Renouveler les promesses du baptême lors de la vigile pascale ?
Un peu de théologie, L’Oasis n°14 : La promesse
La vigile pascale, une veillée pour puiser à la source du don reçu.
Lors de la vigile pascale, il arrive souvent que des adultes soient baptisés. Mais que s’y passe-t-il pour les baptisés de longue date ?
On dit communément que l’on « renouvelle les promesses du baptême ». Cependant ce n’est pas exactement ainsi que la liturgie de la veillée pascale l’envisage. On ne trouve cette expression ni dans les prières, ni dans les indications du Missel. L’idée d’un renouvellement des promesses baptismales naît à la Renaissance, quand le baptême est quasi exclusivement un baptême dès la naissance, aussitôt que possible.
Dans l’Antiquité chrétienne, le baptême est l’aboutissement d’un processus de conversion qui requiert une profession de foi mature et un changement de mode de vie. Aujourd’hui encore, la signification théologique du baptême s’appuie sur un itinéraire croyant responsable, dont la vigile pascale est par excellence l’écrin liturgique puisque par le baptême, le baptisé passe sacramentellement avec le Christ, de la mort à la vie.
La généralisation du baptême des petits enfants incite les pasteurs à chercher des remèdes pour catéchiser les baptisés et les rendre conscients de leur engagement. C’est le développement du catéchisme. Au début du XVIIIe siècle, le renouvellement des promesses baptismales devient un des enjeux des missions paroissiales du père Grignion de Montfort, où l’on prévoit une procession du Saint-Sacrement et un « itinéraire » qui passe par l’évangéliaire et les fonts baptismaux et se termine par la signature d’un « contrat d’alliance », adhésion à l’Évangile et à la profession de foi.
Tenir sa promesse : le baptême comme engagement1
C’est au IIIe siècle que Tertullien, officier romain, traduit le terme grec « mystère » qui désigne notamment le baptême et l’eucharistie par le mot latin sacramentum, qui a donné « sacrement ». Dans l’empire romain, le sacramentum est tout d’abord le serment que prête le militaire à l’empereur en invoquant les puissances divines. Par analogie, le baptisé est comme assermenté. Progressivement, cette notion d’engagement fait porter la valeur du baptême du côté de la réception du baptême et par conséquent de la conformité du baptisé au don reçu.
Aujourd’hui encore dans l’approche pastorale, la tentation peut être grande de survaloriser le baptême-engagement, ne serait-ce que parce qu’il est plus simple dans une prédication ou une catéchèse d’exhorter à des comportements que d’initier au mystère pascal.
La vigile pascale : une mystagogie du baptême
Lors de la vigile pascale, il nous est demandé qu’après l’entraînement du Carême, nous renouvelions la renonciation à Satan que l’on fait lors du baptême, nous renouvelions la profession de foi au Dieu vivant et vrai (Missel romain, 46).
Cette confession de foi est suivie de l’aspersion avec l’eau baptismale.
Si l’on ajoute le cierge pascal nouvellement allumé et les cierges que tiennent les fidèles, et plus encore les deux temps précédents de la liturgie de la lumière et de celle de la Parole, ce sont les principaux signes du baptême qui sont posés à nouveau par la liturgie de Pâques. La célébration combine les signes (l’eau et la lumière) de la vie nouvelle suscitée par le Ressuscité, et la réponse croyante de chaque fidèle dans l’assemblée, la profession de foi retrouvant sa place originaire dans l’ensemble d’une liturgie baptismale et pascale.
Nous proposons ici de comprendre « le renouvellement de promesses » comme le fruit de la célébration du mystère pascal. La veillée pascale est en quelque sorte une mystagogie de l’unique baptême. La source du baptême y est comme dégagée de ses encombrements. L’eau et la lumière prennent sens : « Par le mystère pascal, nous avons été mis au tombeau avec le Christ dans le baptême, afin qu’avec lui nous vivions d’une vie nouvelle » (MR 46). « Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Ep 4, 1-6) : le baptême comme la foi sont un. Mais l’histoire de nos existences appelle sans cesse au renouvellement, à puiser à la source et à la désencombrer pour qu’elle trouve en nous un chemin. La liturgie pascale contribue grandement à ce renouvellement, sans nous imposer une posture volontariste, voire moralisante. La vigile pascale nous fait revivre de l’amour gratuit du Seigneur, venant nous chercher là où nous en sommes, souvent du côté de la mort et du péché, nous donnant la parole pour, une fois encore, confesser la foi au Christ mort et ressuscité.
Dans la liturgie, nous ne promettons pas de croire, nous répondons que « nous croyons »2. C’est ensuite de notre responsabilité que de faire concorder notre cœur avec notre voix.
Sophie Gall-Alexeeff
Enseignante en liturgie et théologie sacramentaire,
directrice adjointe de l’Institut supérieur de sciences religieuses (IER) de l’Institut catholique de Paris (ICP)
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1. Pour approfondir : A. HOUSSIAU, L’engagement baptismal. Revue Théologique de Louvain, 1978, 9-2, pp 138-165.
2. Lors du baptême d’un petit enfant, le parrain répond « je crois » et non pas « je promets que cet enfant croira ». La promesse porte sur l’engagement à éduquer l’enfant dans la foi chrétienne (BPE).
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