Père est la prière du Seigneur et de l’Église. Prière de demande, avec la prière de pardon et la prière de merci, elle guide la prière de tout croyant.
Jésus l’enseigne à ses disciples à deux moments. Dans l’évangile selon saint Matthieu, il la donne dans le cadre du sermon sur la montagne. C’est pour vivre les Béatitudes, bâtir sa vie sur un roc solide et vivre de la justice du royaume, que le disciple reçoit cette prière, en plus de l’aumône et du jeûne. Alors il reçoit la promesse d’être vraiment enfant de Dieu-Père plein de tendresse et d’attention. Dans l’évangile selon saint Luc, Jésus enseigne le Notre Père à ses disciples qui demandent comment prier alors qu’ils cherchent, comme le légiste, à trouver l’équilibre entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain comme soi-même. Jésus leur précise que la prière de demande sera toujours couronnée de succès : Dieu, Père, leur donnera toujours l’Esprit Saint en réponse.
Cette prière est un modèle d’équilibre. Les deux évangiles en donnent une version différente, mais la version liturgique leur est fidèle. Après l’adresse, trois demandes ont Dieu pour objet. Puis trois demandes touchent à l’existence concrète : le pain quotidien, la remise des dettes, financières tout autant que spirituelles, et la délivrance du mal. Le Notre Père a une dimension théologique, morale et pratique. Il dit quelque chose de l’homme dans son rapport à Dieu. Il nourrit ce rapport. Il donne à l’homme de vivre de Dieu.
Alors, si tel en est l’enjeu, on comprend pourquoi la prière du Notre Père est au cœur même de l’acte catéchétique, de Jésus vis-à-vis de ses disciples, du catéchiste aujourd’hui vis-à-vis de ses catéchisés. Alors, ensemble, tous pourront dire avec Jésus Christ : « Notre » Père…
Père Christophe Raimbault, Exégète, Vicaire général du diocèse de Tours
L’Oraison dominicale est vraiment le résumé de tout l’Évangile.
– Tertullien, Père de l’Église du 2ème siècle après Jésus-Christ