La narrativité en catéchèse : du récit à la rencontre
Dans le cadre de la session de formation du SNCC sur la place de la Parole de Dieu en catéchèse et en catéchuménat, le père François Campagnac est intervenu sur le rôle de la narrativité en catéchèse aujourd’hui. Il propose une approche de théologie pratique sur le rôle et l’enjeu du récit dans une démarche catéchétique, s’appuyant sur la parabole du Bon Samaritain et la façon dont s’en emparent divers documents catéchétiques.
Introduction : La narration comme processus
Dans le cadre de cette session sur la place de la Parole de Dieu en catéchèse, il m’a été confié par les organisateurs d’intervenir sur le rôle de la narrativité en catéchèse aujourd’hui.
Le sujet est intéressant et vaste, et bien des choses ont déjà été dites et écrites sur le sujet de la narrativité en catéchèse… Permettez-moi aujourd’hui une approche de théologie pratique, sur la fonction narrative en catéchèse, et plus particulièrement sur le rôle et l’enjeu du récit dans une démarche catéchétique.
Le nouveau Directoire pour la Catéchèse qui veut renouveler la dynamique catéchétique comme processus d’évangélisation, aborde plus particulièrement la question du langage narratif, non pas seulement comme une méthode pour transmettre un contenu de foi, ou comme un outil linguistique, mais davantage comme un moyen, un vecteur qui met en route ce processus :
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- La catéchèse valorise tous les langages qui l’aident à mener à bien ses tâches ; en particulier, elle prête attention au langage narratif et autobiographique. Ces dernières années, on note dans divers domaines culturels, la redécouverte de la narration non seulement comme outil linguistique, mais surtout comme moyen grâce auquel l’homme se comprend lui-même, comprend la réalité qui l’entoure et donne un sens à ce qu’il vit. La communauté ecclésiale prend également de plus en plus conscience de l’identité narrative de la foi elle-même, comme en témoigne l’Écriture sainte dans les grands récits des origines, des patriarches et du peuple élu, dans l’histoire de Jésus racontée dans les Évangiles et dans les récits des débuts de l’Église.
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- Au fil des siècles, l’Église a été comme une communauté familiale qui, sous diverses formes, a continué à raconter l’histoire du salut, en incorporant ceux qui l’avaient accueillie. Le langage narratif a la capacité intrinsèque d’harmoniser tous les langages de la foi autour de son noyau central qu’est le mystère pascal. De plus, il favorise le dynamisme expérientiel de la foi puisqu’il implique la personne dans toutes ses dimensions : affective, cognitive, volontaire. Il est donc bon de reconnaître la valeur du récit dans la catéchèse, car il accentue la dimension historique de la foi et sa signification existentielle, créant un entrelacement fécond entre l’histoire de Jésus, la foi de l’Église et la vie de ceux qui la racontent et l’écoutent. Le langage narratif est particulièrement propice à la transmission du message de foi dans une culture de plus en plus pauvre en modèles de communication profonds et efficaces.
Autrement dit, nous mesurons l’importance et l’enjeu de faire entrer un enfant, un jeune comme un adulte, dans les récits bibliques, en tenant en compte de la dynamique interne du récit mais en essayant aussi de le rendre acteur de sa lecture. Lire la Bible seul, en famille ou en communauté, c’est entrer dans un récit de salut, en faire la narration pour que le récit fasse sens dans l’existence de chacun, afin que celle-ci devienne à son tour récit de salut.
Le récit d’Emmaüs : modèle de processus d’évangélisation
Pour montrer dans quelle mesure la narrativité entraine un processus de conversion et d’évangélisation (de « disciple-missionnaire »), par l’intériorisation, l’appropriation et l’implication qu’elle suscitent chez l’auditeur du récit biblique, nous pourrions évidemment ensemble nous lancer dans une lecture du récit des pèlerins d’Emmaüs (Lc 24, 13-35) et regarder comment Jésus ressuscité, lui le premier catéchète, entraine ses disciples par le récit dans un tel processus : il les rejoint alors qu’ils discutent entre eux et leur demande de lui faire le récit des événements qui se sont passés à Jérusalem ou qui apparemment fait débat entre eux deux… (v. 17 et 19)
17 Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes.
18 L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. »
19 Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui…
Puis lui-même entreprend une relecture des Ecritures (La loi et les Prophètes) faisant une lecture interprétative de ce qui le concernait dans l’histoire du salut (v. 27) :
27 Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.
Après le repas où il se fait reconnaître, les disciples font une relecture de ce qu’ils ont vécu avec lui sur le chemin, en particulier de ce temps d’interprétation des Ecritures : c’est au cours de la narration de Jésus que leur cœur est devenu brûlant. Et ils se rendent compte de l’effet de la narration après coup. La narration agit avant même qu’on s’en rende compte. C’est un processus, une action transformante.
32 « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? »
Puis ils s’empressent de retourner à Jérusalem près des Apôtres désireux de leur annoncer la Bonne nouvelle du mystère pascal, et de leur faire le récit de leur rencontre avec le ressuscité :
35 À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.
