La catéchèse mystagogique d’après les papes Benoît XVI et François
Dans la perspective de l’enquête annuelle du catéchuménat, voici quelques éléments de réflexions, à partir des enseignements de Benoît XVI et du Pape François, sur la catéchèse mystagogique.
Dans La Joie de l’Evangile n. 161, le pape François encourage le développement d’une «initiation mystagogique». Il se situe dans le prolongement du pape Benoît XVI qui, à la suite du Synode des évêques de 2005, avait valorisé la catéchèse mystagogique en vue d’une participation plus intériorisée à l’eucharistie (Sacramentum caritatis n. 64). La liturgie est en effet le lieu d’une authentique rencontre d’amour avec Dieu et il est important d’aider le fidèle à en prendre conscience et à en vivre. La catéchèse mystagogique permet justement cette prise de conscience.
La liturgie comme lieu catéchétique
Pour bien comprendre cela, il convient tout d’abord de noter que la liturgie a une dimension catéchétique. Elle nous forme, nous éduque, nous façonne comme baptisés. Le pape Benoît XVI indique ainsi, reprenant une affirmation du Synode des évêques,que «la meilleure catéchèse sur l’eucharistie est l’eucharistie elle-même bien célébrée» (Ibid.). La liturgie est pleinement catéchétique quand elle est célébrée de manière belle, digne, soignée.
Le pape François insiste encore sur le caractère vécu de cette catéchèse. La liturgie est elle-même vivante: le Christ y vient à notre rencontre, il y donne vie à l’Eglise. La catéchèse mystagogique donne donc l’intelligence du mystère vécu dans le cadre d’une expérience liturgique, en particulier dans l’eucharistie où le Christ se rend présent dans le pain et le vin consacrés.
Mystagogie et valorisation des signes liturgiques
Dans La Joie de l’Evangile, le pape François indique une première fonction à la catéchèse mystagogique: «une valorisation renouvelée des signes liturgiques de l’initiation chrétienne» (La Joie de l’Evangile n. 166).
Il s’agit tout d’abord, comme le dit Benoît XVI, d’interpréter les « rites à la lumière des événements salvifiques» (Sacramentum caritatis n. 64), c’est-à-dire de mettre en lumière ce que les rites nous dévoilent des mystères du salut et, tout spécialement, du mystère pascal. En quoi est-ce que j’approfondis ma connaissance des mystères du salut dans ma participation à la liturgie? Qu’est-ce que celle-ci transforme en moi? En quoi est-elle un chemin de salut pour moi?
Benoît XVI écrit encore que la catéchèse mystagogique doit «introduire au sens des signes contenus dans les rites» (Ibid.). Notre foi se dit dans les rites par mode de symboles. Toutes les dimensions de mon être sont engagées dans les rites. Il s’agit d’éduquer le fidèle à ce langage symbolique où le geste se joint à la parole. Qu’est-ce que j’exprime, par exemple, quand je fais le signe de croix en disant: «Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit»? Le Catéchisme de l’Eglise catholique, qui nous livre une très belle mystagogie de la célébration du baptême (Catéchisme de l’Eglise catholique n. 1234-1245), nous dit que, réalisé au seuil du baptême, le signe de croix «marque l’empreinte du Christ sur celui qui va Lui appartenir» (n. 1235).
Mystagogie et croissance
Dans La Joie de l’Évangile, le pape François donne une seconde fonction à la catéchèse mystagogique: favoriser la «progressivité nécessaire de l’expérience de formationdans laquelle toute la communauté intervient » (La joie de l’Évangile n. 166). Pour le Pape François, l’évangélisation est un chemin de croissance non seulement dans la connaissance de la doctrine, mais aussi dans l’exercice de la charité. Ce chemin de croissance, c’est le Christ qui en a l’initiative – une initiative gratuite, par amour – en appelant chacun de nous à le suivre. Il se vit en Eglise qui est notre mère, c’est-à-dire qui nous «engendre dans la foi» et nous aide à grandir (catéchèse du Pape François du 11 septembre 2013). L’initiation chrétienne n’est dès lors pas seulement une initiation au contenu de la foi chrétienne, mais aussi à un agir chrétien sous la motion de l’Esprit-Saint.
