Un peu de lecture à propos du Concile Vatican II
A l’approche de l’anniversaire de Vatican II, sont parus au cours de l’année 2011, de nombreux livres (théologiens, évêques, laïcs …), qui soulignent tous à leur manière que l’Église actuelle est en régression par rapport au concile et cela est d’autant plus criant que nous sommes à un tournant de civilisation. Si l’Église veut continuer d’aimer le monde et d’être entendue, il faut qu’elle évolue.
L’Esprit, espérance d’une Église en crise. Quel avenir pour l’Église catholique ?
Si l’on a l’impression de « vivre le crépuscule de l’Église », et s’il y a bien une « crise de l’Église de Rome » dans le monde occidental, c’est parce que dans une Église qui est restée marquée par sa structure hiérarchique et cléricale hérité de l’empire romain, on a oublié l’Esprit qui pourtant est à la naissance de l’Église. Les fruits de la Pentecôte sont d’abord l’annonce du Christ ressuscité qui suscite des conversions en masse, puis la communion fraternelle, l’écoute de la Parole, la fraction du pain et du vin et les prières, le témoignage.
Que notre lumière soit bien Vatican II qui a voulu nous aider à retrouver le visage évangélique de l’Église.
Michel Rondet n’évite aucune des questions brûlantes : reconnaissance des ministères des laïcs, ouverture à l’ordination d’hommes mariés, mise en valeur des charismes de chacun, nécessité de l’eucharistie au cœur des communautés, « obéir c’est discerner en conscience », « L’Église ne vit pas en état d’apesanteur culturelle dans le monde. Elle en partage les espoirs et les soucis, les forces et les faiblesses… L’Église ne peut pas s’abstraire de l’évolution du monde. »…
Et si la crise était un appel ? Nous sommes peut-être « conduits par l’Esprit au pied de la croix pour y vivre la mort d’un certain visage de l’Église », mort d’une Église influente, estimée, rayonnante… pour aller vers une Église « minoritaire, ignorée ou méprisée œuvrant pour le salut du monde en souffrant en lui et par lui ». Une Église fragile, menacée, « moins sûre d’elle-même, mis plus ouverte aux pauvres et aux chercheurs de sens ».
Il faut donc se mettre à l’ouvrage : « C’est autour de communautés vivantes, groupées autour du partage de la Parole que l’Église renaîtra ». Et les ministres renaîtront des besoins de la communauté, et la hiérarchie « se devra d’être attentive à leur parole lorsqu’ils expriment les réactions de leur conscience évangélique face aux défis du monde » Mais au final : « c’est de notre disponibilité à l’Esprit que nous attendons ce changement ».
Ce qui fait l’originalité de ce livre attachant c’est la clairvoyance de l’analyse historique et actuelle et sur les attitudes à avoir et en même temps un sens profond de la spiritualité.
L’Esprit, espérance d’une Église en crise. Quel avenir pour l’Église catholique ? Michel Rondet, Bayard, 117p, 16 €
Monique Hébrard
Un évêque en toute bonne foi
Le livre s’ouvre sur un état des lieux dont Francis Deniau prend acte avec, en fond de tableau, le souci de vivre l’Évangile. Il a des attitudes à la fois libres et mesurées, dictées par un cœur de pasteur et par la miséricorde de l’Évangile. Ainsi ce qu’il dit à propos des divorcés remariés : « L’accueil de Jésus est sans limite. L’Église doit aussi rendre témoignage de cet accueil de Jésus. » et « l’on ne peut pas les enfermer dans cet état comme s’il s’agissait d’un péché irrémissible ». Sur le célibat des prêtres, il souligne que l’on ne peut plus en défendre la généralisation tout en témoignant personnellement de ce qu’il y vit de positif. Et sur l’ordination des femmes, il ouvre avec intelligence des questions anthropologiques. Il aborde la morale avec humanité et humilité, reconnaissant que tous nos chemins sont tâtonnants et à risque. Et s’il y a une « pastorale de la morale, elle consiste d’abord dans l’éveil à la liberté et dans l’éducation de cette liberté ». Voilà qui est digne et fort. Et l’on n’a pas d’autre choix que de partir de là où en sont les gens et de ce qu’ils sont, notamment en matière de sexualité.
De magnifiques formules comme : « La morale chrétienne n’est pas dans l’idéal de pureté, dans le rêve de perfection du minéral. Elle travaille nos êtres de chair et de sang »
Des positions courageuses par exemple se démarquant du cardinal Castrillon Hoyos félicitant Mgr Pican sur son silence à propos d’un de ses prêtres pédophile, et il parle, à propos de ces longs silences, de « perversion institutionnelle ».
Il parle d’œcuménisme et de dialogue interreligieux, lui qui a un long entrainement avec les juifs.
Et l’avenir de l’Église ? Il y a des saints parmi nous et des choses qui avancent mais il y a aussi des réformes à faire : restaurer la collégialité (le pape ne doit pas tout gérer), la communication vaticane, le rôle des cardinaux, la nomination de laïcs et même des femmes…
On trouvera dans ce livre, sur un ton à la fois audacieux et pacifié, théologiquement fondé et pastoralement habité, toutes les questions qui se posent aujourd’hui dans la gouvernance, les attitudes de l’Église, les questions de fond posée par notre époque. Il ne pourra donner que de la paix, de la joie et de l’espérance à tous ceux qui le liront et qui se posent des questions.
Un évêque en toute bonne foi. Mgr Francis Deniau, propos recueillis par Frédéric Teulon, Fayard, 215p, 18 €
Vatican II : à lire aussi
- Ne laissons pas mourir l’Église, foi chrétienne et identité catholique de Paul Lowenthal, ancien président du Conseil interdiocésain des laïcs de Belgique francophone (Mols, oct 2011, 22 €)
- L’Église en travail de réforme de Ghislain Lafont (Cerf, juin 2011, 25 €)
- Croire quand même, libres entretiens sur le présent et le futur du catholicisme de Joseph Moingt (Temps présent, nov 2010, 19 €)