Le récit est comme authentifié ou confirmé par l’annonce de la résurrection qui leur est faite au préalable par les Apôtres qui attestent ainsi qu’il s’agit d’une véritable expérience de foi. (v. 33-35) :
« Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent : 34 « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. »
Mais dans le temps qui m’est imparti, je vous propose aujourd’hui de regarder de plus près un autre moment dans l’évangile de Luc, où Jésus utilise de manière catéchétique la fonction narrative près de son interlocuteur : ce sont les paraboles.
Dans quelle mesure peuvent-elles contribuer à une démarche catéchétique aujourd’hui ? En quoi leur fonction narrative, utilisée par Jésus lui-même dans les évangiles, associe-t-elle la vie (ou l’avis) des auditeurs/lecteurs dans une expérience de salut ?
Je m’appuierai tout d’abord sur une parabole particulière, propre à l’évangile de Luc, celle du Bon Samaritain, pour dégager combien le récit utilisé par Jésus ne vient pas seulement résoudre une question, en la renversant, mais vient révéler un chemin de salut dans la vie de son interlocuteur.
Puis j’ouvrirai quelques pistes d’analyse de documents catéchétiques, à partir de ceux utilisés dans mon propre diocèse actuellement pour la catéchèse des enfants.
Enfin je conclurai sur les principaux enjeux de la fonction narrative dans la proposition catéchétique aujourd’hui.
La parabole du Bon Samaritain
25 Et voici qu’un docteur de la Loi se leva et mit Jésus à l’épreuve en disant : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? »
26 Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? »
27 L’autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. »
28 Jésus lui dit : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. »
29 Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? »
30 Jésus reprit la parole : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort.
31 Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté.
32 De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté.
33 Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion.
34 Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui.
35 Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : “Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.”
36 Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? »
37 Le docteur de la Loi répondit : « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. » Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. »
Dialogue 1ère partie | Dialogue 2ème partie | |
1. Question du légiste | v. 25 : que faire pour la vie éternelle ? | v. 29 : Mais qui est mon prochain ? |
2. Contre-question de Jésus | v. 26 : Qu’est-il écrit ? Comment lis-tu ? | v. 36 : Lequel est devenu prochain ? (précédée de la narration de la parabole, récit normatif (v.30-35) |
3. Réponse du légiste | v. 27 : citations scripturaires Dt 6,4 et Lv 19,18 (récitation de la Loi) | v. 37a : Celui qui a a agi avec miséricorde |
4. Approbation – Ordre de Jésus | v.28 : Fais cela et tu auras la vie | v. 37b : Va et toi aussi fais de même |
1.1. Une parabole pour dialoguer, interpeller, ou provoquer ?
A la lecture de cette parabole, nous pouvons remarquer que le coté décalé, exagéré ou disruptif, souvent propre à toutes les paraboles, vient ici comme activer, mettre en route un processus.
Cette parabole est insérée dans un dialogue, une rencontre entre Jésus et un légiste. La discussion porte sur l’interprétation de la Loi, en particulier sur l’observance du double commandement de l’amour, permettant d’être reconnu comme juste et donc de recevoir la vie éternelle. Jésus quitte le terrain normatif de la Loi, pour entrainer son interlocuteur dans un récit, une histoire qu’il veut lui raconter. La parabole ici n’est pas une rupture du dialogue, comme une pause ou un excursus illustratif, mais un élément même du dialogue qui apporte un élément au débat.
Ainsi on remarque une différence entre la Loi récitée et la parabole racontée : la Loi apporte une réponse, tandis que la parabole interroge. Cela conduit, au-delà du simple constat, à statuer sur le rôle de la citation de la Loi et sur celui de la parabole : « A la différence de la première partie où l’instance normative est l’Ecriture citée par le scribe (v. 27), c’est Jésus ici qui raconte une histoire (v. 30-35), dont l’évidence intérieure apparaît à celui-là seul qui l’entend et la comprend comme commentaire autorisé de l’Ecriture. Le texte ne s’achève pas vraiment, puisque le lecteur ignore si le légiste va accomplir ce qu’il a compris. »1
Cela confirme bien que la parabole n’est pas une césure dans le dialogue, mais bien un élément de ce dialogue, pouvant être considéré comme la manière dont Jésus, à son tour, lit le double commandement. Pour répondre à Jésus, le légiste a fait une double citation scripturaire de la Loi : le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain revêt pour lui ce qui est normatif. Pour répondre à sa deuxième question, Jésus quitte le législatif pour le narratif, faisant entrer ainsi le légiste dans un registre d’expérience. Ainsi c’est le récit donné par Jésus qui devient normatif.
Il est important de souligner ici que le renversement de perspective sur la question du prochain est soutenu par le basculement de la récitation de la Loi à la narration de la parabole. Ainsi la narrativité, insérée volontairement par Jésus qui change de terrain normatif, devient le lieu de l’interprétation de la Loi. Le récit de la parabole elle-même devient la propre réponse de Jésus à la question « comment lis-tu ? » et permet d’inclure le légiste de manière non-plus légale mais existentielle dans l’accueil du salut, en vivant à son tour la miséricorde. Il devient interprète et non plus exécutant de la Loi.
1.2. Portée théologique de la fonction narrative de la parabole
Le récit tel qu’il se présente laisse percevoir une stratégie narrative qui révèle sa dynamique théologique interne. Ainsi la parabole, loin d’être une césure dans le dialogue qui n’aurait pour but que d’illustrer le propos à des fins pédagogiques, devient le lieu d’interprétation de la Loi. Jésus quitte volontairement le registre législatif, la citation de la Loi ayant pour fonction d’apporter une réponse à la question, pour le récit d’une parabole qui a pour fonction d’interroger l’auditeur et de le faire entrer dans le registre de l’expérience.
