Préparer à la vie chrétienne en préparant aux sacrements

Les évolutions culturelles et sociétales actuelles, rapides et profondes, appellent à un renouvellement de la pastorale dans tous les domaines. C’est ainsi qu’une attention particulière semble désormais accordée à la préparation aux sacrements comme préparation à la vie chrétienne… Préparer au baptême, c’est préparer à la vie chrétienne à travers le baptême; préparer au mariage, c’est préparer à une vie chrétienne de couple à travers le mariage, etc.

Les évolutions culturelles et sociétales actuelles, rapides et profondes, appellent à un renouvellement de la pastorale dans tous les domaines. C’est ainsi qu’une attention particulière semble désormais accordée à la préparation aux sacrements comme préparation à la vie chrétienne… Préparer au baptême, c’est préparer à la vie chrétienne à travers le baptême; préparer au mariage, c’est préparer à une vie chrétienne de couple à travers le mariage, etc.

Cela est doublement heureux. Heureux sur le plan théologique d’abord. Toute célébration sacramentelle se développe en quatre temps : Dieu nous accueille, Dieu nous parle, Dieu nous baptise (ou nous marie, ou nous pardonne, etc.), Dieu nous envoie. S’exprimer ainsi, c’est souligner que le sujet acteur premier de tout sacrement est Dieu lui-même. Et c’est éviter de faire du dernier temps une simple «conclusion», alors qu’il s’agit bel et bien d’un envoi en mission : vivre conformément à ce qui vient d’être célébré et reçu… Un tel envoi est constitutif du sacrement lui-même. Car un sacrement n’a jamais sa finalité en lui-même. L’important n’est pas sa «validité», si nécessaire qu’elle soit évidemment, mais sa fécondité dans l’existence. Faute de quoi, on tomberait dans un «sacramentalisme» insoutenable. La «grâce» sacramentelle n’est pas une sorte d’objet spirituel que l’on pourrait cumuler, comme on capitalise de la valeur comptable. Sa trajectoire ou sa dynamique requiert de se déployer dans une vie chrétienne conséquente: comme les «talents» de la parabole, elle n’est pas donnée pour être conservée dans un «bas de laine», mais pour être investie dans une éthique de vie qui porte témoignage… Tout cela est évident. Et pourtant, cela n’est pas nécessairement clair dans l’esprit de bien des chrétiens qui adressent une demande de sacrement à l’Église ; et il semble même que bien des ministres de l’Église agissent comme s’ils l’avaient oublié !

Sur le plan pastoral, il est également heureux que l’on cherche à préparer à la vie chrétienne en préparant à un sacrement. La pastorale paroissiale la plus ordinaire incline même à penser que cette perspective enrichit le regard sur le sacrement lui-même. Car, pour ouvrir les fenêtres des personnes sur l’après-sacrement, il faut s’arrêter sur les rites sacramentels eux-mêmes: le signe de la croix, l’onction d’huile parfumée, l’imposition des mains, le livre de la Parole de Dieu, etc. Cela d’abord intéresse les personnes puisque c’est ce qui va se passer pour elles. Ensuite, cela est très concret, et ne demande pas d’importants efforts de saisie conceptuelle. Enfin, cette «mystagogie» avant l’heure1 permet facilement de dégager la portée existentielle du rite de l’imposition des mains sur l’enfant, de la prière de bénédiction nuptiale, de l’échange des alliances, de l’ouverture des mains pour la communion, etc. On a envie de dire que cela parle quasi tout seul. … Nul besoin d’aller «chercher midi à quatorze heures» pour faire une catéchèse du sacrement: la voie royale est de faire parler les gestes et prières prévus par le rituel lui-même… Moyennant quoi, l’appel à une vie chrétienne qui soit conséquente avec la célébration que l’on prépare se fait nécessairement entendre…

Encore faut-il en avoir pastoralement bien conscience ! Raison pour laquelle la formule qui sert de titre à la présente réflexion demande à être souvent répétée!

 

P. Louis-Marie Chauvet,
Professeur honoraire de théologie à l’Institut Catholique de Paris

1On parle souvent, depuis une ou deux décennies, de «mystagogie». On le fait dans le sillage des Pères de l’Église, c’est-à-dire en s’appuyant sur la liturgie déjà célébrée et l’expérience qu’elle a pu permettre aux participants. Mais rien n’interdit de parler d’une «mystagogie avant l’heure» : une mystagogie qui, s’appuyant sur le rituel lui-même, fait déjà pressentir aux futurs participants l’expérience qu’ils pourront vivre.

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