Préparation aux sacrements : faire confiance aux rites, à la liturgie, à la Parole de Dieu
Cet article du père Philippe Marxer est paru en décembre 2015 dans le Bulletin de Liaison du Catéchuménat.
Pour préparer à un sacrement, les rituels offrent un appui certain ! Mais il peut arriver que nous ne voyions pas le lien entre le geste à faire et la Parole de Dieu à proclamer. On choisit, privilégie l’un par rapport à l’autre. Faut-il choisir ? et si oui, que faut-il choisir ? Quelle catéchèse proposer pour préparer aux sacrements ? Pourquoi ne pas expliquer les rites ? Ils semblent simples, du moins plus faciles à présenter que la Parole de Dieu ? S’attacher à montrer leur unité n’est-il pas une tâche délicate tant leur unité ne semble pas évidente !
L’arrière-fond culturel de cette manière de concevoir les choses est facilement décelable. Nous avons vécu durant des siècles dans la quasi-évidence que l’enseignement est la meilleure porte d’entrée dans la religion et sa pratique liturgique. Fort heureusement, les orientations catéchétiques de ces dernières années commencent à ébranler cette conviction et invitent à donner confiance aux actions sacramentelles en vue d’en déployer toute la signification.
Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube ; mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau. – Ps 62,2
Comment mieux correspondre à la démarche de ces chercheurs de Dieu que sont les catéchumènes ? Lors du baptême, s’instaure d’emblée un dialogue, le dialogue initial : « Quel est votre nom ? », « Que demandez-vous à l’Église de Dieu ? ». Cette question n’est pas à rejeter sous prétexte que tout le monde sait bien ce que cherchent les catéchumènes car pareille question met en devoir de parler vrai. N’est-ce pas la question que Jésus pose aux disciples de Jean le Baptiste qui le suivent : « que cherchez-vous ? ». Ne soyons pas surpris que le Rituel de l’Initiation Chrétienne des Adultes propose alors ce passage bien connu de l’Evangile de Jean. Et « que vous apporte la foi ? » poursuit le prêtre dans son dialogue avec le catéchumène. La réponse suggérée est tout aussi lapidaire : « La vie éternelle », évitant ainsi tous rêves ou tous malentendus car il n’y a aucun avantage matériel à attendre de cette démarche spirituelle ! En écho, n’entendons-nous pas Jésus qui écarte tout malentendu en disant à deux disciples, dans cette même péricope : « venez et voyez ! ». En résumé, il n’y a pas de plus belles pages tirées de l’Ecriture pour permettre à quelqu’un de vivre cette première étape du Baptême. Et il en est de même pour toutes les autres étapes que propose le RICA.
Nous avons donc à accorder aujourd’hui une véritable confiance à l’agir liturgique de l’Eglise. Pourquoi ? Parce que le Concile a souligné le statut ecclésial de la liturgie et invité à une prise en considération théologique des données liturgiques. La liturgie est le lieu-dit de la Parole, et par elle « s’exerce l’œuvre de notre rédemption » (SC 2). La Constitution poursuit : « La liturgie édifie chaque jour ceux qui sont au-dedans en temple saint dans le Seigneur, en habitation de Dieu dans l’Esprit, jusqu’à la taille de la plénitude du Christ ; elle affermit en même temps, de façon admirable, leurs forces en vue de la proclamation du Christ et, ainsi, elle montre l’Église à ceux qui sont au dehors comme un signe levé sur les nations» (ib.).
Un autre constat demande de faire confiance à la liturgie de l’Église. Les formulations théologiques transmises par la catéchèse sont liées au contexte culturel d’une époque. La réponse catéchétique est inévitablement dépendante des limites historiques et culturelles que ces formules connaissent. En 2006, l’Episcopat français a impulsé une nouvelle orientation catéchétique. Le souci était de faire comprendre que l’agir pédagogique est référé à une expérience de foi et non pas à un message. L’enjeu était de faire saisir que notre Dieu se communique aux hommes. En référant ainsi l’agir pédagogique à une expérience de Dieu, la Parole de Dieu ne pouvait plus être un objet dont on userait comme une médiation instrumentale. Il y avait à reconnaître un événement : celui d’un Dieu qui se communique à nous. C’est pourquoi l’importance de la liturgie a été soulignée. Elle contient un potentiel catéchétique au sens où elle introduit dans le mystère chrétien et fait vivre aux participants l’essentiel de la foi chrétienne, avec d’autres chrétiens réunis en communauté. Mais la liturgie n’est pas catéchétique au sens où elle expliquerait les données de la foi. Sa nature est existentielle et invite à ne paraphraser ni la Parole de Dieu et ni l’actualité qu’elle réalise. Puisque cette médiation est un lieu concret où Dieu se fait connaître (et que l’Église reconnaît comme événement de catéchèse), laissons la Parole faire son travail en nous.
Toutefois, un dernier point est à rappeler. Il est la clé de voûte de l’ensemble. Une démarche de catéchèse se préoccupe de la transformation des personnes ; quand une liturgie prend en charge l’itinéraire à vivre, cet agir n’est pas inscrit dans un fruit déjà prévu d’avance. Il est « caché en Dieu ». C’est l’acte même de Dieu qui attire à Lui. Comme le disait déjà Saint Augustin :
C’est le maître intérieur qui instruit, C’est le Christ qui instruit, C’est son inspiration qui instruit. – Saint Augustin, Commentaire de la première épître de saint Jean.