La parabole ne répond pas uniquement à la question de l’amour du prochain, en venant contrarier ou renverser la définition du prochain demandée par le légiste, mais elle donne une interprétation de ce qu’est l’amour de Dieu, dans la manière ouverte par le Samaritain d’aimer comme Dieu. Sur ce point, la place centrale du v. 33 et en particulier du verbe « fut ému aux entrailles », déclencheur des actions de miséricorde, donne la clé herméneutique de toute la parabole et de l’ensemble de la rencontre avec le légiste.
Mais la parabole, par sa logique et par sa fonction herméneutique, acquiert un rôle inclusif pour l’auditeur, l’insérant à son tour par cette démarche de miséricorde dans une voie ou une expérience de salut. Le renversement ne concerne donc pas uniquement l’interprétation du prochain, mais aussi celle de la vie éternelle. Celle-ci ne vient pas seulement couronner un agir à la fin d’une vie, dans une logique de rétribution de la part de Dieu, mais elle s’accueille dès aujourd’hui dans une logique de grâce donnée et reçue par imitation de la miséricorde à l’œuvre. Qui entend la parabole et se laisse interpeller par sa logique herméneutique, en y adhérant par imitation d’actions miséricordieuses, est introduit de fait dans la grâce du salut offert dès à présent, manifesté dans l’agir du Christ.
Cette dimension du salut, très présente dans l’œuvre de Luc, ne saurait être absente de toute portée éthique souvent évoquée à partir de cette parabole : tout acte de miséricorde est manifestation du salut de Dieu et incorpore déjà à la vie divine. La problématique du salut est d’ailleurs posée dès les premiers mots de la péricope : s’agit-il d’obtenir ou de recevoir la vie éternelle ? Est-elle un don ou un dû ? De qui ou de quoi la faisons-nous dépendre ? L’amour en acte devient source d’une vie éternelle reçue d’un autre. Celle-ci n’est pas obtenue par obéissance à la Loi, ou par rétribution automatique d’une fidélité à la Loi. Elle est le fruit d’une relation d’amour envers Dieu et le prochain, d’une vie non plus vécue pour soi mais ouverte sur l’autre. La parabole du bon Samaritain intervient donc pour permettre à tout auditeur ou lecteur de se décentrer d’une projection de soi-même dans la vie éternelle, qui ramènerait à une logique rétributive.
Non seulement la parabole déplace la question de la recherche d’un objet d’amour à celle d’un sujet aimant, mais elle ouvre aussi le chemin du salut à tous par la manifestation de la miséricorde dans sa manière d’agir.
La fonction narrative de la parabole est donc d’ouvrir un nouveau champ herméneutique de la Loi, qui ouvre à une éthique toujours située dans un cadre théologique de révélation de la miséricorde de Dieu comme accomplissement du salut : s’il s’agit de se faire prochain, cela ne peut se faire qu’à la manière de Dieu. La parabole prononcée par Jésus devient ainsi pour Luc comme le paradigme de toute action miséricordieuse réalisée par Jésus et qui accomplit le salut de Dieu, mais aussi le paradigme de toute action miséricordieuse réalisée par chacun qui accueille ainsi le salut de Dieu. L’invitation finale de la péricope à faire « de même » revient pour lui à associer à ce salut tous ceux qui vivent du même amour, de la même miséricorde.
Quelle narrativité mise en œuvre dans les documents catéchétiques ?
Les documents catéchétiques promulgués par l’archevêque de Sens-Auxerre dans son diocèse pour les enfants de 8-11 ans sont actuellement au nombre de trois : « Il est le chemin, la Vérité et la Vie » du Diocèse de Dijon, « A la rencontre du Seigneur », par la Diffusion Catéchistique de Lyon, et « Les Nathanaël » par la DDEC et le SDC d’Angers.
Nous proposons donc de découvrir et d’analyser quelle lecture est faite de la parabole du bon Samaritain dans les deux premiers. Que pouvons-nous dire de son utilisation ? Que nous révèle les choix de présentation aux enfants ? Quel type d’interprétation est mise en avant : éthique, théologique, historique, … ? Quelle lecture théologique est-elle induite ?
2.1. Dans « Il est le Chemin, la Vérité et la Vie, Jésus, le Christ », Catéchisme pour tous les âges.2
Dans la deuxième partie d’initiation, intitulée « nous devenons disciples du Christ » (p. 191-343), nous trouvons deux mentions de la parabole du bon Samaritain dans le 4ème chapitre « Appelés à vivre selon la Loi d’amour, la morale chrétienne. » (p. 295-321) 3. Cet emplacement dans le catéchisme laisse-t-il envisager une lecture morale de la parabole, point d’appui ou exemple pour envisager selon l’Ecriture la visée de l’agir chrétien ?
