« Ayons à cœur de rapprocher les enfants de Jésus par la communion eucharistique » !
« Ayons à cœur de rapprocher les enfants de Jésus-Christ par la communion eucharistique », une invitation lancée par le pape Pie X il y a plus d’un siècle dans son décret sur la communion des enfants1.
La période de crise du COVID et le confinement ont fortement perturbé nos vies, et la vie de nos communautés. Un grand nombre d’événements ont été annulés ou reportés dans nos diocèses et nos paroisses, notamment toutes les « fêtes de la foi » que nous vivons habituellement en cette fin d’année scolaire. Les activités et célébrations commencent à reprendre maintenant dans des conditions encore contraignantes, et les enfants et les jeunes qui étaient en chemin vers un sacrement, et leurs familles, se demandent comment les choses vont se faire.
La période que nous avons traversée, alors qu’il fallait penser la catéchèse autrement dans ce contexte inédit, nous a incités à réfléchir sur le sens de ce que nous mettons en œuvre dans nos responsabilités en catéchèse et catéchuménat.
C’est dans cet élan, que nous vous proposons quelques pistes de réflexion pour vous aider à penser l’accompagnement des enfants et des jeunes vers le baptême et la première communion dans ce contexte nouveau. Soyons attentifs à ne pas être obstacles au travail de l’Esprit ! Il agit et nous précède dans le cœur et la vie de chacun, notamment des enfants.
Sacrements et vie chrétienne
Si nous sommes soucieux que les enfants vivent les sacrements de l’initiation, et qu’ils y soient accompagnés le mieux possible, c’est parce nous avons à cœur de les faire grandir dans une vie chrétienne, qui se caractérise par une communion toujours plus grande avec le Christ et avec les frères, c’est-à-dire une vie eucharistique. Les enfants sont donc conduits progressivement à la célébration eucharistique, qui est le signe et le gage de cette communion.2
C’est la mission de la catéchèse et du catéchuménat de permettre l’éveil et le développement d’une foi vivante, l’éducation du sens de la prière et des sacrements, la découverte de l’Eglise par les liens avec d’autres croyants.
Sur le chemin d’initiation que nous vivons avec les enfants, nous savons l’importance de leur donner à vivre des célébrations. « Toute célébration qui convoque un groupe, qui laisse travailler la Parole d’action de grâce, porte déjà en elle, comme un ferment, la plénitude de l’eucharistie3. »
Pendant cette période de confinement, les rassemblements des croyants n’ont pas été possibles dans les églises et ils ne reprennent que progressivement. Mais les familles, les enfants qui se préparent au baptême et/ou à la première communion, et tous les chrétiens ont pu vivre des temps de prière en famille, des célébrations domestiques de la Parole. D’autres n’ont pas eu cette expérience et cela a pu causer un manque, ou une prise de distance par rapport au cheminement commencé vers le baptême et/ou la première communion.
Comment tenir compte de cette disparité de situation ?
Initier à l’eucharistie ce n’est pas d’abord donner des explications. C’est faire entrer progressivement dans une vie spirituelle.
Un Pape a pris au sérieux la vie spirituelle des enfants, alors qu’au fil du temps la première communion avait été reportée jusqu’à l’âge de 12-14 ans. Son souci est celui du salut des enfants. A partir du moment où ils ont conscience du bien et du mal, l’Eglise doit leur apporter les secours efficaces que sont les sacrements de la réconciliation et l’eucharistie. Le pape Pie X dans son décret sur la communion des enfants, en 1910, affirme « qu’on ne voit aucune raison légitime d’exiger maintenant une préparation extraordinaire des petits enfants qui vivent dans la si heureuse condition de la première candeur et de l’innocence et qui ont le plus grand besoin de cette nourriture mystique au milieu des multiples embûches et dangers de ce temps »4.
Pour le Pape Pie X, l’âge requis « aussi bien pour la communion que pour la confession, est celui où l’enfant commence à raisonner, c’est à dire vers sept ans, soit au-dessus, soit même au-dessous ».
Il sera nécessaire « qu’il comprenne, suivant sa capacité, les mystères de la foi, et qu’il sache distinguer le pain eucharistique du pain ordinaire et corporel, afin de s’approcher de la Sainte Table avec la dévotion que comporte son âge.5 »
« L’enfant sait très tôt que le don de soi ne va pas sans un effort et un combat, sans une lutte contre son égoïsme6». Il peut saisir que dans son désir de vivre en communion avec le Christ et avec ses frères, il a besoin de la force de l’Esprit donné dans les sacrements, baptême, eucharistie et réconciliation. « Le sacrement de réconciliation devient ainsi le complément tout naturel de l’eucharistie7 ». Il est donc cohérent de proposer aux enfants l’accompagnement vers la première communion et l’initiation au sacrement de la réconciliation aux enfants qui approchent de l’âge de raison. Mais veillons à ne pas réduire le sacrement de la réconciliation à un préalable à la première communion.
