Du catéchisme à l’orientation catéchétique
Voici la fiche n°2 du Dossier du SNCC « Catéchèse & Catéchisme », proposé à l’occasion de l’Année de la foi. Ce Dossier vous aidera à réfléchir, seul ou avec d’autres, en équipe diocésaine ou sur le terrain des paroisses, à prendre du recul, à interroger vos préconceptions sur cette articulation.
La manière de catéchiser a évolué au cours des vingt siècles d’Église. Il n’y a pas si longtemps, on parlait de catéchisme puis le mot catéchèse s’est imposé. Et aujourd’hui, ces deux termes cohabitent. Allons voir du côté de nos sources pour voir s’il y a une différence ! En quoi l’orientation donnée par l’Épiscopat Français en 2006 (le TNOC) diverge ou ne diverge pas de la méthode employée par les Pères de l’Eglise ?
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Du « catéchisme » des premiers siècles chrétiens à l’orientation catéchétique de l’Eglise en France
Même si la plupart de nos contemporains ne voient pas de différences significatives entre les mots catéchisme et catéchèse (ils sont souvent confondus et employés l’un pour l’autre), ces deux termes correspondent, pour nous acteurs de pastorale, à des réalités bien définies. Dans le contexte actuel, l’urgence première est de clarifier nos compréhensions, nos représentations liées à ces deux termes. Une des manières de procéder consiste à parcourir l’histoire de l’Eglise, ce que se proposent ces trois pages en examinant comment se faisait l’initiation chrétienne dans l’Antiquité. Revenir à la méthode d’instruction religieuse de cette époque est d’un grand intérêt. Tout en ne sous-estimant pas les changements de pédagogie et de publics qui se sont opérés au cours des siècles, la pratique des Pères de l’Eglise peut faire entendre, à nouveaux frais, les orientations que l’Episcopat français a données pour la catéchèse en 2006. L’introduction au TNOC affirme que l’option choisie par les évêques de France s’enracine dans l’Eglise des premiers siècles. Il est donc toujours intéressant de retourner aux sources patristiques. Etudier les Pères de l’Eglise dans le cadre de ce dossier « catéchisme/catéchèse », c’est considérer comment des adultes venus du paganisme étaient préparés au baptême et comment, à la suite de ces instructions, leur vie pouvait être bouleversée. La seule recommandation nécessaire ici consiste à se garder d’un optimisme s’imaginant que tout était facile au cours des premiers siècles. St Augustin, par exemple, ne se faisait guère d’illusions sur l’intention qui conduisait de nombreux candidats à demander le baptême. Et si Cyrille de Jérusalem procédait en développant des « catéchèses mystagogiques », son but était de parfaire l’initiation sacramentelle de celles et ceux qui s’étaient présentés à lui.
Un enseignement appelé la catéchèse
Cette mise en garde posée, le premier constat qui s’impose à nous est que la préparation des candidats se fait sous la forme d’un enseignement communautaire appelé « catéchèse » lors des rassemblements dominicaux. Cet enseignement ne dispense pas d’instructions privées mais il permet que certaines vérités de la foi ne soient exposées que pendant ce temps. Toute la communauté est appelée à y prendre part donnant ainsi aux futurs baptisés de goûter une vie ecclésiale réelle. La communauté, de son côté, n’hésite pas à multiplier des prières sur les candidats et sur les garants car elle mesure l’importance de la conversion au Christ à opérer. C’est l’évêque qui enseigne les vérités de la foi. Il le fait dans le cadre de son sacerdoce et une fois les candidats congédiés, il célèbre les saints mystères avec l’assemblée des initiés. L’instruction des futurs baptisés requiert donc un cadre liturgique. S’il en est ainsi, c’est qu’on ne peut s’approcher de Dieu que dans la prière.