- La première se trouve au point « 52. La loi d’amour ». Après avoir situé le double commandement de l’amour à partir des paroles de Jésus, le parcours invite à lire la parabole pour aider à comprendre que « pour Jésus, aimer est le secret de la vie morale. »4 La parabole sert donc d’exemple de l’amour en acte, pour illustrer le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain qui « résument tous les aspects de la vie morale du chrétien. »5 Cet amour en acte devient donc un devoir, car il correspond à ce que Dieu attend de nous6, à savoir nous conformer à l’amour tel que Jésus l’a vécu et révélé : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » (Jn 15,12)
Restant dans le registre des commandements, la parabole est alors abordée comme un enseignement moral de Jésus à propos du double commandement :
« Jésus lui-même nous a enseigné que nous devons aimer non seulement nos condisciples, mais notre « prochain », c’est-à-dire tout homme qui croise notre route et qui a besoin de nous, comme l’illustre la parabole du Bon Samaritain (Lc 10, 29-37) » Puis, reprenant Rm 13,8-10 et Ga 3,24 : « Les commandements peuvent se résumer dans la loi d’amour de Dieu et du prochain. La morale chrétienne n’est pas une nouvelle morale, mais l’accomplissement de la morale humaine avec l’aide de la grâce. Sans la grâce, nul n’est capable d’aimer comme le Christ nous a aimés. » 7
- La seconde mention de la parabole se trouve au point « 5.3. La vie nouvelle dans le Christ. »
Cette double page poursuit l’exposé sur les fondements de la morale chrétienne, en abordant l’apport de Jésus par rapport à la Loi de Moïse8, en particulier au Décalogue (meurtre, adultère, parjure) : Jésus invite à la réconciliation, à changer de cœur et à vivre dans la vérité. C’est en évoquant l’amour des ennemis, que le double commandement est ici rappelé, dans la bouche de Jésus en Mt 22, 37-40. C’est en tenant à préciser la nouveauté de ce double commandement que le catéchisme fait une brève allusion à la parabole :
« Il faut ajouter cette précision que pour le Christ le prochain, c’est tout homme qui croise ma route (cf. la parabole du Bon Samaritain Lc 10, 29-37) Quant à aimer son prochain, Jésus nous demande de l’aimer comme il nous a aimés (Jn 15,12) Ce commandement est nouveau (Jn 13,34) en ce qu’il tient tout entier dans le « comme ». St Paul dira ; le plein accomplissement de la Loi, c’est l’amour. (Rm 13,9-10) »9.
Que dire de l’utilisation ou de la lecture de la parabole faite ici ?
Tout d‘abord les références de la parabole sont citées, mais sans donner un accès direct au récit évangélique. Contrairement à d’autres références dans ces pages, aucune phrase n’est citée explicitement, donnant ainsi à l’épisode lucanien non pas un statut de texte majeur, mais davantage une fonction d’illustration du propos. Il faut donc que le catéchumène ou le catéchiste aille le trouver dans une Bible, pour intégrer sa lecture au développement fait sur les fondements de la morale chrétienne.
Cette manière de faire induit une distance entre le double commandement et la parabole, laissant à cette dernière un rôle de récit exemplaire d’un point de vue moral, sans pouvoir relever la portée théologique du récit, en particulier par rapport au salut. La parabole ne risque-t-elle pas de demeurer comme confinée dans un registre éthique sans pouvoir déployer la révélation du processus salvifique de la miséricorde qu’elle renferme ? Il devient alors difficile pour celui qui est initié de faire le lien entre les deux et d’entendre la parabole comme l’interprétation de Jésus sur le double commandement, comme un récit normatif faisant loi, non pas seulement parce qu’il induit une conduite à l’homme mais d’abord parce qu’il révèle celle de Dieu.
2.2. Dans « Pour toi qui suis-je ? »10, pour les enfants de 9-10 ans.
C’est dans le cahier intitulé « Pour toi qui suis-je ? »11 que nous trouvons une lecture de la parabole du bon Samaritain, dans la fiche thématique « Qui est mon prochain ? »12.
L’objectif de cette rencontre au cours de laquelle sera lue la parabole du bon Samaritain est formulé clairement dans le livret du catéchiste : « Comprendre le commandement : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »13
Notons que les enfants écoutent le récit de la rencontre avec le légiste sans l’avoir sous les yeux.
Le parcours propose ensuite au catéchiste quatre questions pour échanger avec les enfants sur la parole de Dieu :
a. Pourquoi le docteur de la Loi vient-il poser une question à Jésus ?
b. Que lui répond Jésus ?
c. Quelle phrase importante lui dit Jésus à ce moment-là ?
d. Quel changement y a -t-il dans l’attitude du docteur de la Loi ?
Dans les éléments de réponse suggérés au catéchiste, les points mis en avant sont la manière dont Jésus renvoie à la Loi de Moïse et à la vie de tous les jours pour mettre en pratique les commandements, et l’attitude du docteur de la Loi qui change entre la volonté de mettre à l’épreuve, d’évaluer Jésus et celle de chercher à mettre en pratique la Loi dans sa propre vie.14
Parole de Dieu : la parabole du Bon Samaritain
Puis vient la lecture de la suite du récit lucanien. Avant de lire le texte de la parabole, le catéchiste est invité à préciser qui sont les prêtres les lévites, les samaritains, et à expliquer ce qu’est une parabole comme moyen pour Jésus de communiquer un message sur le Royaume.
