Interview du pape François et catéchuménat : « annoncer l’Evangile sur chaque route » !

dossier-jmcFin août 2013, le pape François recevait le P. Antonio Spadaro, sj pour une longue interview qui est rendue publique ce 19 septembre dans les revues jésuites internationales ; en France, la revue Etudes.

Le père Philippe Marxer, jésuite et directeur adjoint du SNCC chargée du catéchuménat, nous confie comment les propos du pape François nourrissent sa réflexion.

L’Eglise toute entière…

Récemment, un de nos pasteurs me confiait son espérance de voir, de nouveau, l’Eglise se saisir de ce que porte la société comme dynamismes vitaux. Pour cela il se référait à Thérèse d’Avila, Ignace de Loyola et bien d’autres qui ont perçu la force que représentait l’humanisme ambiant et ont permis à l’Eglise d’être ajustée au monde de leur temps. Cette espérance habite aussi le Pape François. Elle sous-tend toutes les réflexions de l’interview qu’il a donnée à l’un de ses frères jésuites venu le rencontrer au nom des revues culturelles de la Compagnie de Jésus.

Dans cet entretien, deux points retiennent mon attention : la question posée à propos du « sentir avec l’Eglise »[1] et celle qui permet au pape de dire que l’Eglise devrait être « un hôpital de campagne »[2].

Il n’est pas surprenant que le Pape, en tant que jésuite, donne une place non négligeable au peuple de Dieu lorsqu’on l’interroge sur son image de l’Eglise. Car pour Ignace de Loyola[3], l’Eglise n’est pas idéalisée. Elle est composée de gens forts et faibles, saints et pécheurs, bien que toute entière reçue d’en haut puisque Dieu le Père a donné à son Fils ce peuple élu. Tout vient d’en haut et par l’Incarnation, tout est en bas. Parler d’une Eglise hiérarchique ne consiste pas à se représenter une institution hiérarchisée mais à décrire un corps dans lequel Dieu a placé chacun de ses membres selon qu’Il lui a plu. La vision ignatienne est paulinienne[4]. Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui. L’Eglise est cette mère qui communique la vie divine, vie qui passe par des intermédiaires, des médiations, des responsabilités partagées et qui permet à chacun d’exercer des responsabilités selon ce qu’il est et selon son état de vie. Ignace prend l’Eglise comme un tout où rien n’est à retrancher : ni sa hiérarchie, ni son peuple, ni sa discipline interne, ni sa sainteté, et encore moins… ses faiblesses ! En écoutant le Pape parler, on saisit bien à quel point il est marqué par cette compréhension de l’Eglise. Elle est un milieu maternel où la vision de foi doit dépasser le regard sur l’institution afin de mieux la servir. Voilà le chemin que le Pape François souhaite que nous empruntions et qui est exigeant ; chemin qui se concrétisera rapidement lorsque des adultes ou des jeunes viennent frapper à notre porte : Quel accueil leur réserver ? Comment les faire grandir dans la foi, l’espérance et la charité ? Comment leur faire comprendre les exigences de l’Eglise ? etc.

… appelée à une fidélité créatrice

«Sentir avec l’Eglise» passe finalement par des actes: «être en capacité de soigner les blessures et réchauffer le cœur des fidèles»[5]. «Je rêve d’une Eglise mère et pasteur […]qui, au lieu d’être seulement une Eglise qui accueille et qui reçoit en tenant les portes ouvertes, s’efforce d’être une Eglise qui trouve de nouvelles routes, qui est capable de sortir d’elle-même et d’aller vers celui qui ne la fréquente pas, qui s’en est allé ou qui est indifférent. […] Il faut de l’audace, du courage[6]». En un mot: être dans une fidélité créatrice. En effet, pouvons-nous nous contenter du ‘statu quo’, de l’existant? Il serait dommage que les frontières que nous rencontrons soient des obstacles! Ne sont-elles pas des nouveaux défis à relever, des nouvelles occasions à accueillir? Sans aucun doute! Car l’Eglise ne peut pas se fonder sur une rupture radicale avec le monde; sa vie, sa mission est de résider dans une présence vivante, agissante, parlante, se solidarisant avec les joies, les peines, les espoirs, les misères de cette humanité que le Seigneur aime jusqu’à l’extrême. C’est pour Dieu, pour son Eglise que nous supportons toutes ces tensions qui doivent rendre créatrices nos missions. Là encore, pensons à toutes ces personnes que nous sommes appelées à rencontrer et qui sont chargées à la fois d’une histoire lourde et d’une espérance forte en ayant découvert le Christ; aux violences subies qui font douter de l’existence de Dieu; etc. Car si nous venons à nous paralyser, c’est sans doute parce que nous n’osons pas nous nourrir des questions que le monde pose aujourd’hui. «Les ministres de l’Evangile doivent être des personnes capables de réchauffer le cœur des personnes, de dialoguer et cheminer avec elles, de descendre dans leur nuit, dans leur obscurité sans se perdre[7]» rappelle le Pape François. C’est pourquoi «nous devons annoncer l’Evangile sur chaque route, […] soignant tous types de maladies et de blessures[8]». Il est :

« L’heureuse nouvelle qui réjouit le cœur de chacun.
Le Verbe de Dieu s’est fait cela même que nous sommes,
pour faire de nous cela même qu’Il est.
Alléluia, Alléluia.

Pour les combats qu’il faut mener,
l’Evangile de Dieu est boussole vers le droit et la paix:
son Evangile est Parole qui proclame bienheureux
tous les chercheurs du Royaume de Dieu[9].

Prière et discernement sont au fondement cette audace. N’attendons pas. Mettons-nous à leur école !

L’interview du pape François

pape FRANCOIS (entiere)


[1] Interview du Pape François Texte intégral p.11

[2] Ibid p.14

[3] Fondateur de la Compagnie de Jésus

[4] 1 Co 12, 18-26

[5] Interview du Pape François Texte intégral p.14

[6] Ibid p.14 et 15

[7] Interview du Pape François Texte intégral p.15

[8] Ibid p.15

[9] Didier Rimaud « Evangile de Dieu, bonheur pour le monde ».

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