La catéchèse mystagogique est ainsi une véritable «école de vie chrétienne», où nous expérimentons, nous sentons l’amour de Dieu pour chacun de nous personnellement, pour son Eglise (discours du pape François du 24 août 2017). Nous expérimentons que le Christ est au milieu de nous, que nous faisons Eglise.
En quoi est-elle une «école de vie chrétienne»? Benoît XVI écrit que la catéchèse mystagogique vise à favoriser «l’accord profond des gestes et des paroles des fidèles avec leurs dispositions intérieures» (Sacramentum caritatis n. 64). Nos gestes et nos paroles expriment nos dispositions intérieures, notre amour pour le Christ, pour nos frères, pour l’Eglise. Nous sommes invités à vivre toujours plus de la réalité que nous célébrons, à témoigner par notre vie de notre rencontre avec le Ressuscité. Nous apprenons dans la célébration des rites ce qu’est «la vocation et la mission des disciples de Jésus» (discours du pape François du 24 août 2017).
C’est pourquoi les catéchèses mystagogiques ne sont pas réservées aux seuls catéchumènes et néophytes, mais sont destinées à l’ensemble des fidèles. Tous sont en effet conviés à entrer dans ce chemin de croissance, qui se déploie tout au long de la vie. Ces catéchèses peuvent se dérouler durant toute l’année liturgique, toujours en lien avec une liturgie, pour fortifier l’engagement à la suite du Christ.
Le temps de la mystagogie, un temps privilégié pour approfondir la dimension communautaire de ce chemin
Le temps pascal est le temps privilégié pour l’approfondissement du mystère pascal. Cet approfondissement concerne tous les baptisés et, en particulier, les néophytes qui viennent de recevoir les sacrements de l’initiation chrétienne. Le Rituel de l’initiation chrétienne de l’initiation des adultes (RICA) insiste, aux côtés de l’approfondissement de « l’intelligence des Écritures » et de la « connaissance de l’homme », sur «l’expérience de la communauté» (n. 238) que font les néophytes. La rencontre avec Jésus, réalisée dans la liturgie, n’est en effet pas seulement personnelle, mais communautaire. Le chemin de croissance est accompli en communauté.
Le RICA suggère ainsi quelques occasions d’expériences liturgiques communautaires: les messes pour les néophytes, la célébration de la clôture du temps de la mystagogie, la célébration de l’anniversaire du baptême. Il s’agit là d’autant d’occasions d’approfondir l’expérience du mystère pascal, vécue au baptême.
La dimension communautaire est mise en valeur au travers de l’implication des parrains et marraines dans les messes pour les néophytes. Elle apparaît également à propos de l’encouragement à une rencontre des néophytes autour de l’évêque. C’est l’occasion d’approfondir le lien que tout baptisé entretient avec son évêque.
Quelques pistes de catéchèses mystagogiques
La catéchèse mystagogique découlant de la liturgie, il est important de soigner la liturgie et, en particulier, le rite qui fait l’objet de la catéchèse mystagogique. Celui-ci devra être mis en valeur par une attention spéciale accordée à sa célébration. Les lignes qui précèdent nous donnent déjà quelques pistes de catéchèses mystagogiques.
- L’attention peut ainsi être portée de manière particulière sur le signe de la croix par le célébrant au début de l’eucharistie. La catéchèse mystagogique pourra ensuite inciter à faire mémoire de la première fois où nous avons été signés du signe de la croix, de toutes les fois où nous nous sommes signés au début de l’eucharistie. Elle explicitera ce qu’il nous dit du mystère du salut. Dieu Père se révèle à nous par son Fils, qui s’est offert à la croix pour notre salut, et dans l’Esprit.
- La rencontre des néophytes avec l’évêque peut être l’occasion de revenir sur l’expérience de la célébration du baptême, vécue. Un rite – le rite de l’eau – peut être particulièrement mis en valeur.
- Le chemin de croissance est un chemin de conversion. L’accent peut être mis sur les rites pénitentiels dans l’eucharistie. Comment cechemin de conversion est un chemin de salut, qui me mène au Christ?
- Les récentes catéchèses du Pape François sur l’eucharistie (débutées en novembre 2017) donnent de nombreuses pistes pour des catéchèses mystagogiques.