Au lieu du texte d’évangile, les enfants ont dans leur cahier une page où le récit est raconté sous forme d’une bande dessinée.15 Les images, sans paroles, racontent seulement les différentes étapes du récit parabolique en lui-même (v. 30-35). La fin du dialogue avec le légiste (v. 36-37) est donc à nouveau juste à entendre. C’est donc le seul récit livré aux enfants, sous la forme d’une BD qui peut leur permettre un acte de lecture, ici lecture d’images.
Sans s’appesantir sur la lecture d’images faite par les enfants, le catéchiste pose à nouveau une série de « questions pour échanger avec les enfants sur la parole de Dieu :
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- Qui est cet homme agressé par les bandits ?
- Que font les bandits ?
- Pourquoi le prêtre et le lévite ne s’arrêtent-ils pas ?
- Quelle personne Jésus présente-t-il en exemple au docteur de la Loi ?
- e. Rappeler la question que le docteur de la Loi a posée à Jésus avant la parabole
- Après la parabole, c’est Jésus qui pose une question au docteur de la Loi. Laquelle ?
- Et finalement, qui est le Samaritain ? »16
Au-delà d’une restitution du sens littéral, ces questions cherchent à remettre les personnages dans leur contexte historique pour comprendre les raisons de leur attitude respective (absence de compassion et aveuglement par le Loi, actes de compassion.) La réflexion à partir du récit attire l’attention sur le renversement de la question du prochain :
« Le plus important n’est pas de savoir qui est mon prochain, mais de qui je suis le prochain … il me faut toujours veiller à devenir proche de mes frères. Ainsi ce qui compte, ce n’est pas être né parmi le peuple élu pour hériter de la vie éternelle, mais d’agir avec bienveillance, gentillesse, bonté, amour envers toute autre personne, même si c’est notre ennemi. Mon prochain, c’est celui dont je me fais proche : quelqu’un qui croise ma route à tout moment, n’importe où, mais aussi celui que je côtoie tous les jours. »17
Une fois tout cela dit aux enfants, vient (enfin) le moment de leur donner la parole : « Laisser les enfants en parler : qu’en pensent-ils ? Ils peuvent donner des exemples dans leur vie de tous les jours. Ont-ils souci de se faire proche des autres ? » Les enfants sont donc sollicités, mais moins pour donner leur lecture ou interprétation de l’histoire racontée par Jésus et de ce qu’elle a provoqué chez le légiste, que pour chercher dans leur expérience des situations et des attitudes similaires à celle du Samaritain. Puisque le récit produit avant tout comme une mise en œuvre des commandements, l’implication des enfants par rapport au récit se veut donc avant tout morale, en offrant de s’identifier au Samaritain.
Que conclure de la lecture ou de l’utilisation de la parabole faite ici ?
La parole de Dieu, présentée dans sa traduction liturgique, occupe une place centrale dans la rencontre, mais le passage est lu par morceaux. Le choix de couper en 25-29 et 30-37 ne permet pas de voir suffisamment que le récit de la parabole est l’interprétation de la Loi par Jésus et devient un récit normatif, dans lequel comme dans la Loi Dieu se révèle. De plus, la finale du dialogue s’en trouve un peu escamotée. Le dialogue avec le scribe en Marc 12 n’influence-t-il pas l’interprétation faite ici de la péricope, laissant le commandement de l’amour de Dieu premier et celui du prochain second ? Derrière cette question se dissimule un présupposé qui influence la démarche de toute la rencontre, celui de vouloir donner ici une parole qui fasse autorité avant une parole qui fasse sens. De fait, nous voyons que la parabole joue ici un rôle de récit exemplaire, une illustration de l’attitude à avoir pour vivre les deux commandements. A rester uniquement dans le domaine moral, le sens s’en trouve plus restreint sur le plan théologique, et ne permet pas de délivrer la pointe christologique de la parabole, dans sa révélation de la miséricorde agissante de Dieu.
Les enfants sont invités à imiter le bon samaritain identifié à Jésus, mais le risque est de ne pas percevoir que le samaritain révèle d’abord la manière dont Dieu aime, et que nous pouvons bénéficier de cette miséricorde en découvrant qu’il s’approche de nous. En devenant bénéficiaire de la miséricorde, alors elle agit pour me rendre acteur de miséricorde, non pas dans le but d’aimer Dieu, mais d’aimer comme Lui, en me découvrant impliqué dans cette miséricorde. Ainsi les bonnes actions que les enfants peuvent faire ne sont pas là à titre exemplaire pour imiter Jésus, mais les font participer à l’œuvre de miséricorde de Dieu, les font entrer de manière participative à l’œuvre de salut de Dieu, et en cela c’est recevoir maintenant en héritage la vie éternelle. Les enfants peuvent devenir des acteurs de l’histoire du salut.
Mais l’acte de lecture de la parabole ne rend pas les enfants assez acteurs, et même créateurs de sens. Le sens du texte est confiné au plan moral, et ne peut se déployer autrement. Il est prédéfini, ne laissant pas aux enfants d’entrer eux-mêmes dans un acte de lecture dans lequel ils puissent eux- mêmes produire le sens du récit. Dans une approche catéchétique avec des enfants, nous gagnerions à ce qu’ils deviennent des lecteurs impliqués, s’identifiant avec les différents personnages, et d’abord avec ce légiste, pour répondre à leur tour aux questions de Jésus : « qu’est-il écrit ? et comment lis- tu ? »
2.3. « A la rencontre du Seigneur », par la Diffusion Catéchistique de Lyon. Le module « Dieu fait alliance »18
Dans le module « Dieu fait Alliance », la parabole du bon Samaritain est insérée dans un itinéraire biblique qui retrace les grandes étapes de l’Alliance entre Dieu et les hommes dans l’histoire du salut et qui invite à entrer à son tour dans cette histoire d’Alliance.
