Le kérygme dans la Bible ou la rencontre du Ressuscité dans notre histoire personnelle
Que dit la Bible ? L’Oasis n°25 : Le kérygme, cœur de la foi
Signifiant annonce, prédication, proclamation, message, le mot kérygme exprime le message de l’Évangile et de l’annonce du salut. Chacun des rédacteurs des livres de la Bible l’a promulgué à sa façon, montrant comment il l’accompagne au quotidien et faisant sien le message que le Christ nous a laissé par l’exemple de sa vie et par sa résurrection.
Dans la ligne de La Joie de l’Évangile du pape François, couronnant un siècle de recherches sur le lien entre kérygme, annonce, mission, évangélisation et catéchèse, le Directoire pour la Catéchèse insiste sur l’articulation entre catéchèse kérygmatique et catéchèse mystagogique.
Sommes-nous certains de bien comprendre ce qu’on entend par kérygme ? Pour cela, revenons aux sources bibliques.
Le vocabulaire biblique de l’annonce
Dans le Nouveau Testament, kérygme apparaît 8 fois, dont 6 fois dans les lettres pauliniennes, et le verbe kerussô 60 fois dont 19 fois chez saint Paul. Il s’agit à la foi du contenu de l’annonce et de l’action d’annoncer. Kérygme est la translittération du grec dont l’origine est le kèrux, le héraut chargé des proclamations officielles.
Un contenu christocentrique et pascal
Le kérygme désigne l’annonce non pas d’un fait, mais d’une personne et d’un événement : Jésus est le Messie crucifié et ressuscité pour nous. Il se centre sur l’annonce pascale de la résurrection de Jésus. C’est le cœur et le résumé de la foi. Le kérygme n’a pas besoin des discours bien léchés de la sagesse philosophique car il s’appuie sur la puissance divine (1 Co 2,4).
Il apparaît comme folie aux yeux des hommes (1 Co 1,21) et fait entrer dans une logique inédite, le langage/la logique de la croix (1 Co 1,18). Il est formulé pour être vécu et transmis (1 Co 15,3).
Le contenu du kérygme est donc brut, bref et explicite, « sans développement ni détail », comme disait Jean Daniélou. Paul fonde toutes ses lettres sur le kérygme : il ne retient de la vie de Jésus que l’événement pascal, omettant tous les éléments de sa vie publique, à l’exception du récit de la Cène (1 Co 11). C’est dire que l’essentiel du message christique est concentré dans le seul kérygme. Il s’agit de provoquer et de favoriser la rencontre du Seigneur qui se fait proche.
Dans Evangelii nuntiandi § 22, Paul VI disait : « Il n’y a pas d’évangélisation vraie si le nom, l’enseignement, la vie, les promesses, le Règne, le mystère de Jésus de Nazareth Fils de Dieu ne sont pas annoncés ».
Au-delà du témoignage de foi attendu du croyant, le kérygme lui donne de quoi assurer une annonce explicite de Jésus Christ.
Se redire le kérygme chaque jour, c’est susciter et re-susciter le Ressuscité.
Un message performatif, une Parole agissante
Le kérygme insiste sur le « pour nous » de l’annonce. C’est une parole adressée et capable de mettre le destinataire en situation de conversion. Dans sa prédication, Jean Baptiste appelait à se convertir à l’approche du royaume (Mt 3,1-2). Jésus qualifie la prédication de Jonas à Ninive de kérygme, en tant qu’annonce du salut capable de provoquer la conversion immédiate de tous, habitants et animaux (cf. Mt 12,41//Lc 11,32). Dans le discours de Pierre (Ac 2,22-41), Luc insiste sur l’effet de l’annonce de Jésus Seigneur : cela provoque et éveille la foi et l’espérance en la vie plus forte que la mort et donc réorientée, et amène à la conversion, au baptême et au témoignage.
Et Paul, dans sa prédication, ne cesse d’appeler à vivre une métamorphose, à quitter le vieil homme pour devenir homme nouveau et nouvelle créature, en revêtant le Christ mort et ressuscité pour nos péchés (Rm 13,14 ; Ga 3,27 ; 2 Co 5,17 ; Col 3,8-11 ; Ep 4, 23-24).
Le kérygme a un pouvoir transformant : dans l’annonce c’est le Ressuscité qui se rend présent, se révèle et agit.
Au-delà de l’annonce, une rencontre et un compagnonnage
Si le cœur du contenu du kérygme est immuable, centré sur la résurrection du Christ, sa formulation doit être adaptée pour que le message touche l’interlocuteur dans le fil de sa propre histoire. Le Pape François formule ainsi le kérygme comme première annonce : « Jésus Christ t’aime, il a donné sa vie pour te sauver, et maintenant il est vivant à tes côtés chaque jour pour t’éclairer, te fortifier, te libérer … ».
Si le kérygme invite chacun à accueillir la présence du Ressuscité « chaque jour » et à en vivre, encore faut-il le répéter chaque jour, comme une visite et une rencontre quotidienne du Ressuscité.
Les Juifs, répètent la prière du Shema Israël chaque jour. Les chrétiens prient le Notre Père chaque jour. Paul, lui, répète aux croyants le kérygme, la croix et la résurrection du Christ, pour éclairer chaque situation et indiquer le chemin de sortie des épreuves, autrement dit, le salut que le Ressuscité vient réaliser pour eux. C’est donc à chaque fois nouveau et bon, c’est la Bonne Nouvelle du salut.
Voilà donc un éclairage important pour la catéchèse. Se redire le kérygme chaque jour, c’est susciter et re-susciter le Ressuscité présent et agissant dans ma propre histoire de disciple. Annoncer le kérygme, c’est susciter et re-susciter le Ressuscité présent et agissant dans l’histoire de tous ceux à qui je suis envoyé comme disciple-missionnaire.
P. Christophe Raimbault, Bibliste
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