Le Christ juif, à la recherche des origines

Le christ juifLe Christ juif, à la recherche des origines, Daniel BOYARIN, Cerf, 2013, 19€.

Cet ouvrage écrit par le Rabbin Daniel Boyarin, traduit de l’américain par le P. Marc Rastoin s.j. est préfacé par le Cardinal Philippe Barbarin comme « un livre qui donne envie de travailler ! Après l’avoir lu, on veut se plonger dans mille textes bibliques qui s’appellent mutuellement, et chercher leurs commentaires ». Une invitation aux catéchistes et autres acteurs pastoraux au service de l’annonce de la foi à travailler cet ouvrage en ouvrant leur bible.

Tout d’abord, remarquons que la figure du Christ intéresse aujourd’hui des auteurs très divers. Depuis la parution des trois volumes incontournables, spécialement pour les catéchistes, Jésus de Nazareth, du Cardinal Joseph Ratzinger – pape Benoît XVI (2003-2010), qui font vivre une plongée dans la foi chrétienne, en passant par le style « biographies » sous la plume de l’historien Jean-Christian Petitfils, avec son Jésus, le Jésus de l’histoire, paru chez Fayard en 2011 – pages qui se lisent comme un roman écrit avec le sérieux et la précision de l’historien de métier ! – pour en venir, plus récemment, au professeur Hans Küng qui réédite ses plus importants articles de christologie dans un ouvrage « technique » sur Jésus, voulant donner une sorte de réponse à la publication du pape Benoît XVI. L’aube du IIIe millénaire nous fournit en ressources pour renouveler notre intérêt, notre connaissance, notre compréhension, notre amour de Jésus, fils du charpentier et Fils de Dieu !

L’ouvrage du rabbin, professeur à Berkeley aux USA, nous provoque à un profond questionnement et à sortir des évidences premières de la foi chrétienne. « Aujourd’hui – écrit-t-il dans son introduction – tout le monde, chrétien ou non-chrétiens, considère normal de se référer à l’être humain Jésus comme à un juif, mais je voudrais faire ici un pas de plus. Je souhaiterais nous amener à réaliser que le Christ aussi – le Messie divin – est un juif. La christologie, à savoir les premières idées sur le Christ, est aussi un discours juif et ne fut pas du tout un discours antijuif, du moins avant longtemps. Beaucoup d’Israélites au temps de Jésus attendaient un Messie qui serait divin et viendrait sur terre dans la forme d’un humain. Les pensées sous-jacentes fondamentales à partir desquelles la Trinité et l’incarnation se sont développées étaient présentes dans le monde même où Jésus est né et dans lequel les évangiles de Marc et de Jean ont été écrits » (p. 17-18). Voilà que sa thèse est posée.

Quels sont les éléments qui instruisent ce dossier ? Le professeur Boyarin procède en trois étapes. Le premier dossier, le plus développé, veut apporter la lumière sur les « titres » messianiques de Fils de Dieu et Fils de l’Homme dans les livres bibliques en mesurant leur incidence sur la christologie des évangiles. Ensuite, pour éclairer l’enracinement culturel et religieux des premiers disciples de Jésus dans le monde juif du Ier siècle, un deuxième dossier développe une étude sur les prescriptions alimentaires. « Jésus mangeait casher » et ses disciples aussi ! Enfin, le troisième dossier tourne le regard du lecteur vers la figure du Serviteur souffrant chez le prophète Isaïe et son actualisation-réalisation plénière en Jésus, Messie crucifié.

Les espérances déjà portées par le peuple juif

En conclusion, dans son Epilogue, l’auteur précise et synthétise sa position. Le surgissement et la figure de Jésus, Messie, fils de l’Homme et Fils de Dieu se comprend mieux lorsqu’on découvre en quoi et comment il habite les espérances déjà portées par le peuple juif du 1er siècle. Finalement, le rabbin Boyarin démontre par une étude sérieuse et savante des textes de la tradition juive (Bible, Midrash et Talmud) comment Dieu mène à son accomplissement en Jésus-Christ la promesse faite à son peuple Israël. Tel était déjà l’enseignement de l’épître aux Hébreux (Hb 1) et tel est aussi clairement celui du concile Vatican II dans sa constitution sur la Révélation divine (DV 4) : « C’est donc lui (Jésus) – le voir, c’est voir le Père (cf. Jean 14,9) – qui, par toute sa présence et par la manifestation qu’il fait de lui-même par paroles et œuvres, par signes et miracles, et plus particulièrement par sa mort et par sa résurrection glorieuse d’entre les morts, par l’envoi enfin de l’Esprit de vérité, achève en la complétant la révélation. » Si nous sommes assez spontanément en accord avec cette théologie de l’accomplissement des Ecritures en Jésus-Christ, nous risquons bien de ne pas (plus) percevoir en quoi christianisme et judaïsme sont frères. Nous risquons de comprendre la transition de l’un à l’autre comme un simple processus de « développement » religieux. Nous écrasons alors le mystère de la permanence de la Promesse et réduisons Israël à une « préface » du salut dont l’Eglise serait alors le plein aboutissement. Celle-ci aurait remplacé avantageusement celui-là. C’est l’erreur simpliste et catastrophique de la théorie de la « substitution » ! Or le processus de révélation qui nous est accessible aujourd’hui par la « lecture plénière » des Ecritures (en donnant toute la place à l’intertextualité Ancien et Nouveau Testaments), nous ouvre à une découverte toujours plus profonde et vraie de ce qu’est la foi d’Israël en Dieu son créateur et Père. Une lecture trop superficielle du Nouveau Testament se contenterait de retenir que le christianisme pourrait être la religion de l’abolition des prescriptions et des lois religieuses (cacherout…). Ce faisant, il serait réduit à être une fabrication humaniste d’une figure de divinité « gentille » qui servirait de caution à une vision mondaine de la religion. Dans le même mouvement, la vérité de l’incarnation ne serait qu’une affirmation merveilleuse d’une irruption de Dieu dans le monde des hommes sans enracinement profond dans l’espérance d’Israël.

Il est essentiel à la foi chrétienne qu’elle lise et relise sans cesse les récits vétérotestamentaires pour y découvrir, de génération en génération, comment Dieu s’y prend pour se faire proche, tout proche, le prochain… (cf. la parabole du bon Samaritain, Luc 10, 29-37). Ne plus être soumis aux prescriptions rituelles de la Loi mosaïque ne signifie pas qu’elles n’ont pas (plus) de sens, mais que le salut ne vient pas de leur observance (cf. l’enseignement de saint Paul, voir Galates 4-5) ! Ce livre provoque à une révision sérieuse du sens du rapport judaïsme – christianisme. Il n’est pas une spéculation de plus sur quelques textes anciens. Il fait progresser son lecteur dans l’intelligence et la profondeur spirituelle de tant de passages bibliques en l’obligeant à les aborder avec une confiance renouvelée en Dieu qui se dit là, par bribes, afin que le Fils éternel du Père puisse trouver, en entrant dans le monde, un sein pour l’accueillir, un cœur pour l’aimer, une âme pour se donner à Lui. C’est à ce travail de conversion au mystère d’un Dieu qui parle jusque dans des actes et une vie d’homme que se trouve la nouveauté du christianisme et que Daniel Boyarin finalement convoque son lecteur. Libre à lui de faire ensuite le pas de la pleine reconnaissance du Fils Unique comme auteur et acteur décisif de l’Alliance nouvelle et éternelle dont rêvait le Père depuis toute éternité (cf. Concile Vatican II, Lumen Gentium, 1-5).

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