Pour découvrir la parabole, les enfants disposent du texte évangélique dans « Parle Seigneur, Ta parole est un trésor » (Lc 10, 25-37 p. 343) et d’une bande dessinée de la parabole, présentée dans leur livret ainsi que sur un dvd.
Le document propose une lecture pas à pas, non seulement de la parabole, mais de l’ensemble du texte évangélique en respectant les différents temps du récit et en permettant aux enfants de s’approprier l’histoire, de rentrer à l’intérieur et de s’identifier successivement aux différents personnages.
- Le récit de la parabole est présenté aux enfants comme la réponse de Jésus à la question de légiste, comme un élément du dialogue qui s’est établi avec lui, et donc aussi avec eux. De plus, le changement de support du texte à la BD animée renforce le changement de genre littéraire : comme le légiste, les enfants aussi quittent le texte pour entrer dans la dimension plus narrative de la parabole.
- Après avoir visionné la BD animée, les enfants la retrouvent dans leur livret (p. 8-9) pour prendre le temps de repérer les personnages, les lieux, les paroles échangées. Puis à nouveau, « pour aider les enfants à s’approprier la parabole, le catéchiste leur propose de se mettre tour à tour à la place d’un des personnages : le blessé, le lévite, le prêtre, le samaritain, l’aubergiste. »19 Les enfants partagent ainsi leurs différents ressentis en endossant chacun des rôles tenus dans cette histoire. De cette manière, par un effet de projection, les enfants peuvent entrer dans une interprétation du récit, dégager par eux-mêmes du sens à partir de l’histoire proposée par Jésus.
- C’est seulement après que le catéchiste peut introduire des explications concernant les prêtres et les lévites, les samaritains, le lieu où se déroule la parabole. A l’aide des notes éclairantes de « Ta parole est un Trésor », il peut également ouvrir à une interprétation des raisons pour lesquelles le prêtre et le lévite ne s’arrêtent pas. Ces explications peuvent corroborer l’interprétation des enfants ou les éclairer sur les motivations des uns et des autres, bref elles permettent d’entrer davantage dans l’intention ou la problématique du récit.
- L’étape suivante redonne le rôle interprétatif aux enfants eux-mêmes, en leur demandant de jouer le récit de la parabole, par petits groupes si nécessaire, pour permettre à chaque enfant de tenir un rôle, et à chaque groupe de mettre en scène le récit, et par là même d’exprimer leur manière de le lire. En fait, la démarche scénique n’est pas un ajout pédagogique optionnel ou aléatoire, en fonction du temps restant ou des compétences du catéchiste, mais représente un acte de lecture du récit, à partir du moment où le lecteur est impliqué dans une interprétation du récit, dans une reformulation en vue d’une expression et d’une restitution.
Alors les enfants peuvent comme précédemment, répondre eux -aussi à la question posée par Jésus au légiste au v. 36 : « lequel des trois… ». Le catéchiste « invite les enfants à répondre et à échanger autour de la question : Pour nous, qui est notre prochain ? »20 Là encore, les enfants répondent avant d’entendre la réponse du légiste et la conclusion de Jésus au v. 37.
Que conclure de la lecture ou de l’utilisation de la parabole faite ici ?
Si la parabole est présentée aux enfants dans son contexte immédiat de la rencontre entre Jésus et le légiste, elle est plus qu’un élément narratif, une histoire qui délivrerait un message, elle devient un élément de dialogue, entre Jésus et le légiste, entre Jésus et les lecteurs que sont les enfants et leurs catéchistes. A plusieurs reprises et de diverses manières, ces derniers sont impliqués dans la lecture du récit : en réagissant, en dialoguant, en jouant la scène, en habitant différents points de vue, ils construisent de manière active (voire ludique) le sens du récit de la parabole. Les éléments de compréhension historique sont au service d’une lecture narrative, au sens où elle implique le lecteur lui-même. En cela, nous rejoignons des éléments de l’analyse littéraire et narrative du texte que nous avons soulevés précédemment.
La parabole met en débat la question de l’amour du prochain21. Elle éclaire pour les enfants la question d’une manière nouvelle, au-delà d’une dimension éthique de la loi, qui en ferait seulement un devoir. En replaçant le double commandement dans la perspective de l’Alliance comme don de Dieu, le module permet une approche plutôt théologale pour permette aux enfants de se découvrir inclus dans l’alliance nouvelle, le récit évangélique jouant un rôle de révélateur de la grâce de Dieu présente dans l’amour fraternel.