Toute liturgie est catéchèse
Ce premier constat donne matière à réfléchir. Au regard de la pratique des Pères, la liturgie est catéchèse. Malheureusement notre héritage occidental nous a appris le contraire : considérer comme nécessaire une formation pour pouvoir participer aux actions liturgiques. En fait, la tradition chrétienne véhicule un adage de grande importance : lex orandi, lex credendi. Par ces mots, est signifié le fait que la règle de prière –la lex orandi- sert à réguler la juste compréhension de la foi, la lex credendi. Il y a donc priorité de l’action liturgique sur le raisonnement théologique, ce qui bouscule quelque peu nos manières de procéder. Il serait toutefois préjudiciable de ne pas penser une articulation liturgie-catéchèse. La liturgie, si elle est d’ordre existentiel en donnant à vivre l’essentiel de la foi, ne se veut ni notionnelle ni systématique. Elle sait que la catéchèse doit prendre le relais en travaillant la compréhension des données de la foi, en approfondissant les fondements et la cohérence de la foi aujourd’hui pour une confrontation avec la culture ambiante. A lire le Texte National pour l’Orientation de la Catéchèse en France (1,5 p.31), la même option est faite et sans doute avons-nous besoin de bien peser la succession des affirmations posées ici et leur ordre. « Quand la communauté se nourrit de la Parole de Dieu, quand elle se laisse conduire par les itinéraires de foi que la liturgie lui fait vivre, quand elle puise son dynamisme dans la vie sacramentelle, quand elle développe en son sein des occasions de partager les questions de foi […] alors, ces différentes facettes de la vie ecclésiale forment comme un « milieu nourricier où s’enracine l’expérience de foi » (Lettre aux catholiques de France, p 52) parce que, comme le rappelle le Catéchisme de l’Eglise Catholique « la catéchèse est intimement liée à toute la vie de l’Eglise » (CEC n°7). Nous avons donc à quitter une forme d’enseignement qui sape l’intérêt de la liturgie et à « penser liturgiquement l’advenue de Dieu dans notre histoire » comme le dit H-J Gagey (La liturgie, milieu de l’annonce de l’Evangile La Maison Dieu n°265 Mars 2011). Le parcours catéchuménal offre un bel exemple de cette synergie à mettre en place dans nos communautés.
Du visible à l’invisible
Un deuxième constat ne doit pas manquer d’être fait. S’appuyant sur la pratique catéchuménale des premiers siècles, les Pères de l’Eglise ont le souci d’un enseignement plus historique que spéculatif. Il est intéressant de noter qu’au moment où le symbole de Nicée est connu et répandu (IVème siècle), le symbole baptismal est maintenu pour les catéchumènes. La différence est notoire : la formulation de Nicée est théologique, savante et développe l’égalité du Fils et du Père. Le symbole baptismal retrace historiquement l’œuvre du Père (la création), l’œuvre du Fils (son incarnation et la rédemption qu’il opère), l’œuvre du Saint Esprit. St Augustin, dans son traité sur la catéchèse (La catéchèse des débutants, Saint Augustin – peresdeleglise.free.fr/catechumenat/accompagn.htm – Bibliothèque Augustinienne n°11 DDB), insiste beaucoup pour que la catéchèse soit historique. Il en fixe les grandes lignes. Celles-ci suivent pas à pas ce que propose la vigile pascale parce que la lumière de l’Incarnation et de la Rédemption éclaire l’histoire universelle. Quant à la doctrine, les Pères commentent article par article le Credo baptismal. Le catéchumène doit apprendre par cœur ce symbole de foi, pour le « rendre » le moment venu (redditio symboli) tel qu’il l’a « reçu » (traditio symboli). La pédagogie déployée part des rites sacramentels, car il est important d’aller du visible vers l’invisible. Par ailleurs, les Pères recourent aux comparaisons scripturaires pour expliquer les