Tenir compte de la vie des enfants et des familles
L’histoire de chaque enfant avec le Seigneur : D’une manière générale, les enfants sont très marqués par les premières années de leur vie et la manière dont ils ont vécu leurs premiers apprentissages. C’est d’autant plus vrai pour leur expérience spirituelle vécue dans l’enfance, caractérisée par une très grande réceptivité religieuse.
C’est pourquoi il nous faut être très attentifs à l’histoire de chaque enfant avec le Seigneur. Même si les enfants sont dépendants pour leur vie ordinaire des adultes, ils ont leur autonomie propre dans leur vie de foi. Ils sont capables de répondre à leur manière à l’appel du Seigneur, ou de le rejeter.
Beaucoup ont une vie de prière personnelle. Il faut donc en tenir compte, et ne pas tout organiser en dehors d’eux.
Dans notre souci d’accompagner les enfants vers les sacrements nous prévoyons des temps de préparation, de retraite. Or, dans beaucoup de cas les préparations proprement dites ont été incomplètes, ou non commencées. Et nous savons combien ces temps sont importants.
N’oublions pas ce qui se vit dans les familles et qui participe de cette préparation : l’attention aux autres, la prière familiale quand elle a pu avoir lieu, sont de l’ordre de la charité et relèvent de la vie de communion, de la vie eucharistique. Le temps du confinement, qui a été un temps en famille particulier, devra être relu avec les enfants. On pourra relever aussi ce qui a manqué. Cette relecture est une véritable expérience spirituelle.
Pendant ces semaines, le désir de l’enfant a pu grandir, et il faudra veiller à ce qu’un report ne soit pas vécu comme une frustration, ou un non respect de leur histoire avec le Seigneur.
Le temps de l’enfant : bien sûr que d’ici quelques années, les trois mois du confinement pourront paraître peu de chose. Mais nous savons bien que trois mois, six mois, un an, dans la vie d’un enfant pèsent beaucoup plus que dans celle d’un adulte ! Que ce peu de temps à vue d’adulte peut-être l’occasion d’une grande avancée de maturité par exemple. Nous avons vu que les jeunes enfants ont une réelle vie spirituelle, veillons à ne pas manquer le moment favorable. S’il n’est pas possible de faire autrement que reporter, accompagnons ces enfants, reconnaissons leur désir et leur tristesse. Soyons vigilants, les enfants sont très capables d’intériorité mais peinent parfois à mettre des mots sur ce qu’ils vivent.
Pour aller plus loin
La famille : les enfants sont par définition dépendants de leur famille. Ces familles sont diverses, et sont toutes à considérer comme le lieu où les enfants grandissent. Aussi, il faudra réfléchir à la manière dont les parents, qui connaissent bien leurs enfants, sont associés aux décisions. Ceci quel que soit leur chemin de foi et leur proximité de l’Eglise. Cela demandera de prendre le temps d’un échange entre les parents, la catéchiste et/ou le prêtre ou une personne représentant la communauté, pour repérer où en est l’enfant dans sa relation personnelle à Jésus Christ. Le pape Pie X demandait, pour qu’un enfant puisse faire sa première communion, « qu’il comprenne suivant sa capacité les mystères de la foi… et qu’il sache distinguer le pain eucharistique du pain ordinaire8 »… On pourra aussi envisager avec les parents l’environnement chrétien nécessaire pour que l’enfant continue à communier et à faire du lien entre sa vie sacramentelle et sa vie quotidienne. Il arrive que du fait du chemin de leur enfant, de leur participation aux célébrations, des parents, même « en recherche » découvrent leur enfant sous un angle nouveau, réalisent que le Seigneur n’est pas seulement pour les enfants. « Dans un certain nombre de cas, les parents eux-mêmes disent qu’ils (re)découvrent Jésus-Christ9 ». La communauté chrétienne aura à cœur d’accompagner ces familles dans leur vie de foi.