Enfin nous pouvons remarquer de manière paradoxale que si l’interprétation de la parabole introduit les enfants dans une dimension expérimentale de l’Alliance avec Dieu, celle-ci est envisagée souvent de manière individuelle : en effet elle ouvre à une relation personnelle avec Dieu qui se fait proche comme avec le prochain rencontré et de qui nous avons à nous faire proche. Or, Dieu fait Alliance avec un peuple, et pas seulement avec des individualités. S’il s’agit bien de se découvrir inclus, introduits dans cette relation d’Alliance par l’amour fraternel -et c’est l’effet révélateur de la parabole –, cela nous implique aussi de manière collective. Pour le dire autrement, ne manque-t-il pas un « nous », une ouverture collective, commune dans l’implication herméneutique de la parabole ? Pourrions-nous répondre « ensemble » aux questions que Jésus pose ? Cet aspect fait appel à une dimension d’ecclésialité, pas tant dans la formulation d’un sens unique de la parabole, que dans une attitude partagée parce que la révélation qu’elle renferme est commune à tous.22 Bref, cette quatrième étape de ce module appelle à une lecture en Eglise du récit, pour y trouver non pas d’abord une autorité d’interprétation, mais une communauté de réception et d’implication.
Conclusion : « Catéchiser, c’est faire résonner la Parole.23 »
Cette formule, reprise par J. Molinario, situe bien ce défi de la catéchèse, tant il touche au sens étymologique même de toute démarche catéchétique. L’acte catéchétique, parce qu’il est transmission et introduction dans une expérience de disciples à la rencontre du Seigneur et à l’écoute de sa Parole, nous déplace sur le terrain de la réception et donne lieu également à une herméneutique. Tous les documents que nous venons de parcourir nous indiquent combien, pour que la Bible devienne Parole de Dieu, un travail est nécessaire : le TNOC invite à « laisser la Parole de Dieu faire son travail. »24
Favoriser la lecture de la Parole de Dieu en catéchèse aujourd’hui, c’est entrer dans une expérience de lecture où se réalise non seulement la découverte d’un message mais la rencontre du Sauveur qui se révèle et transforme la vie de chacun.
En effet pour que l’Ecriture devienne Parole de Dieu adressée au lecteur, chacun est convié à faire acte de lecture, à devenir un lecteur impliqué en entrant dans un travail herméneutique. Comme le souligne C. Raimbault, « la Bible n’est pas immédiatement Parole de Dieu. Elle le devient. […] Parfois, on croit tellement connaître un récit que le texte biblique ne fait pas l’objet d’une véritable lecture. Il faut faire un effort pour que le texte devienne Parole. Verbum Domini évoque un rapport d’analogie entre Bible et Parole de Dieu : il ne s’agit pas d’une équivalence immédiate ».25
A la lumière de la parabole du bon Samaritain, l’implication du lecteur dans l’interprétation d’un récit narratif peut amener ce retournement, cette production de sens qui construit non seulement un sens pour la personne, mais la personne elle-même, à l’exemple du légiste. Autrement dit, l’interprétation du récit transforme le lecteur pour le rendre acteur de sa vie et participant du salut offert dans cette parole. D’une certaine manière, la Parole de Dieu devient en catéchèse une parole d’autorité, au sens premier du terme : elle transforme le lecteur, le fait grandir pour qu’il devienne auteur de sa vie. La force de la Parole de Dieu est qu’elle autorise toujours celui qui la reçoit à devenir. N’est-ce pas le sens de l’interpellation de Jésus à la fin de la parabole, au v. 37b : « Va et toi aussi fais de même. » ?
Raconter pour rencontrer : La narrativité dans l’action catéchétique devient un enjeu d’interprétation, d’intériorisation et d’appropriation des Ecritures pour qu’elles deviennent Parole de Dieu. En effet les Ecritures deviennent Parole de Dieu dans le processus de narration, tant dans le texte biblique que dans les supports, processus ou démarches catéchétiques. Autrement dit, à travers les récits des Ecritures, raconter le Christ amène à le rencontrer.
Comme le souligne J. Molinario, « c’est dire que la catéchèse n’a pas à choisir d’être ou non narrative. Sans sa dimension narrative, c’est la foi qui serait amputée d’une dimension essentielle de la Révélation. L’action catéchétique doit se préoccuper de savoir comment être narrative. »26 Ainsi cette dimension narrative pourrait être développée bien entendu dans la lecture d’autres paraboles, mais plus largement encore dans des récits de salut. L’implication du lecteur dans la narration et donc l’interprétation de ces récits devient le moment où le récit devient Parole, où celle-ci transforme, agit dans la vie du lecteur. La parabole du bon Samaritain nous a montré que sans la dimension narrative, c’est la dimension sotériologique de la Révélation qui nous échappe.
Quels que soient les niveaux de paroles des enfants, des jeunes ou des adultes, la posture catéchétique aujourd’hui n’est pas seulement de chercher à comprendre ensemble ou en Eglise ce qu’on lit mais d’entrer dans une justesse de relation avec les autres et avec le Christ lui-même.27 C’est avec le Christ que nous lisons l’Ecriture. Le Christ n’est pas présent dans l’objet lu seulement, mais aussi dans l’acte de lecture et d’interprétation qui devient lieu d’expérience, expérience de la rencontre du Christ. En ce sens nous rejoignons J. Molinario quand il affirme :
« La Bible n’est pas un complément argumentatif au catéchisme. Elle représente l’itinéraire de l’économie du salut, livre qui contient la Révélation de Dieu en Jésus-Christ. La Bible n’est plus la source au sens de la théologie des deux sources de la Révélation, puisqu’elle est comprise comme suffisante selon sa manière propre de révéler Dieu aux hommes. Une authentique catéchèse biblique est une authentique catéchèse tout court, de même qu’une authentique catéchèse liturgique est une authentique catéchèse. »28
Père François Campagnac, Vicaire général du diocèse de Sens-Auxerre
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1 François BOVON, L’évangile selon saint Luc (1-9), Labor et Fides, Commentaire du Nouveau Testament IIIa, Genève, 1991, p. 83.
