Quelle liberté face à l’amour de Dieu ?
Un peu de théologie, L’Oasis n°2 : Pas facile de choisir.
Si c’est Dieu qui donne la vie, alors les hommes sont-ils purement passifs ?
Parmi les mots de la foi chrétienne, celui de « grâce » paraît souvent obscur. Peut-être tout simplement parce que nous avons du mal à accueillir le don de Dieu et qu’il nous arrive souvent de douter de la puissance de son amour face au mal, dans notre vie ou dans le monde. Comme si c’était trop beau pour être vrai ! De plus, quand nous approfondissons notre foi, nous nous trouvons devant des questions apparemment insolubles : si c’est Dieu qui donne la vie, l’amour, la paix, alors les hommes sont-ils purement passifs ? Devant un Dieu si généreux, les hommes sont-ils vraiment libres ? Finalement quand on voit tant d’injustice dans la vie des hommes, leur liberté ne serait-elle définitivement que la faculté à faire le mal ? Essayons d’y voir clair pour progresser dans la foi, mieux accompagner l’initiation chrétienne des jeunes et des adultes.
Qu’est-ce que la grâce de Dieu ?
La grâce, c’est la vie même de Dieu, comme le dit le Catéchisme de l’église catholique : « La grâce est une participation à la vie de Dieu, elle nous introduit dans l’intimité de la vie trinitaire » (CEC n° 1997). Quel cadeau inouï ! Créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, nous sommes destinés à devenir ses fils adoptifs, à lui appartenir pleinement, grâce à cette imitation que Jésus lui-même nous propose par le chemin des béatitudes, de l’ouverture de notre cœur et de l’amour des ennemis : « Vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Matthieu 5, 48).
Merci à saint Augustin
Oui, mais voilà, c’est tellement beau, que dès les premiers siècles de l’Église, c’est devenu un peu un champ de bataille pour les théologiens, avec cette question naïve : si c’est Dieu qui fait tout, alors nous n’avons plus rien à faire, et cela met en danger notre liberté humaine, qui semble bien pourtant être un des premiers cadeaux essentiels que nous a offerts le Créateur en nous faisant à son image et à sa ressemblance. Certains, comme le moine Pélage (fin IVe – début Ve siècle) ont voulu essayer de faire une place plus grande au « libre arbitre » en mettant en valeur tout ce que l’homme était capable de faire par lui-même, sans avoir besoin de la grâce de Dieu. C’était aller trop loin.
Heureusement, le grand évêque saint Augustin (également au tournant du IVe-Ve siècle), que le Seigneur avait fait passer par une expérience forte de conversion, a su trouver les mots pour réagir. Pour lui, le véritable obstacle à la liberté, c’est le péché. S’appuyant sur saint Paul (en particulier Romains 7, 6-24), il montre que le Christ vient nous libérer en nous faisant le cadeau d’une véritable et nouvelle liberté. Par-delà tous nos refus, celle-ci se manifeste par une réponse libre à Dieu qui nous aime le premier et nous donne sa grâce pour répondre à son amour. Saint Augustin a bien su exprimer la belle coopération dans la foi entre grâce de Dieu et liberté de l’homme. Il le fait à partir de deux textes d’Évangile : d’une part, Jésus prie pour que la foi de Pierre ne défaille pas devant le scandale de la Passion (Luc 22, 32), c’est « pour que nous n’imaginions pas que la foi est tellement au pouvoir de notre libre arbitre qu’elle n’a pas besoin du secours de Dieu » ; d’autre part, dans son Évangile, saint Jean dit qu’il nous a été donné de pouvoir devenir enfants de Dieu (Jean 1, 12) pour que nous comprenions que la foi dépend aussi de nous.
Célébrer les sacrements pour grandir dans la liberté des enfants de Dieu
Les sacrements, tout particulièrement les sacrements de l’initiation chrétienne, nous introduisent de plain-pied dans cette dynamique d’accueil du don de Dieu pour que toute notre vie en soit transformée : bien loin de se situer à la périphérie de nos existences, comme des rites formels à accomplir pour être en règle ou pour attirer l’attention de Dieu envers nous, ils nous impliquent en nous faisant entrer dans le projet d’alliance de Dieu par tout notre être : corps, âme et esprit, pour que notre vie soit désormais vécue « dans le Christ » (c’est d’ailleurs le titre de la partie du Catéchisme de l’église catholique sur la vie morale). Dans ces gestes du Christ pour son Corps, l’Église qu’il fait naître, grandir, qu’il nourrit et fortifie, tout est don mais rien ne se fait sans notre participation libre. Tout est don mais ce don ne porte ses fruits d’offrande, de transformation du monde, de divinisation de notre humanité que si nous entrons gracieusement dans le don offert « pour nous les hommes et notre salut ».