Les fondamentaux de la foi : au cœur de la veillée pascale
Intervention de Aude Corvaisier-Riche, université de Lyon dans le cadre de la formation Affirmer sa foi dans un monde pluri-religieux (juin 2018).
Pour réfléchir ensemble aux fondamentaux de la foi, nous avons choisi de partir de la veillée pascale, mais nous aurions pu prendre l’ensemble du triduum pascal, parce que cela nous place au cœur de la foi chrétienne, à sa source, au lieu de naissance du Credo baptismal. La veillée pascale est le lieu de naissance des confessions de foi, c’est le cœur de ce que nous célébrons.
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Aujourd’hui, nous confessons la foi avec le credo baptismal et deux autres credo (Symbole des Apôtres et Symbole de Nicée Constantinople). Le terme de Symbole est riche de sens, il renvoie à une alliance faite, ici une alliance entre Dieu et les hommes.
Le baptême, est le moment décisif où se noue cette alliance, sous la forme d’une participation à la vie bienheureuse de Dieu, où le désir de Dieu de nous faire participer à sa vie bienheureuse prend chair. Partir de la vigile pascale, c’est considérer le credo et donc la foi dans sa sacramentalité, intimement liés à l’initiation chrétienne, c’est attester que la foi est l’adhésion de tout l’être, elle est expérience relationnelle, expérience existentielle qui engage tout l’être. La foi grandit grâce à la médiation des corps (corps humain et corps ecclésial). La structure sacramentelle de la foi souligne le don de Dieu et la réponse à ce don. La sacramentalité de la foi manifeste donc que la foi n’est pas une réalité statique, une chose que nous pourrions posséder mais un chemin, sur lequel nous entrons avec tout notre être et avec nos frères. La foi est réponse humaine prise en toute liberté à l’amour et à l’appel de Dieu.
- Le Credo dit de manière forte la dimension communautaire de la foi : un « je » qui se dit ensemble, c’est une incorporation au corps du Christ.
- Le Credo n’est pas un système de de connaissance qui serait extérieur à nous, mais c’est une voie, un chemin de foi, un chemin de vie. Le pape François parle souvent de la foi comme un chemin (Lumen Fidei).
- La forme dialogale du Credo met en valeur la foi comme question et réponse, appel et accueil de ce qui est offert.
Le baptême des petits enfants met surtout en valeur la foi comme un don. Il est important de comprendre l’initiation chrétienne dans son unité pour voir la foi dans toutes ses dimensions. La forme dialoguée maintient ensemble deux éléments essentiels de la foi : la foi comme don, l’Eglise comme sujet du don en dehors de laquelle la foi n’est pas possible et l’adhésion active.
- Le Credo qui n’a de sens que comme expression d’une conversion au Fils (metanoïa) ne représente pas une quelconque attitude chrétienne, mais constitue absolument l’acte fondamental du christianisme, considéré, bien sûr, sous un aspect tout à fait déterminé : celui du changement, du retournement, du passage à un être nouveau, à un être différent. Pour devenir chrétien, l’homme doit nécessairement se transformer, non pas simplement sur un point quelconque, mais sans restriction, jusqu’à la plus ultime profondeur de son être. »
La profession de foi est au cœur de la veillée pascale et la veillée pascale est au cœur du triduum pascal.
L’office de la lumière
La vigile pascale commence par la nuit – nous sommes le samedi saint. Partir de là, c’est ne pas mettre de côté le mystère du mal et affirmer que le Christ est vainqueur. La bible n’explique pas le mal, Dieu n’explique pas le mal, mais s’engage contre le mal. Le Christ est solidaire avec nous dans la lutte contre le mal. Il a lui aussi été écrasé par le mal. Jésus comme Job est entré dans la nuit de l’excès de mal. L’attitude même de Jésus sur la croix transforme l’image du mal qu’il subit.
Au sein de l’obscurité complète, le feu nouveau est tiré de la pierre, symbole du Christ ressuscité sortant du tombeau. Le cierge pascal est allumé à ce feu, puis, progressivement, tous les cierges que tiennent en main les prêtres, les diacres et les fidèles. Alors, ayant fait saluer trois fois la « Lumière du Christ » d’un triple « Deo gratias ! », le diacre en vêtements de fête chante l’Exultet dans l’église nouvellement illuminée : la grande bénédiction de la lumière de Pâques victorieuse des ténèbres du monde. Ce cantique à la lumière du Christ ressuscité, au début de l’initiation chrétienne définitive, est une invitation à la joie exultante. Après leur cheminement, les rites du catéchuménat et le tridium pascal, les catéchumènes ont déjà fait l’expérience qu’être appelé à la foi, c’est être appelé à lutter, à lutter jusqu’à la Croix. Maintenant qu’ils y ont consenti, ils peuvent entendre la promesse de la joie de l’annonce de la victoire du Christ, qui appartient à tous ceux qui auront lutté, avec lui, contre les puissances du mal, jusqu’à la mort. Cette joie à laquelle invite l’Exultet est vraiment le fond de la foi chrétienne ; elle apporte une transfiguration victorieuse à toute notre vue du monde[1].