2 Il est le Chemin, la Vérité et la Vie, Jésus, le Christ. Catéchisme pour tous les âges, diocèse de Dijon, Editions Artège – Le Sénevé, Paris, 2015.
3 Ce 4ème chapitre de la deuxième partie « Appelés à vivre selon la Loi d’amour La morale chrétienne » (pp.295-321) se compose de 5 points : 51. Les Béatitudes (p. 296-299), 52. La loi d’amour (p. 300 – 303), 53. La vie nouvelle dans le Christ (p. 304-311), 54. De la loi à la grâce. Foi, espérance et charité (p. 312 – 317), 55. Les saints. (p. 318-321).
4 Il est le Chemin, la Vérité et la Vie, Jésus, le Christ, Ibid. p. 300.
5 Il est le Chemin, la Vérité et la Vie, Jésus, le Christ, Ibid. p. 301.
6 Et le catéchisme d’ajouter : « La loi d’amour est la loi de la vie chrétienne. On n’aime pas avec des mots, mais avec des actes et un cœur pur. C’est vraiment ce que Jésus attend de toi, de nous tous. » Il est le Chemin, la Vérité et la Vie, Jésus, le Christ, Ibid. p. 300
7 Il est le Chemin, la Vérité et la Vie, Jésus, le Christ, Ibid. p. 302.
8 Les auteurs s’appuient ici sur une sélection de citations tirées du sermon sur la Montagne (Mt 5) mais d’autres extraits bibliques (Jr 31, Ep 2, Mt 15, Jn 8, Jn 14,…).
9 Il est le Chemin, la Vérité et la Vie, Jésus, le Christ, Ibid. p. 308.
10 Pour toi qui suis-je ? (Cahier enfant 9-10 ans et livret du catéchiste), Il est le Chemin, la Vérité et la Vie, Jésus, le Christ. Catéchisme pour tous les âges, diocèse de Dijon, Editions Artège – Le Sénevé, Paris, 2015.
11 Les deux autres s’intitulent « Viens et tu verras ! » (Première annonce) et « Confiance il t’appelle ! » (Initiation chrétienne).
12 Pour toi qui suis-je ? Cahier enfant 9-10 ans, Ibid. p. 30.
13 Pour toi qui suis-je ? livret du catéchiste, Ibid p. 63.
14 Pour toi qui suis-je ? livret du catéchiste, Ibid p. 64.
15 Pour toi qui suis-je ? Cahier enfant 9-10 ans, Ibid. p. 31. Page présentée en annexe.
16 Pour toi qui suis-je ? livret du catéchiste, Ibid p. 65.
17 Pour toi qui suis-je ? livret du catéchiste, Ibid p. 65. Pour asseoir la lecture éthique de la parabole, le document donne au catéchiste un extrait de l’encyclique de Benoit XVI Dieu est amour §15 sur le concept du prochain
18 Le document enfant pour ce module se présente sous la forme d’un livret (de fiches perforées à ranger dans un classeur) de 22 pages. La Diffusion Catéchistique – Lyon, « Dieu fait Alliance », Mame-Tardy, Paris, 2017.
19 « Seigneur, tu nous appelles » Documents du catéchiste ibid. p.64.
20 « Seigneur, tu nous appelles » Documents du catéchiste ibid. p.65.
21 Est-ce pour éviter une approche trop légaliste, et donc morale que les auteurs ne s’attardent pas sur la citation du double commandement ? Celle-ci souligne pourtant le lien entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain.
22 L’intervention d’un témoin lors de la rencontre (ou en dvd) peut être une ouverture. Mais cela ne risque-t-il pas de produire un effet d’exemplarité plus que d’ecclésialité ?
23 Joël MOLINARIO, Parole de Dieu et Écriture en catéchèse. La résonance de la Parole, Le Sénevé / ISPC, Le Point catéchèse, Paris, 2011, p.79.
24 CONFERENCE DES ÉVEQUES DE FRANCE, Texte National pour l’Orientation de la Catéchèse en France, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, Paris, 2006, chapitre 3, point 3.3, p. 50.
25 Christophe RAIMBAULT, « Comment mettre en œuvre, en exégèse biblique, le n° 34 de Verbum Domini ? », Revue Catholique Internationale COMMUNIO, tome 44/5, n° 265, Paris, 2019, p. 74.
26 J. MOLINARIO, op. cit., p. 123.
27 Rappelons ici l’enjeu dans l’art de lire qu’évoquait E. Falque : « Ce qui importe donc au lecteur lisant n’est pas uniquement de comprendre ce qu’il lit, ce à quoi nous réduisons le plus souvent la lecture aujourd’hui, mais la justesse de la relation de celui « à qui » et « avec qui » je le lis. » Emmanuel FALQUE, op. cit., p. 171.
28 J. MOLINARIO, op. cit., p. 42.