Penser la question ecclésiale et un calendrier
Il y a, de façon évidente des questions de calendrier et d’organisation. Mais il faut être vigilant à ne pas laisser cela prendre le pas sur ce qui est le plus important : le désir de chaque enfant dans son histoire avec le Seigneur, les personnes qui l’accompagnent et la joie de la communauté qui les accueille. « Les enfants sont membres à part entière du Corps du Christ. Mieux encore : le Corps du Christ n’est pas tout à fait lui-même sans ces membres »10. Cela est vrai aussi des familles. Au sein de la communauté chrétienne nous sommes tous responsables les uns des autres. L’Eglise qui accepte de baptiser des petits enfants doit les accompagner dans leur croissance dans la foi. Chacun au sein de la communauté chrétienne peut prendre sa part de responsabilité : se donner du mal dans nos assemblées pour que les enfants et les familles aient pleinement leur place, accompagner les parents dans leur responsabilité auprès de leurs enfants pour qui ils ont demandé le baptême, prier pour ces enfants, leurs familles, ceux qui en ont le plus besoin, créer des liens avec une famille, un catéchumène, susciter des moments de rencontre, partage…
Ensemble, il s’agira de décider du cadre et des conditions de la reprise des célébrations en tenant compte des conditions particulières encore nécessaires. Il faudra prendre au sérieux les risques sanitaires, et aussi considérer chaque enfant dans son milieu de vie, son insertion ecclésiale, son cheminement dans ou vers la foi, et tous les adultes qui accompagnent ces frères plus jeunes.
Les diocèses et paroisses ont commencé à s’organiser et à faire des recommandations. Suivant les lieux, la célébration des sacrements aura lieu rapidement, à la rentrée prochaine, ou plus tard, répartis en petits groupes sur l’année, tous ensembles …
Quelles que soient les décisions prises, les catéchistes et animateurs veilleront à ce que ce temps de préparation, s’il est « allongé », soit un vrai cheminement. On pourra par exemple :
- Conforter les enfants dans le fait que le Seigneur est avec eux sur leur chemin de vie (cf. Mgr Denis Moutel, évêque de saint Brieuc)
Message de Mgr Denis Moutel aux enfants qui préparent leur première communion
Message de Mgr Denis Moutel, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, aux enfants qui préparent leur première communion.
- Envoyer un courrier aux enfants et leurs familles qui prend en compte leur déception, (attention qu’ils n’aient pas l’impression de redoubler leur année de caté !)
- Donner des perspectives, des choses à vivre, des rendez-vous… Marquer les étapes d’ici la célébration, et après pour une catéchèse post sacramentelle.
- On peut par exemple fixer un calendrier en s’appuyant sur d’autres fêtes de l’année liturgique, comme le propose la pastorale des jeunes sur le site du diocèse d’Angoulême.
- Ecouter aussi les familles : certaines seront tout à fait ouvertes à une première communion lors d’une messe dominicale ordinaire. Pour d’autres, il sera important qu’une certaine solennité entoure l’événement et que toute la famille puisse être présente.
Ne laissons pas passer cette occasion de nous interroger sur notre manière d’organiser les célébrations de baptême et de première communion et l’accompagnement des enfants. Quels sont nos critères de décision ?
Ces bouleversements nous aident à passer de la « préparation » à la première communion, à une initiation à une vie eucharistique.
Le Pape François nous invite à rendre grâce pour le don reçu dans l’eucharistie et à nous laisser façonner par elle tout au long de notre vie :
« Chers amis, nous ne remercierons jamais assez le Seigneur pour le don qu’il nous a fait avec l’Eucharistie ! C’est un don si grand et c’est pour cela qu’il est si important d’aller à la Messe le dimanche.
…/… Nous ne finirons jamais d’en saisir toute la valeur et la richesse. Demandons-lui alors que ce sacrement puisse continuer à maintenir vivante dans l’Église sa présence et à façonner nos communautés dans la charité et dans la communion, selon le cœur du Père. C’est ce que l’on fait au cours de toute sa vie, mais on commence à le faire le jour de la première communion. »
Catéchèse sur l’eucharistie lors de l’Audience générale, en février 2014
Si nous voulons continuer à approfondir notre réflexion, le Pape François nous aide à réfléchir aux critères simples pour vivre la messe et aux rapports entre l’Eucharistie que nous célébrons et notre vie, lors des Audiences générales des 5 et 12 février 2014:
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1. Décret Quam singulari, Sur la communion des enfants, 8 août 1910, Pape Pie X
2. Directoire des messes des enfants, S Congrégation pour le Culte Divin, 1er novembre 1973, § 8
3. Célébrer la messe des enfants, Editions Chalet-Tardy, p.78
4. Décret Quam singulari, Sur la communion des enfants, 8 août 1910, Pape Pie X
5. Ibid
6. Célébrer la réconciliation avec les enfants, CNPL-CNER, EDITIONS Chalet-Tardy, p.76
7. Ibid
8. Décret Quam singulari, Sur la communion des enfants, de la Sacrée Congrégation des Sacrements, 8 août 1910
9. Célébrer la messe avec les enfants, Editions Chalet-Tardy p. 70
10. Célébrer la messe avec les enfants, Editions Chalet-Tardy p.8