La liturgie de la Parole
La Vigile Pascale se poursuit alors avec la lecture de la Parole de Dieu. Les récits fondateurs de l’histoire du Salut de la genèse, de l’Exode et des prophètes sont proclamés. Le peuple de Dieu fait mémoire de l’œuvre de Salut de Dieu pour son peuple.
Ce qui est annoncé dans l’Ancien Testament se réalise avec le Christ. C’est le dévoilement progressif de l’homme. Chacun doit retraverser en raccourci toute l‘histoire. A la veillée pascale, symboliquement par les lectures, les catéchumènes retraversent toute l’histoire sainte, qu’ils avaient déjà traversée pendant le temps du catéchuménat[2]. Il n’y a pas d’écart entre la Parole et les actes de Dieu. Comme il l’avait promis, Dieu est passé au milieu de son peuple. Le vrai « passage » de Dieu parmi nous, c’est celui, en effet, qui s’est accompli dans la vie terrestre de Jésus-Christ, la Parole de Dieu faite homme. Le véritable exode, c’est celui par lequel l’Homme-Dieu, dans sa mort et sa résurrection, est « passé » de ce monde à son Père. La vraie Pâque, c’est donc le mystère du Christ mort et ressuscité. Il est lui-même cette colonne de lumière qui doit nous guider hors de la nuit de l’Egypte vers le pays promis. Le récit du lavement des pieds, entendu le jeudi saint nous rappelle que c’est un acte d’amour.
La célébration du baptême et de la confirmation
Nous voici maintenant au cœur du mystère. Le plus grand désir de Dieu est de nous faire participer à sa vie bienheureuse et c’est bien cela qui est en jeu ici. La bénédiction de l’eau rappelle une fois encore l’histoire du salut, de la création au mystère pascal. L’Esprit Saint est invoqué sur l’eau, pour qu’elle reçoive la grâce du Christ.
La triple renonciation au mal rappelle que la vie chrétienne est un choix, une éthique.
Les catéchumènes sont au bord des fonds baptismaux, ils vont maintenant dire trois fois oui à la question « croyez-vous ? ». Et immédiatement après, être plongé trois fois dans l’eau du baptême. La triple profession de foi et la triple immersion sont comme un même rite, celui du « oui », de l’adhésion de toute une vie au Christ, en participant avec lui à sa mort et résurrection et en recevant l’Esprit Saint. Ils revêtent le vêtement blanc, signe de leur nouvelle dignité de fils adoptif du Père et pourront enfin proclamer « le Notre Père » avec tous les fidèles.
Par le baptême, les baptisés sont devenus participants de la dignité du Christ, prêtre, prophète et roi. Le christianisme et donc le credo n’est pas un système de connaissance mais un chemin sacramentel vécu en Eglise, un chemin de conversion. « C’est le Seigneur qui adjoint des nouveaux membres à sa communauté »
La célébration de l’eucharistie
La table eucharistique peut maintenant être dressée et les nouveaux baptisés s’avancer vers elle pour la première fois. Avec l’Eucharistie, l’Initiation chrétienne est achevée, les baptisés acquièrent leur pleine stature de fils adoptif du Père et célèbrent au sein du peuple le mémorial du mystère pascal. Les baptisés participent comme par anticipation au banquet messianique. Ce n’est pas rien que l’achèvement de l’Initiation Chrétienne se fasse par le sacrement de l’Eucharistie qui est aussi celui où se déploie toute la dimension eschatologique de la vie chrétienne. Par l’incarnation et le mystère pascal du Christ, les temps derniers ont déjà commencé, les baptisés peuvent déjà gouter aux prémices de la vie éternelle.
Par le baptême, et la confirmation le Seigneur s’est adjoint de nouveaux membres. Rappelons-nous que pour les Pères de l’Eglise, par exemple Saint Augustin, lors de la célébration eucharistique, le Corps du Christ est d’abord l’Eglise. Ce qui est au premier plan, ce n’est pas le groupement d’hommes et de femmes que constitue l’Eglise, mais le don de Dieu qui retourne l’homme pour le faire accéder à une nouvelle existence de fils adoptif, qu’il reçoit comme un don et appartenir à une communauté qu’il ne peut recevoir que comme un don.
L’envoi
Dernier temps fondamental, celui de l’envoi, signe d’une communauté, d’une Eglise qui n’existe pas pour elle-même mais est envoyée vers le monde. Nous pouvons reprendre les paroles de la finale de Matthieu « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, du Fils, et du Saint Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. ». L’Eglise est par nature missionnaire. Comme le Père a envoyé le Fils, chaque baptisé est envoyé par le Fils.
[1] Louis Bouyer, L’Initiation Chrétienne, Cerf, Coll. Bibliothèque du Cerf, 1958, Réed 2012
[2] Louis Bouyer, L’Initiation Chrétienne, Cerf, Coll. Bibliothèque du Cerf, 1958, Réed 2012, p123.