Droit à l’image : quelles sont les règles à respecter ?

Un photographe.

Un photographe.

Quelles sont les règles à respecter avant de diffuser une photographie ? Pour y voir plus clair, voici un rappel de la réglementation en vigueur et quelques précieux conseils juridiques à lire afin de partager et publier des images en toute légalité et dans le respect du droit à l’image des personnes et des biens.

Nous reprenons ici les mots de Frédéric Bergeret, invité à intervenir sur le thème « Droit à l’image : quelles sont les règles à respecter ? » lors d’un événement de l’Association de la Presse des Mouvements et Services d’Église au mois de janvier 2020.

Constat

Il nous faut avoir des réflexes liés aux grands principes du droit à l’image, or le problème est souvent qu’on ne se pose pas assez de questions avant de publier pour bien border la parution de l’image dans nos titres.

Le Droit à l’image se construit continuellement par la jurisprudence. Il se divise en deux catégories : droit à l’image des personnes / droit à l’image des biens.

Un exemple pour commencer

Le selfie du singe Naruto en 2011 avec l’appareil photo du photographe David Slater.

Cette photo a fait le tour du monde. La question du droit à l’image de l’animal s’est posée. La justice américaine a jugé finalement que l’animal ne pouvait pas prétendre aux droits d’auteur. Mais la question s’est posée et a agité les médias plusieurs semaines.

Un droit pour faire respecter la vie privée

  • La première fois que la question a surgi, c’est à la mort de la tragédienne Rachel. En 1858, suite à une photo prise de la tragédienne, un portrait dessiné de la tragédienne Rachel sur son lit de mort est exposé et publié dans un journal sans l’autorisation de sa famille. Le procès qui s’ensuit est déterminant pour le droit à l’image en France. Il n’y avait pas de règle. Ce fut un cas de jurisprudence.
  • L’article 9 alinéa 1 du Code civil dispose que :

« Chacun a droit au respect de sa vie privée ».

  • Autre article fondateur :

« Toute personne dispose sur son image, partie intégrante de sa personnalité, d’un droit exclusif qui lui permet de s’opposer à sa reproduction sans son autorisation expresse et spéciale… » (Cass. Civ. 1ère, 27 février 2007)

  • Attention : les infos sur le droit à l’image données sur internet sont très souvent fausses ou imprécises !

Droit à l’image des personnes

Grands principes du droit à l’image des personnes

1. Critère principal : l’identification

Si on vous reconnait distinctement sur une photo, vous êtes en droit de contester la publication.

Il peut s’agir d’une identification de face ou de dos si la carrure, la coiffure sont typiquement reconnaissables. Ce peut-être un élément particulièrement reconnaissable, comme un tatouage par exemple.

Ex : le tatouage dans le dos du chanteur Renaud qui avait fait couler beaucoup d’encre dans les médias / profil Hitchcock…

  • Attention : l’image ne limite donc pas au visage !
2. Qui ne dit mot… ne consent pas forcément : la non réponse ne présume pas accord

L’accord écrit est impérativement nécessaire. Parfois, ça reste compliqué d’avoir l’accord écrit.

  • Dans certains cas, l’accord est implicite :

Ex : Interview d’un ministre – sa fonction est connue, il est interrogée dans le cadre de sa fonction publique, le consentement est donc implicite.

Ex : Interview d’une personne moins connue mais le journaliste est accompagné d’un photographe qui prend des photos pendant l’entretien. Le consentement est aussi implicite car l’interviewé a accepté la prise de photos, et c’est en connaissance de cause pour un accompagner article interview.

3. La portée de l’autorisation

L’accord doit être écrit, certes, mais il doit précis et définir que la photo est publiée dans le cadre de telle utilisation, dans un cadre précis, pour tel support de publication (bien penser à la promotion sur réseaux sociaux aussi) et limitée dans le temps (c’est un garde-fou car des personnes peuvent avoir changé de fonction, de vie…). Préconisation d’une limite de 5 ans, c’est bien car de toute façon au bout de cinq ans on voit que les images changent et vieillissent.

  • Vigilance : publier 1 photo, c’est diffuser l’image d’une personne, on touche à la personnalité et à l’histoire de la personne. Il faut bien en être conscient.
  • Si on fait appel à un photographe professionnel, il est censé être au fait et avoir les autorisations. Il faut bien vérifier cela avec lui.
4. Pas d’autorisation générale

On ne peut pas invoquer une autorisation globale, générale ou indéfinie. La règle est la suivante : une utilisation = une autorisation.

5. Pas de transmission de droit à l’image

On ne peut pas donner l’accord pour la publication d’une photo pour quelqu’un d’autre même si on connaît bien cette personne, qu’on suppose qu’elle sera d’accord, qu’on a des liens d’amitié ou une relation de confiance. Cela ne suffit pas : il faut un accord écrit.

6. Attention aux mineurs et personnes en situation de handicap

Il faut surtout dans ces cas l’autorisation des personnes représentants légaux (tuteurs) et/ou des deux parents.

Les exceptions

1. Droit à l’information

Il peut être saisi mais dans la mesure où on respecte quelques règles, la photo doit être :

  • « respectueuse de la dignité humaine »

Ex : Les photos des morts du Bataclan ou du préfet Claude Erygnac abattu ont choqué l’opinion publique.

  • prise dans un bon esprit sans légende dévalorisante ou volée
  • publiée dans un article en lien direct avec l’événement
  • publiée dans un délai doit être proche (illustrer une actu avec une image d’une vieille actu)

Toujours bien préciser le contexte de la photo pr éviter incompréhensions

2. Photo dite « historique »

Certaines photos ont tellement marquées qu’elles sont devenues « historiques » et les droits ne peuvent plus être réclamé à ce titre.

Ex : Couverture de Paris Match : « La Marianne de 68 ».

Ex : La photo de Kathrine Switzer : première femme a avoir couru le Marathon de Boston.

3. Individu accessoire (ex : un passant)

Si la personne n’est qu’un passant dans une rue et qu’il apparaît comme un élément parmi d’autres du décor, il ne peut pas réclamer de droits.

4. L’individu non identifiable
5. L’expression artistique

Ce peut être un argument si il y a une construction et une symbolique artistique. Exception à manier avec prudence car, en définitive, seul le juge est en mesure de pouvoir l’apprécier.

6. Personne connue (dans une situation de consentement implicite)
  • Photo retouchée : toujours le signaler !

Droit à l’image des biens

Principe

« Le propriétaire a un droit exclusif sur l’image de son bien ». Mais cela est tellement contraignant qu’il y a beaucoup de jurisprudence afin de limiter ce droit exclusif.

Les questions à se poser pour éviter les problèmes :

  • Est-ce que la photo crée un trouble réel économique ou non-économique ?
  • Le bon sens et la prudence : demander l’autorisation.

Ex : Photographie de la Tour Eiffel : autorisée de jour mais pas de nuit car une société de mise en lumière en gère les droits.

  • Le cas particulier des œuvres d’art :

Pour tout ce qui concerne les œuvres d’art et le droit des artistes, il faudra se reporter aux informations du site adagp.fr, l’Association pour la diffusion des arts graphiques et plastique.

  • Couvertures de livres, affiches d’événements dans le cadre de recensions

Autorisée car considérée presque comme une publicité.

Frédéric Bergeret, Responsable des éditions de la Conférence des évêques de France et référent droit à l’image et droit d’auteur

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