Marie, disciple-missionnaire qui nous conduit au Christ

13 mai 2015 : Le pape François touchant la statue de Notre Dame de Fatima lors de l'audience pontificale hebdomadaire sur la place Saint Pierre au Vatican.

13 mai 2015 : Le pape François touchant la statue de Notre Dame de Fatima lors de l’audience pontificale hebdomadaire sur la place Saint Pierre au Vatican.

Un peu de théologie, L’Oasis n°18 : Le Seigneur est avec vous

La joie de Marie est de nous conduire au Christ.

« Disciple-missionnaire » : l’expression a été lancée par le pape François, en novembre 2013, quelques mois après son élection. Il l’emprunte à un document des évêques d’Amérique Latine : c’est bien normal ! Les deux termes, « disciple » et « missionnaire », n’ont rien d’original. La nouveauté, c’est le trait d’union. Le trait d’union est plus fort que la conjonction « et ».

Trois étapes pour dire oui

Cette vocation du chrétien se vérifie-t-elle en celle qui est la Mère de l’Église, la chrétienne par excellence ? Les deux premiers chapitres de l’évangile selon saint Luc permettent de répondre affirmativement. Comme un trait d’union relie « disciple » et « missionnaire », la Visitation est reliée explicitement à l’Annonciation : « En ces jours-là, Marie se rendit en hâte… »

Dans l’Annonciation, Marie se manifeste comme la parfaite disciple. En trois étapes.

Marie commence par être déconcertée, « bouleversée », dit la traduction liturgique. Si sainte soit-elle, la jeune fille de Nazareth ne s’attendait pas à être saluée de cette façon. La foi commence par un étonnement. L’ange Gabriel délivre alors son message : Marie sera la mère du Messie.

A son tour, Marie prend la parole et interroge. L’ange n’y voit, ni un refus, ni un manque de foi. Marie veut comprendre pour que son acceptation de la mission soit vraiment humaine, c’est-à-dire libre. L’ange reprend la parole : l’enfant qui sera appelé « fils de Dieu » sera conçu du Saint-Esprit, l’Esprit de Dieu. L’ange termine par une parole de l’Écriture, que Marie connaît bien sûr, elle qui puisera dans les psaumes pour chanter son Magnificat : « Rien n’est impossible à Dieu. »

Marie peut alors dire : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. » L’acte de foi de Marie s’inscrit dans le plus concret de son existence, non seulement son corps, mais sa fidélité à Joseph et le risque de la lapidation.

Devenir disciple, un processus

On ne devient pas disciple d’un coup, même si la conversion a été brutale, comme celle de Claudel à Notre-Dame. Marie elle-même apprendra à être disciple jusqu’à la Croix, quand elle recevra un autre fils qui ne sera pas né de sa chair. Sur le chemin de Damas, saint Paul n’est pas tombé de cheval (il n’y a pas de cheval dans le récit), mais il est tombé des nues : le blasphémateur, le crucifié du Golgotha lui apparaît vivant. Mais, comme Marie, il ne cessera de devenir de plus en plus disciple, jusqu’à ce qu’il puisse dire : « Moi, en effet, je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu.» (2 Tm 4, 6) Et saint Pierre ! Quel chemin entre le jour où il laissa ses filets et sa crucifixion, la tête en bas !

La joie d’être missionnaire

L’ange avait appris à Marie que sa vieille cousine, Elisabeth était enceinte. Marie n’avait pas attendu de le constater pour dire son Fiat. Mais elle part, immédiatement. Sans doute pour rendre service. Mais ce but ne semble pas prioritaire, à en croire l’évangéliste saint Luc. D’ailleurs, en comptant les mois, Marie aurait repris le chemin de Nazareth juste au moment de la naissance du petit.

Marie, la fine fleur d’Israël, porte en elle la jeunesse de l’Évangile. Elle porte la Bonne Nouvelle à sa vieille cousine qui, comme tous les « pauvres du Seigneur », les justes de la première Alliance, attendait le Messie. A travers la rencontre de Marie et d’Élisabeth, c’est Jésus qui vient à la rencontre de Jean, le Verbe fait chair à la rencontre du Précurseur. Le saint pape Jean Paul II avait employé une formule imagée : Marie est le « premier tabernacle » de l’Histoire.

A deux reprises, le récit indique que l’enfant a tressailli d’allégresse dans le sein d’Elisabeth. La joie de l’enfant rejaillit sur sa mère. Elle rejaillit aussi sur Marie qui entonne alors son Magnificat. C’est la joie du missionnaire quand la Bonne Nouvelle est accueillie. C’est la joie que mentionnent, si souvent, les Actes des Apôtres et les épîtres de saint Paul.

Le disciple, porte-Christ

Peut-on faire un rapprochement entre la scène de la Visitation et l’expérience des disciples-missionnaires ? Certes, la différence est grande : à la Visitation, le Nouveau Testament vient « accomplir » l’Ancien ; l’Ancien salue l’avènement du Nouveau. Mais une analogie peut être tentée. Le disciple-missionnaire n’est pas la personne même du Christ ; mais il porte en lui le Christ. Le Christ habite en lui par l’Esprit Saint. Tout baptisé est un saint Christophe. Celui à qui est annoncé l’Évangile n’est pas le futur Jean-Baptiste. Mais c’est un être humain en qui Dieu a déposé sa marque, ne serait-ce qu’en creux, comme une capacité à l’accueillir : en cela réside l’originalité de l’espèce humaine.

Dans les évangiles, Marie prononce sa dernière parole à Cana. S’adressant aux serviteurs, elle leur dit : « Faites tout ce qu’il vous dira. » Est-ce une parole de disciple, de missionnaire ou, plutôt, de disciple-missionnaire ?

Monseigneur Jacques Perrier, Évêque émérite du diocèse de Tarbes et Lourdes

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