« Faire mémoire du sacrement de la Confirmation »
Nous avons été interrogé par un diocèse sur la possibilité d’un geste pour « renouveler le vœu de la confirmation », geste qui dans leur cas prenait place dans le cadre d’un rassemblement … Voici les points de notre réponse :
Constat
Cette demande singulière vient interroger notre manière de proposer et de vivre le sacrement de la confirmation dans nos diocèses. Il est à noter que lors de l’accompagnement des confirmands est souvent proposée une étape « mémoire du baptême ».
Par ailleurs, cette demande est particulièrement révélatrice de l’évolution de notre rapport à la ritualité et à ce qu’elle suscite dans les existences humaines. Renouveler un vœu, un engagement, au travers de gestes ou de paroles, apparaît nécessaire quand les contours mêmes de celui-ci deviennent plus ou moins flous, qu’il devient parfois difficile d’en vivre ou d’en témoigner, dans un contexte qui en diminue la valeur de promesse et de responsabilité.
Enfin, comme il n’est pas prévu pareil geste dans les rituels ou la pratique liturgique traditionnelle de l’Église, contrairement au baptême où la signation avec l’eau consacrée à la Vigile pascale ou l’aspersion dominicale ravive le geste d’eau et sa valeur salutaire, il est légitime de se demander comment renouveler la mémoire du sacrement de confirmation.
Je te le rappelle, ravive le don gratuit de Dieu,
ce don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains.
Saint Paul à Timothée (2Tm1,6)
Questions
On peut relever 3 questions sous-jacentes à cette demande.
Question ecclésiologique
Tout d’abord, une question ecclésiologique. Elle concerne le statut du baptisé et l’exercice de sa vocation baptismale comme expression des charismes et de l’œuvre de l’Esprit saint. Toute existence chrétienne peut se comprendre comme un chemin d’Alliance avec le Père par le Fils, dans l’Esprit qui les unit. Cette union se réalise pleinement dans la manière dont les baptisés œuvrent pour le Royaume. Construire l’Église et, par-là, le Royaume comme Peuple de Dieu, Corps du Christ et Temple de l’Esprit, est déjà une manière de renouveler en permanence le don reçu et l’engagement pris à la confirmation. De fait, cela interroge notre manière de donner place aux confirmés dans la vie de nos communautés locales, et donc de qualifier cet achèvement de leur Initiation à la foi.
Question sacramentelle
Mais c’est aussi une question sacramentelle. Celle-ci est d’autant plus aiguë que cette demande met en lumière :
- l’éclatement des 3 sacrements de l’Initiation chrétienne, dans leur pratique comme dans leur compréhension réciproque ;
- le fait que la confirmation soit comprise comme l’achèvement de l’Initiation chrétienne en lieu et place de l’eucharistie ;
- la pastoralisation du sacrement de la confirmation, au service de la maturité de la foi (adolescence, engagement missionnaire, parcours catéchuménal pour les adultes en demande de confirmation…).
Il ne s’agit pas ici d’interroger la légitimité de ces pratiques, qui revêtent forcément des formes très variées selon les diocèses. Cependant, de fait, il est logique que des personnes déjà confirmées expriment une demande de réactivation de leur propre sacrement, dans la mesure où elles éprouvent qu’il manquerait quelque chose à leur vie croyante du fait qu’elles ont vécu le sacrement sans forcément y inscrire une décision libre et mature.
Question spirituelle
C’est enfin une question spirituelle qui touche à la manière dont la vie chrétienne est comprise comme une vie sous le régime de l’Esprit saint. Ce qui revient à interroger la fragilité des espaces de relecture ou d’approfondissement de l’existence comme vie selon l’Esprit du Ressuscité. De même, dans la pratique ecclésiale, le sacrement de confirmation n’étant pas toujours requis comme indispensable pour exercer telle ou telle charge (catéchèse, mission liturgique…), tel ou tel office, voire même se marier, sa valeur spirituelle peut sembler moins importante.
Discernement
Tout d’abord, il convient de se rappeler que l’on ne peut renouveler le « vœu » de confirmation. D’une part, parce qu’elle n’est pas un vœu ni une option, mais une grâce sacramentelle à déployer par le caractère reçu. Ce sacrement ne peut donc pas être réitéré.