mystères de la foi et la doctrine chrétienne. L’eau du baptême renvoie aisément au déluge, au passage de la mer Rouge, à la guérison de Naaman le Syrien, etc. De nombreuses réminiscences bibliques sont employées pour que la doctrine exposée ne soit pas abstraite et apparaisse vivante. A travers et au-delà d’une simple manière de faire en laquelle certains pères vont exceller, c’est bien la Bible qui est présentée à toutes ces personnes qui souhaitent devenir chrétiennes. Elles viennent du monde païen et… soyons en certains : les difficultés à les introduire à la Parole de Dieu ne sont pas moindres que celles rencontrées aujourd’hui. La raison qui justifie une telle catéchèse faisant appel à des analogies est simple : si l’homme peut entrevoir Dieu par le jeu de son intelligence, de la logique qu’il peut déployer, seule la contemplation permet d’aller encore plus avant. Et c’est pourquoi la doctrine sacrée fait appel à l’Ecriture, à l’Ancien Testament qui préfigure l’avènement du Christ et de l’Eglise, non pas de manière abstraite mais toujours en faisant converger plusieurs récits, plusieurs symboles pour en montrer la cohérence. Les Pères placent ainsi chaque homme dans un mystère qui le dépasse et, à la vigile pascale, réentendant tous ces récits bibliques commentés au cours de sa préparation au baptême, le catéchumène perçoit l’unité du dessein divin et lui-même au cœur de cette économie. Cette manière de procéder dans son ensemble rappelle ce que le CEC (N°571), le DGC (n°91), la Lettre aux catholiques de France (Proposer la foi dans la société actuelle Cerf Nov 1996 p.39 ss) mais aussi, le TNOC (TNOC Cerf Bayard Fleurus Mame 2007 Chapitre 2 p.35) donnent comme orientation : aller au cœur du mystère de la foi pour en faire l’expérience. « La nuit pascale établit l’Eglise dans l’expérience que les baptisés ne cessent de devenir chrétiens en accueillant « le dynamisme qui jaillit de la Pâque du Christ comme un germe de renouveau qui donne au croyant l’espérance d’un accomplissement définitif. » (DGC n°16) Introduire dans « cette expérience chrétienne de la communauté » (DGC n°109), c’est-à-dire l’expérience commune à tout le peuple de Dieu reçue du Christ et de sa Pâque et vécue par chacun dans le même Esprit, est au cœur de la fonction d’initiation » (TNOC Chapitre 2,1 p.36-37).
Catéchisme-Catéchèse
Catéchisme-Catéchèse. Ces deux termes ne sont pas en tension lorsqu’on approfondit la Tradition de l’Eglise. Cette relecture de l’histoire de l’Eglise des premiers siècles est plutôt propice à questionner nos propres représentations liées à ces termes, à mettre au jour (peut-être) quelques résistances ! Au-delà de cet exercice, une des leçons à retenir est que les Pères ont su développer une pédagogie sacrée leur permettant de répondre aux attentes du moment. Partageant les mêmes préoccupations qu’eux, à savoir laisser Dieu se révéler au cœur de toute personne, ils nous invitent à oser prendre quelques initiatives en la matière. Il s’agit bien pour nous et pour tous ces hommes en quête de Dieu qui nous sont confiés, de découvrir la beauté de l’œuvre divine, l’unité du mystère célébré, la vocation de chacun, l’action de grâce à vivre et ainsi entrer toujours plus avant dans l’expérience chrétienne par tout un itinéraire (TNOC Chapitre 2,3 p.39). Si le TNOC nous indique ce chemin, le Catéchisme de l’Eglise Catholique, fruit de Vatican II, ne saurait être laissé de côté et considéré comme un discours inadéquat. Il est une parole ecclésiale qui nous est adressée. Il est ce compagnon de route fidèle et sûr qui permet de tracer un véritable itinéraire. En allant par exemple de renvoi en renvoi, soyons comme les Pères de l’Eglise qui allaient et venaient dans l’Ecriture pour enseigner la doctrine. Ils étaient de véritables chercheurs de Dieu.