Ensuite, si on comprend bien le désir de renouveler l’engagement de la confirmation, sa réactivation s’accomplit déjà, liturgiquement, chaque dimanche durant l’eucharistie et, au plus haut point, durant la Vigile Pascale : professer la foi, proclamer les écritures comme Parole de Dieu, recevoir le Pain de vie à la communion, etc. sont autant de marques de l’action de l’Esprit saint en nous ; mais aussi chaque fois que l’on exerce le ministère de la prière et de la louange, c’est bien le fruit en nous des sept dons de l’Esprit saint. Elle s’accomplit également par le service quotidien du témoignage et de l’annonce de la foi et, enfin, au plus haut point par l’exercice de la charité. On pourrait, pour s’en convaincre, mentionner dans les écrits évangéliques ou pauliniens, tout ce qui concerne l’œuvre de l’Esprit saint dans la vie apostolique. Au final, c’est bien toute la vie baptismale qui est polarisée par la confirmation pour devenir une vie spirituelle, tendue vers son accomplissement eucharistique.
Enfin, il est nécessaire de rappeler la logique qui sous-tend tout agir chrétien, dont la liturgie et les sacrements sont, à la fois, la source et le sommet : on ne vit pas d’un souvenir du passé, mais d’un don de grâce toujours nouveau, qui nous fait vivre chaque jour. Dit autrement, passer de la dimension mémorielle à celle du mémorial, c’est penser la confirmation comme don particulier de l’Esprit saint, toujours à déployer, et non comme un vase qui se vide qu’il faudrait remplir à nouveau. Toute célébration sacramentelle, parce qu’elle est un mémorial de la mort et la Résurrection du Christ, édifie chaque baptisé comme membre de l’Église. Ainsi, tout sacrement ne concerne pas seulement celui qui le reçoit, mais tous ceux qui en ont été marqués, et vient en raviver le don. Membre du Corps du Christ, le sacrement (et l’engagement qu’il contient) est réactivé par la grâce débordante qui vient saisir ceux qui sont confirmés.
Propositions
Face à cette demande, il apparaît souhaitable de proposer plusieurs pistes à conjuguer, afin de permettre aux participants d’accueillir le sacrement de la confirmation comme une grâce ecclésiale, un don actuel pour susciter chez tous, jeunes confirmés comme plus anciennement initiés à la foi, les fruits d’une vie selon l’Esprit saint.
La conjugaison de ces pistes requiert un travail commun évidemment entre les services diocésains de la catéchèse et du catéchuménat, et celui de la pastorale sacramentelle et liturgique. Mais il peut s’étendre à d’autres services qui apporteront leur précieux concours : service de formation diocésaine, service de vie spirituelle, mouvements de jeunes ou d’adultes, etc.
5 pistes à conjuguer :
- Veiller à une participation des confirmés, jeunes ou adultes, dans le parcours des futurs confirmands, opportunité pour permettre à tous les baptisés de témoigner de l’œuvre de l’Esprit en eux et dans leurs communautés locales, comme dans la vie diocésaine, en accompagnant ceux qui vont vivre le sacrement.
- Durant un rassemblement, permettre à tous de prendre la mesure du don reçu par les sacrements de la foi (Baptême, Confirmation et Eucharistie). Pourquoi ne pas offrir, un temps sous la forme d’un atelier d’accompagnement ou d’un espace de rencontre, où les participants puissent faire relecture de leur existence baptismale, ce qu’ils vivent de la grâce de l’Esprit saint, pour mieux en recueillir les fruits et discerner leurs charismes.
- Permettre à tous, à travers les divers modes de participation à la célébration de confirmation (chants, musique, procession d’entrée ou des dons, aspersion avec l’eau consacrée à Pâques…), de célébrer la joie du don que Dieu fait à son église par le sacrement de confirmation. L’homélie pourra mettre en valeur le lien entre confirmés d’hier et d’aujourd’hui réunis en une seule ecclésia.
- Favoriser un parrainage des futurs confirmés par un confirmé de sa communauté locale, afin de manifester l’accomplissement de l’Initiation chrétienne. Cet accompagnement est le renouvellement par excellence du sacrement reçu.
- Proposer une vigile de Pentecôte, au terme du temps pascal. En invitant les nouveaux confirmés à rejoindre leur communauté locale pour rendre grâce et appeler, une nouvelle fois, la venue de l’esprit de Pentecôte sur le monde et sur l’Église, chacun sera renouvelé dans la grâce reçue. Un formulaire liturgique (textes bibliques et prières) spécifique est disponible dans le Missel romain (messe de la veille au soir de Pentecôte) et dans le lectionnaire dominical.